Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2018, MmeE..., représentée par
MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de
100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle serait refusée, de lui verser cette somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la délégation de signature accordée au signataire de l'arrêté attaqué est trop large et ne permet pas de déterminer quelles attributions lui ont été accordées ;
- la décision ne satisfait pas aux exigences de motivation prévues par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre l'administration et le public dès lors qu'elle se fonde seulement sur son entrée récente sur le territoire et ne fait état d'aucun élément relatif à sa vie privée et familiale ;
- il résulte de cette motivation que la préfète de la Vienne a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen circonstancié de sa situation ;
- la décision méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco algérien en ce qu'elle est entrée régulièrement en France, où résident son père qui a acquis la nationalité française, ainsi que sa mère qui l'a rejoint en 2008 dans le cadre du regroupement familial, et son frère aîné également français, que si elle n'a pu revoir ses parents durant une longue période c'est uniquement en raison de l'impossibilité d'obtenir un visa, que son grand-père est " mort pour la France " et qu'elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 avril 2018 à 12h00.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...E..., ressortissante algérienne née le 2 juillet 1979, est entrée en France via l'Espagne en mai 2014, sous couvert d'un visa Schengen. Elle a demandé le 11 juin 2014 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté du 2 février 2015, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité. Mme E...relève appel du jugement du 8 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 3 d'un arrêté du 20 octobre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. B...C..., sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, s'est vu délivrer, par la préfète de ce département, une délégation de signature " pour l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Contrairement à ce que soutient l'appelante, une telle délégation, qui incluait nécessairement la signature de la décision contestée, n'est ni trop générale, ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 96 de la convention de Schengen de 1990, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ainsi que la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. La décision indique également que
Mme E...est entrée en France récemment, qu'elle est divorcée et a vécu à distance de ses parents depuis 14 et 6 ans, que son père et son frère sont de nationalité française et que sa mère bénéficie d'un certificat de résidence algérien de 10 ans. Ainsi, en précisant les motifs de fait et de droit sur lesquels elle s'est fondée, la préfète de la Vienne a suffisamment motivé le refus de titre de séjour au regard de la disposition précitée. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté. Il ressort par ailleurs de cette motivation que la préfète a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de MmeE....
4. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé: " (. . .) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (. . .) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. H...E..., père de l'appelante, a acquis la nationalité française après avoir obtenu le statut de réfugié territorial, et que sa mère, Mme D...E..., qui l'a rejoint en France en 2008 au titre du regroupement familial, bénéficie d'un certificat de résidence algérien d'une durée de 10 ans. Son frère aîné,
M. G...E...a également acquis la nationalité française. Toutefois, à la date de l'arrêté contesté, MmeE..., qui a déclaré être divorcée, ne séjournait en France que depuis
8 mois. Elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 35 ans et ne démontre pas, compte tenu de son entrée récente sur le territoire national, avoir transféré le centre de sa vie privée et familiale en France. Si elle soutient également être dépourvue d'attache dans son pays d'origine, elle ne l'établit pas, d'autant que son frère, entré en même temps qu'elle en France, a également fait l'objet d'une décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien. Elle ne fait état d'aucune considération sur ses ressources et moyens d'existence ni en Algérie, ni en France, et ne justifie pas que ses parents pourraient subvenir à ses besoins et à ceux de son frère Mohammed, arrivé en même temps qu'elle. Dans ces circonstances, la préfète de la Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de 1'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressée.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.
Le président-assesseur,
Jean-Claude PAUZIESLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX00080