Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 26 août 2016 sous le numéro 16BX02937, la collectivité de Saint-Martin, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 24 juin 2016 ;
2°) de rejeter les demandes de la société SC Asarina ;
3°) de mettre à la charge de la société SC Asarina une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal ne pouvait appliquer les dispositions du code de l'urbanisme mais devait appliquer le code de l'urbanisme de Saint-Martin ;
- la demande de la société SC Asarina n'était pas recevable car elle était dirigée contre une décision superfétatoire, le projet n'étant pas soumis à déclaration préalable ;
- l'injonction prononcée par le tribunal était donc sans objet ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2016, la société SC Asarina conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Martin la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante ne justifie pas que les dispositions appliquées par le tribunal seraient différentes de celles prévues par le code de l'urbanisme de Saint-Martin ; la cour peut procéder à une substitution de base légale ;
- la collectivité de Saint-Martin a bien entendu s'opposer à la demande déclaration préalable et la circonstance que la collectivité a mis fin à la convention d'occupation du domaine public par une délibération de 2015 notifiée en 2016 est sans influence sur l'issue du présent litige ;
II) Par une requête enregistrée le 1er septembre 2016 sous le numéro 16BX03037, la collectivité de Saint-Martin, représentée par MeA..., demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 24 juin 2016 du tribunal administratif de Saint-Martin en tant qu'il a annulé la décision du 27 juillet 2015 par laquelle le président de la collectivité de Saint-Martin a rejeté la demande de la société SC Asarina, portant déclaration préalable de travaux et enjoint au conseil exécutif de Saint-Martin de délivrer dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement à la société SC Asarina le certificat, prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, de décision tacite de non opposition née le 20 avril 2015.
Elle invoque les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance précédente et soutient que les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative pour obtenir le sursis à exécution d'un jugement sont remplies dès lors qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement et qu'aucun des moyens soulevés devant les premiers juges n'est de nature à justifier l'annulation de la décision d'opposition à déclaration préalable ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2016, la société SC Asarina conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Martin la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conditions prévues par l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas remplies ;
Par ordonnance du 18 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée dans ces deux affaires au 8 février 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'urbanisme de Saint-Martin ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la collectivité de Saint-Martin ;
Une note en délibéré présentée pour la collectivité de Saint-Martin par Me A...a été enregistrée le 24 février 2017 ;
Considérant ce qui suit :
1. La collectivité de Saint-Martin a accordé le 1er décembre 2014 à la société SC Asarina une autorisation temporaire d'occuper le domaine public, au droit de la parcelle cadastrée BK 49 où elle exploite un restaurant, en vue d'édifier un ponton. Après interruption des travaux au motif que l'autorisation domaniale ne valait pas autorisation au titre de la réglementation d'urbanisme, la société SC Asarina a déposé le 20 mars 2015 une déclaration préalable de travaux pour édifier un ponton. Par une décision du 27 juillet 2015, le président de la collectivité de Saint-Martin a fait opposition à cette déclaration de travaux. Par jugement en date du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Saint-Martin a, d'une part, annulé la décision du 27 juillet 2015 en retenant le moyen tiré de ce qu'en l'absence de notification dans le délai d'instruction d'une décision de refus, la SC Asarina était bénéficiaire à l'expiration de ce délai d'une décision tacite de non opposition qui ne pouvait être légalement retirée en application des dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, et a d'autre part, enjoint au conseil exécutif de Saint-Martin de délivrer dans un délai d'un mois à la SC Asarina le certificat, prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, de décision tacite de non opposition. La collectivité de Saint-Martin relève appel de ce jugement en sollicitant son annulation et son sursis à exécution.
2. Les requêtes susvisées numéros 16BX02937 et 16BX03037 présentées par la collectivité de Saint-Martin sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande :
3. La collectivité de Saint-Martin soutient que le projet de la société SC Asarina de construction d'un ponton en bois de 20 mètres de long et 1,5 mètre de large n'était pas soumis à déclaration préalable et que la décision de non opposition étant superfétatoire, le retrait de cette décision ne constitue pas un acte faisant grief.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment d'un courrier adressé par la société SC Asarina à la direction de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme de Saint-Martin du 18 mai 2015, que c'est à la suite d'une demande des services de la collectivité que la société SC Asarina a déposé une déclaration préalable de travaux. Par ailleurs, la déclaration de travaux a fait l'objet d'un récépissé de dépôt prévoyant un délai d'instruction d'un mois et la collectivité n'a pas informé dans ce délai le pétitionnaire de ce que le projet ne nécessitait pas de déclaration préalable de travaux. Il ressort également de la décision du 27 juillet 2015 que la collectivité a refusé le projet au motif que le dossier de demande ne comportait pas de " note de présentation expliquant clairement le projet. " Enfin, alors même que les dispositions, citées par la collectivité, du code de l'urbanisme de Saint Martin ne soumettent pas la construction d'un ponton à déclaration préalable, la décision du 27 juillet 2015 qui s'oppose aux travaux a produit des effets juridiques dès lors qu'il n'est ni soutenu ni même allégué que la société SC Asarina ne s'y serait pas conformée. Par suite, et en tout état de cause, la collectivité de Saint-Martin ne peut utilement faire valoir que sa décision d'opposition aux travaux, à supposer qu'elle ait emporté retrait de la décision tacite de non opposition, serait superfétatoire et ne présenterait pas le caractère d'une décision faisant grief.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article LO 6314-3 du code général des collectivités territoriales applicable à la collectivité de Saint-Martin : " I.-La collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l'article LO 6314-4 ; cadastre ; 2° Circulation routière et transports routiers ; desserte maritime d'intérêt territorial ; immatriculation des navires ; création, aménagement et exploitation des ports maritimes à l'exception du régime du travail ; 3° Voirie ; droit domanial et des biens de la collectivité ; 4° Accès au travail des étrangers ; 5° Tourisme ; 6° Création et organisation des services et des établissements publics de la collectivité. Toutefois, l'Etat demeure compétent pour fixer, dans les matières mentionnées aux 1° à 6°, les règles relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions pénales. II.-A compter de sa première réunion suivant son renouvellement postérieurement au 1er janvier 2012, la collectivité fixe, sous la même réserve qu'au I, les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Urbanisme ; construction ; habitation ; logement ; (...) Par dérogation au 1°, les autorités de l'Etat délivrent, dans le cadre de la réglementation applicable à Saint-Martin et après avis du conseil exécutif, les autorisations ou actes relatifs à l'utilisation et à l'occupation du sol concernant les constructions, installations ou travaux réalisés pour le compte de l'Etat et de ses établissements publics. "
6. Aux termes de l'article 43-19 du code de l'urbanisme de Saint-Martin : " Le délai d'instruction court à compter de la réception au siège de la collectivité d'un dossier complet. " Selon l'article 43-21 du même code : " Pour l'application de la présente sous-section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier au siège de la collectivité, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles 43-37 à 43-41. " L'article 43-22 prévoit que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : 1° un mois pour les certificats d'urbanisme mentionnés au 1° de l'article 41-1, les déclarations préalables (...) ". L'article 44-1 dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) 2° Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) ". Enfin, aux termes de l'article 44-27 de ce même code : " La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait. "
7. Par délibération n° 22-1-2014 du 18 décembre 2014, la collectivité de Saint-Martin a approuvé le code de l'urbanisme de Saint-Martin, dont l'entrée en vigueur a été fixée par cette même délibération au 1er mars 2015. Ainsi, à la date de dépôt de la déclaration préalable de la société SC Asarina, le 20 mars 2015, ce sont les dispositions du code de l'urbanisme de Saint-Martin qui étaient applicables et non les dispositions du code de l'urbanisme. Toutefois, les motifs du jugement du tribunal administratif de Saint-Martin peuvent trouver leur fondement dans les dispositions des articles 43-19, 43-21, 43-22, 43-40, 44-1 et 44-27 du code de l'urbanisme de Saint-Martin, sans impliquer une appréciation différente des circonstances de fait, qui n'est au demeurant pas contestée en appel.
8. Aux termes de l'article 42-2 du code de l'urbanisme de Saint-Martin : " Les constructions énumérées ci-dessous doivent être précédées d'une déclaration préalable, même si elles ne comportent pas de fondations : 1° les constructions dont la surface de plancher, calculée comme il est dit à l'article 54-7, majorée de la surface couverte non constitutive de surface de plancher est supérieure à cinq mètres carrés et inférieure ou égale à cinquante mètres carrés, à l'exception des châssis et serres de production agricole ; 2° les ouvrages et accessoires des lignes de distribution d'énergie électrique, lorsque la hauteur des installation est inférieure à douze mètres ; 3° les piscines dont le bassin a une superficie supérieure à dix mètres carrés ; 4° les clôtures, à l'exception des clôtures nécessaires à l'activité agricole ou forestière ; 5° les châssis et serres dont la hauteur au-dessus du sol est comprise entre un mètre quatre-vingts et quatre mètres et dont la surface au sol n'excède pas deux mille mètres carrés sur une même unité foncière. " L'article 54-7 du même code dispose que : " La surface de plancher de la construction mentionnée au 1° de l'article 54-6 est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction : 1° des surfaces correspondant à l'épaisseur des murs entourant les embrasures des portes et fenêtres donnant sur l'extérieur ; 2° des vides et des trémies afférentes aux escaliers et ascenseurs ; 3° des surfaces de plancher sous une hauteur de plafond inférieure ou égale à 1,80 mètre." En application de ces dispositions, le projet de la société SC Asarina de construction d'un ponton en bois de 20 mètres de long et 1,5 mètre de large ne correspond pas à une construction dont la surface de plancher pourrait être déterminée en prenant en compte des niveaux construits, clos et couverts. Par suite, le projet n'était pas soumis à déclaration préalable et les premiers juges ne pouvaient enjoindre à la collectivité de Saint-Martin de délivrer un certificat de non opposition à travaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
9. Il résulte de ce qui précède que la collectivité de Saint-Martin est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin lui a enjoint de délivrer un certificat de non opposition à travaux.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
10. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de la collectivité de Saint-Martin, les conclusions de cette dernière tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin n° 1500089 du 24 juin 2016 est annulé en tant qu'il a enjoint à la collectivité de Saint-Martin de délivrer un certificat de non opposition à travaux.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la collectivité de Saint-Martin est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la société SC Asarina présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête numéro 16BX03037.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité de Saint-Martin et à la société SC Asarina.
Délibéré après l'audience du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 16BX02937,16BX03037