Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 novembre 2016 et des mémoires enregistrés le 15 mai 2018 et le 29 mai 2018, Mme E...et M.D..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 2 novembre 2016 ;
2°) de condamner le département des Hautes-Pyrénées à leur verser la somme de 18 000 euros correspondant aux travaux de nature à remédier aux désordres affectant leur propriété, la somme de 2 152,80 euros au titre des frais engagés pour le déplacement de leur système d'assainissement et la somme de 2 500 euros au titre des troubles de jouissance ;
3°) d'enjoindre au département des Hautes-Pyrénées de procéder ou de faire procéder aux travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres subis par leur propriété ;
4°) de mettre à la charge du département des Hautes-Pyrénées les frais d'expertise et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les dommages qu'ils subissent trouvent leur origine dans la présence et le fonctionnement d'ouvrages publics, la route départementale n° 18, et d'un accessoire de celle-ci, le fossé qui la longe et s'arrête en bordure de leur propriété ;
- les dispositions des articles R. 131-1 du code de la voirie routière et 640 du code civil sont inapplicables en l'espèce, dès lors que les premières concernent l'écoulement des eaux pluviales de la plate-forme et que la servitude instituée par les secondes ne s'applique que lorsque les eaux découlent naturellement des fonds supérieurs " sans que la main de l'homme y ait contribué " ;
- ils ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public en cause ;
- il appartient au département d'assurer l'assainissement non seulement de la voirie mais également de ses accessoires ;
- aucune faute ne leur est imputable, dès lors, d'une part, qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'exige que la construction d'une maison individuelle soit entreprise sous le contrôle d'un maître d'oeuvre, et, d'autre part, que la circonstance qu'ils n'ont prévu aucun dispositif permettant d'assurer l'écoulement des eaux résulte d'un défaut d'information du département sur ce point, qui avait été consulté, en sa qualité de gestionnaire de la voirie, dans le cadre de l'instruction de leur demande de permis de construire ; leur permis de construire ne comportait aucune prescription de travaux destiné à prévenir le ruissellement des eaux de la route départementale ; ils n'avaient pu mesurer l'ampleur des écoulements ;
- l'implantation de leur maison en contrebas de la route départementale n° 18 n'est pas de nature à exonérer le département de sa responsabilité ; la fragilité ou la vulnérabilité d'un immeuble ne peut être prise en compte que dans l'évaluation du préjudice, ce dont le tribunal n'a pas tenu compte ;
- ils subissent en raison de ces désordres un préjudice anormal et spécial, susceptible de se renouveler, et auquel les travaux préconisés par l'expert permettraient de mettre définitivement un terme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le département des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête, à l'infirmation du jugement en tant qu'il a mis à sa charge les frais de l'expertise, et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions en injonction sont irrecevables dès lors qu'elles ne constituent pas une demande accessoire mais une demande principale, qui n'a au surplus donné lieu à aucune décision de l'administration en l'absence de réclamation préalable ;
- il appartient au riverain qui entend rechercher la responsabilité de l'administration en raison du ruissellement des eaux sur son terrain de démontrer que l'ouvrage départemental a aggravé la situation de sa propriété vis-à-vis de l'écoulement des eaux ;
- dès lors que la situation préexistait à l'achat du terrain par les requérants, sa responsabilité ne peut être recherchée ;
- les requérants disposaient d'une étude hydropédologique annexée à leur acte de vente qui soulignait la nécessité " de régler le problème des deux fossés de la route départementale qui se déversent dans la parcelle ", d'un certificat d'urbanisme rappelant l'article 640 du code civil et d'un permis de construire comportant prescription de l'élaboration d'un puisard ; ils doivent assumer les conséquences de leur volonté d'assurer eux-mêmes la maîtrise d'oeuvre de la construction de leur habitation ;
- ils ne justifient pas avoir pris contact avec le conseil d'architecture d'urbanisme et d'environnement ainsi que les y invitait le certificat d'urbanisme qui leur avait été délivré ;
- les travaux relatifs à l'accès à la parcelle des requérants ont été effectués sans permission de voirie, malgré les prescriptions de l'alinéa n°1 du permis de construire ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Terme,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...et M. D...sont propriétaires depuis le 8 décembre 2007 d'un terrain situé 12 rue d'Astugue, en bordure de la route départementale n° 18, sur le territoire de la commune de Loucrup et sur lequel ils ont fait édifier un bâtiment à usage d'habitation. Leur parcelle étant régulièrement inondée, ils ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Hautes-Pyrénées à les indemniser des préjudices qui en résultent, qu'ils imputent à la présence et au fonctionnement de la route départementale et du fossé qui la longe. Ils relèvent appel du jugement du 2 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande et les a en conséquence condamnés à rembourser au département la provision de 4 000 euros versée en exécution d'une ordonnance du juge des référés, déduction faite des frais d'expertise qu'il a mis à la charge du département, soit une somme de 1 284,22 euros. Le département forme appel incident en tant que le jugement a mis les frais d'expertise à sa charge définitive.
Sur la responsabilité :
2. Il résulte du rapport déposé le 31 janvier 2014 par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal que les dommages dont les requérants se plaignent sont causés par le ruissellement des eaux pluviales qui proviennent à la fois de la plate-forme de la route départementale n° 18, située en surplomb de leur propriété, et du fossé qui la longe, qui s'interrompt à l'angle Sud de leur propriété entre les parcelles n° 219 et n° 480. Ce ruissellement est dû à l'insuffisance du dispositif d'écoulement des eaux pluviales de la route départementale qui ne comporte pas de fossé au droit de leur propriété ni de dispositif permettant la circulation des eaux sous le terre-plein d'accès à la propriété des requérants. Ceux-ci ayant la qualité de tiers vis-à-vis des ouvrages publics que constituent la voie départementale et le fossé attenant, les dommages dont il s'agit sont de nature à engager la responsabilité du département, qui en a la garde, sans qu'il soit besoin de rechercher s'il a commis une faute. Le département ne saurait à cet égard utilement se prévaloir des dispositions de l'article 640 du code civil pour décliner sa responsabilité, dès lors que ce texte n'est applicable que lorsque les eaux découlent naturellement des fonds supérieurs " sans que la main de l'homme y ait contribué ".
3. Toutefois, il résulte également de l'instruction, en premier lieu, que la configuration des lieux, la déclivité importante du terrain des requérants, sa situation en contrebas immédiat de la voie départementale, laquelle remonte après l'accès à leur propriété, et l'interruption du fossé au droit de celle-ci, qui préexistaient à l'achat de la parcelle, rendaient prévisible le risque d'inondation. L'existence de venues d'eau en provenance de la route départementale était au demeurant nécessairement connue des requérants, dont l'acte d'acquisition du terrain comportait en annexe une étude hydropédologique qui, si elle portait sur l'aptitude du terrain à l'assainissement individuel, mentionnait également que " deux fossés longeant la RD 18 s'écoulent directement dans la parcelle, y occasionnant ainsi la création d'une zone humide. Un ruisseau s'écoule en contrebas, dans le talweg. Il n'y a pas de captage AEP à l'aval immédiat de la zone étudiée ". En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, d'une part, que ces désordres ont été aggravés par les modifications du profil du terrain nécessaires à la construction de la maison des requérants et par les caractéristiques de l'accès de leur propriété sur la route départementale n° 18, qui ne comporte pas de système permettant le recueil des eaux pluviales, et, d'autre part, que les requérants n'ont pas eu recours à un maître d'oeuvre, alors que leur attention avait été appelée au moment de l'achat du terrain et de la délivrance du permis de construire sur la nécessité de traiter le problème de l'écoulement des eaux pluviales. Enfin, ils n'ont pas sollicité la permission de voirie à laquelle le permis de construire subordonnait tout commencement des travaux et qui aurait permis de prendre en compte la question de la prolongation du fossé sous l'accès créé. Par suite, alors même que les requérants ont tenté en vain par la suite de remédier à ces désordres en réalisant un fossé de faible profondeur sur leur parcelle, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'ils ont commis des fautes de nature à exonérer totalement le département de sa responsabilité.
4. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande. Il y a lieu par suite de rejeter leurs conclusions à fins d'injonction de réaliser des travaux.
Sur l'appel incident en ce qui concerne les frais d'expertise :
5. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".
6. Le tribunal a estimé que dans les circonstances particulières de l'espèce, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 715,78 euros par ordonnance du 26 février 2014, devaient être mis à la charge du département des Hautes-Pyrénées. Si celui-ci conteste sa condamnation, il ne développe aucun argument pour critiquer l'appréciation par le tribunal des circonstances de fait particulières de l'espèce. Par suite, ses conclusions incidentes doivent être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...et de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Hautes-Pyrénées sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E..., à M. A...D...et au département des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
David TERMELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16BX03723