Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 janvier 2017 et des mémoires enregistrés les 6 juillet et 17 septembre 2018, la commune de Saint-Pierre-d'Irube et la communauté de communes de Nive Adour, intégrée à la communauté d'agglomération Pays Basque, représentées par la Selarl Etche avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 2 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les demandeurs de première instance ne justifiaient pas d'un intérêt à agir au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que le permis de construire litigieux était entaché d'incompétence dès lors, d'une part, qu'il résulte des articles L. 111-8 et R. 111-19-13 du code de la construction et l'habitation que le vice d'incompétence n'est pas caractérisé, d'autre part, que la circonstance que le maire ait pris la décision attaquée au nom de l'Etat ou de la commune est sans incidence sur sa compétence et, qu'enfin, en tout état de cause, un tel vice n'est pas de nature à influencer le sens de la décision prise ni à priver les requérants d'une garantie ;
- les premiers juges ont méconnu leur office en omettant de rechercher si l'incompétence alléguée était de nature à influencer le sens de la décision prise et à priver les requérants d'une garantie ;
- le jugement est également irrégulier dans la mesure où les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir que les travaux étaient terminés ; les conclusions tendant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne pouvaient par suite être rejetées pour ce motif ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du c de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;
- le moyen tiré de ce que la construction méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme est inopérant dès lors que le bâtiment litigieux se situe dans une zone urbanisée de la commune ; en tout état de cause, l'article UA6 du plan local d'urbanisme fixe à 50 mètres le recul minimum par rapport à l'axe de la route concernée et comporte une étude justifiant cette règle ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 7 du plan local d'urbanisme relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives n'est pas fondé dès lors que le b du 4. de cet article prévoit la possibilité d'implanter différemment les installations et bâtiments nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 10 du plan local d'urbanisme relatif à la hauteur maximale des constructions n'est pas fondé dès lors que le projet, qui prévoit la réalisation d'un parking et d'une voie reliant ce parking au bâtiment, ne peut être de ce fait regardé comme situé à plus de 17 mètres de l'alignement et respecte les dispositions du a de l'article UA 10 applicables ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article UA 12 du plan local d'urbanisme concernant la réalisation d'aires de stationnement dès lors que, s'agissant d'un équipement public, il est expressément exclu de leur champ d'application et qu'en tout état de cause, la réalisation d'un parking pour les 2 roues d'une surface de 18 m² est prévue à proximité de l'entrée principale ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article UA 13 du plan local d'urbanisme relatives aux obligations imposées aux constructeurs en matière de plantation dès lors qu'il prévoit la plantation de 13 arbres de haute tige pour un parking d'une superficie de 945 m² ;
- le moyen tiré de ce que l'activité prévue dans les locaux du pôle culturel serait illégale au motif que des fonds publics ne peuvent contribuer au financement d'équipements privés est en tout état de cause inopérant et au surplus non fondé ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté dès lors qu'il n'existe aucun risque pour la santé des enfants au regard des risques de leucémie à proximité des routes à fort trafic.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 juin 2017 et le 8 août 2018, Mmes D...A..., F...A...et E...A...et MM. H...A..., G...A...et B...A..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de St Pierre d'Irube une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de la communauté de communes de Nive Adour, qui n'avait plus d'existence juridique à sa date d'introduction ;
- ils justifiaient d'un intérêt pour agir en première instance compte tenu des nuisances que leur occasionne la construction litigieuse et de la proximité de leur habitation ;
- l'appréciation du caractère urbanisé d'un espace ne dépend pas de son classement au plan local d'urbanisme et le classement UA est ici illégal au regard de la proximité de l'autoroute A63 ; l'article L.111-14- du code de l'urbanisme a bien été méconnu ;
- le permis de construire litigieux a été obtenu par fraude dès lors que le pétitionnaire a volontairement masqué dans le dossier de demande le fait que le bâtiment était destiné à abriter une école privée basque financée sur fonds publics ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2018 à 12 h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Terme,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de MeJ..., représentant la commune de Saint-Pierre-d'Irube et les observations de Me I...représentant Mmes D...A..., F...A...et E...A...et MM. H...A..., G...A...et B...A....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 11 juin 2015, le maire de la commune de Saint-Pierre-d'Irube (Pyrénées-Atlantiques) a accordé à la communauté de communes de Nive Adour, au nom de la commune, un permis de construire un " pôle culturel " d'une surface de plancher de 982 m² sur un terrain situé 40 avenue du Labourd, le projet ayant pour vocation, aux termes de la notice de présentation, de permettre l'enseignement de la musique, de la langue basque, de la danse et du chant et l'accueil de manifestations culturelles. La commune de Saint-Pierre-d'Irube et la communauté de communes de Nive Adour relèvent appel du jugement du 2 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé ce permis à la demande de Mmes D...A..., F...A...et E...A..., et MM. H...A..., G...A...et B...A....
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir à l'encontre d'un permis de construire lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
3. D'une part, il n'est pas contesté que les consorts A...sont propriétaires d'une construction à usage d'habitation située sur une parcelle contiguë au terrain d'assiette de la construction litigieuse. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à sa hauteur, à sa situation et à sa destination, rappelées au point 1, celle-ci affectera nécessairement les conditions de jouissance de leur bien par les défendeurs, en raison tant de la visibilité de l'immeuble depuis leur parcelle que de la modification des conditions de circulation sur la voie de desserte et des nuisances sonores qu'elle est susceptible d'engendrer. La fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir des consorts A...doit, par suite, être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une décision d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifiait la solution d'annulation. En outre, dans le cas où il estime qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, les examine. Il lui appartient de les écarter si aucun d'eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs de ces moyens lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
5. En l'espèce, les requérantes contestent le motif unique retenu par le tribunal administratif de Pau et relevé d'office pour annuler le permis de construire litigieux, tiré de l'incompétence du maire pour délivrer, au nom de la commune, un permis valant autorisation de travaux conduisant à la création d'un établissement recevant du public.
6. D'une part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 425-3 du même code : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions (...) ". Ni ces dispositions, ni celles de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme qui précisent, par exception au a de l'article L. 422-1, les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative de l'Etat est compétente, ni aucune autre disposition n'apportent toutefois, pour de tels permis de construire tenant lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme, d'exception à la compétence du maire, agissant au nom de la commune, prévue par l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 111-19-13 du même code : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par : / a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; / b) Le maire, dans les autres cas ".
8. Il résulte de ces dispositions que lorsque le maire a compétence, en vertu du a de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, pour délivrer un permis de construire et que celui-ci porte sur un établissement recevant du public, il ne peut être accordé qu'avec l'accord de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du même code, laquelle est le maire, agissant au nom de l'Etat, sauf pour les immeubles de grande hauteur. La circonstance que cet accord soit donné au nom de l'Etat est sans incidence sur la compétence du maire, agissant au nom de la commune, pour délivrer le permis de construire considéré.
9. Il résulte de ce qui précède que les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte pour annuler le permis de construire attaqué.
10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs en première instance.
11. L'article UA 10 du règlement du plan local d'urbanisme applicable limite la hauteur des constructions situées dans une bande de 17 mètres par rapport à l'alignement à 14 mètres au faîtage, 9,50 mètres à l'égout de toiture et 10,50 mètres à l'acrotère, et, en dehors de cette même bande, à 6 mètres au faîtage, 3 mètres à l'égout de toiture et 4 mètres à l'acrotère. La commune de Saint-Pierre d'Irube soutient que la bande de 17 mètres doit être calculée à compter de la limite du parking situé devant la construction. Toutefois, il ressort du plan de masse que ce parking privé de 30 places réalisé sur la parcelle d'assiette au bénéfice des utilisateurs du projet est séparé de la voie publique par un trottoir large et une bande enherbée et n'est accessible que par une seule entrée située à proximité du pont qui enjambe l'A63. Par suite il ne peut être regardé comme un accessoire de la voie publique. Par ailleurs, à défaut de précision contraire dans le plan local d'urbanisme, seul l'alignement existant à la date de délivrance du permis de construire attaqué peut être pris en considération pour l'application des dispositions de l'article UA 10. Or, la construction litigieuse se situe à plus de 17 mètres de l'alignement de la RD 936, et sa hauteur est de 9,10 mètres au faîtage et de 6,30 mètres à 1'égout de la toiture. Dès lors, les consorts A...sont fondés à soutenir que le permis de construire attaqué méconnaît ces dispositions.
12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier soumis à la cour, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
13. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ". Ces dispositions ont pour objet de permettre au juge administratif de surseoir à statuer sur une demande d'annulation d'un permis de construire lorsque le vice entraînant l'illégalité de ce permis est susceptible d'être régularisé par un nouveau permis. La faculté de régularisation ainsi ouverte n'est pas subordonnée à la condition que la construction faisant l'objet du permis attaqué n'ait pas été achevée, dès lors qu'elle est légalement possible.
14. L'illégalité affectant le permis de construire attaqué résulte, ainsi qu'il a été dit au point 11, de la hauteur de la construction et ne peut, eu égard à l'ampleur des modifications qu'une régularisation imposerait en l'espèce, être corrigée sans qu'il en résulte une remise en cause de la conception d'ensemble de la construction. Dans ces conditions, cette illégalité n'est pas régularisable par la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement contesté du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé le permis de construire délivré le 11 juin 2015 à la communauté de communes de Nive Adour ainsi que le rejet le 5 octobre 2015 du recours gracieux des consortsA....
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts A...la somme que la commune de Saint-Pierre-d'Irube et la communauté de communes de Nive Adour demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge sur ce même fondement une somme globale de 1 500 euros au bénéfice des consortsA....
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Pierre-d'Irube et de la communauté de communes de Nive Adour est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Pierre-d'Irube versera une somme globale de 1 500 euros aux consortsA....
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Pierre-d'Irube, à la communauté d'agglomération du Pays-Basque venant aux droits de la communauté de communes de Nive Adour, et à Mme F...A..., qui en informera les autres demandeurs de première instance.
Une copie en sera adressée au préfet des Pyrénées Atlantiques, ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bayonne en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
David TERMELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17BX00025