Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 décembre 2016, Mme A...veuveB..., représentée par Me Fourlin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2016 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de la somme de la 50 euros par jours de retour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle présente une gonalgie gauche chronique, une atteinte dégénérative fémoro-tibiale et fémoro-patellaire ainsi que des lésions dégénératives associées à une fissure méniscale et une lésion d'aspect d'osténonécrose focale entraînant des douleurs chroniques et des difficultés à la marche ; son affection nécessite la présence de son entourage familial pour l'aider au quotidien ainsi qu'un suivi médical qui ne peut pas être dispensé en Centrafrique, où le traitement n'est pas disponible et les erreurs médicales courantes, comme en attestent quatre décès dans sa famille ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît dès lors les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a perdu son époux en novembre 2013 et justifie d'attaches culturelles et personnelles importantes en France, où vivent trois de ses enfants dont l'un est de nationalité française, et huit de ses petits-enfants dont cinq de nationalité française; elle est dépourvue de tout lien dans son pays d'origine, le quatrième de ses enfants étant en Israël ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait dès lors que le préfet, qui n'est jamais tenu de prononcer une telle obligation de quitter le territoire, n'a pas justifié suffisamment l'édiction d'une telle mesure ; ce défaut de motivation révèle que le préfet n'a pas apprécié sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée en l'absence de prise en compte des risques de rupture de soins encourus dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il réitère ses observations formulées en première instance et fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé, et que les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne sont pas assorties de justifications sur les frais engagés.
Par ordonnance du 30 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2017.
Un mémoire en production de pièces présenté pour Mme A...a été enregistré le 17 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...veuveB..., de nationalité centrafricaine, née le 17 décembre 1955, est entrée en France le 1er avril 2015, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de 90 jours. Le 8 juin 2015, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 mars 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement n°1601771 du 4 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de séjour a été prise au vu d'un avis émis le 26 novembre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées, qui mentionne que l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'entraînerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié pour sa prise en charge médicale dans son pays d'origine. Mme A...produit plusieurs courriers et certificats médicaux, ainsi que le résultat d'une imagerie par résonance magnétique réalisée le 16 avril 2016, qui indiquent qu'elle présente des gonalgies invalidantes sur arthrose globale, une atteinte fémoro-tibiale et fémoro-patellaire à l'origine de douleurs et d'une diminution de sa mobilité articulaire, nécessitant la prise d'un traitement antalgique ainsi que des soins de rééducation fonctionnelle, un glaçage du genou et des infiltrations. Toutefois, ces différentes pièces ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur la gravité de sa pathologie et sur les conséquences d'un défaut de soins. Si la requérante se prévaut également d'un certificat médical du 1er juin 2015 qui fait état de façon lapidaire de l'indisponibilité des soins en Centrafrique, d'un rapport du ministère centrafricain de la santé publique et de la population relatif aux problèmes sanitaires et médicaux daté de 2007 ainsi que d'un rapport de juin 2016 de Médecins sans frontières, ces documents, dont la teneur reste très générale, ne permettent pas d'établir qu'il n'existerait aucun traitement approprié dans le pays d'origine. En outre, la requérante n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles " les erreurs médicales sont courantes en Centrafrique ", de simples affirmations sur les causes du décès de plusieurs proches ne pouvant tenir lieu de justifications. Enfin, si Mme A...affirme que l'assistance de sa famille lui est indispensable, elle ne produit aucun élément médical à même d'établir que son état de santé nécessite à titre permanent l'aide de ses proches au quotidien. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement refuser de délivrer à Mme A...un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
5. Mme A...soutient qu'elle justifie d'attaches familiales et culturelles fortes avec le territoire français dès lors que trois de ses enfants et huit de ses petits-enfants, dont certains sont français, vivent en France, qu'elle a étudié dans des établissements français en Centrafrique et qu'elle a précédemment vécu en France, où elle a travaillé en tant que secrétaire facturière. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France le 1er avril 2015, sous couvert d'un visa de 90 jours, à l'âge de 60 ans, après avoir passé la majorité de sa vie en Centrafrique. Par ailleurs, si elle invoque la présence de sa famille en Haute-Garonne, notamment de deux de ses enfants et de ses petits enfants, aucune pièce du dossier ne permet de démontrer qu'elle assurerait la garde de ses petits-enfants. Dans ces conditions, compte tenu de la brièveté de son séjour en France et du fait qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, la décision portant refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;(...)La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
8. Il ressort des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour, dont elle découle nécessairement et n'implique par conséquent pas de motivation spécifique pour respecter les exigences de motivation. Le préfet a motivé, en fait et en droit, la décision de refus de séjour, et a visé le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. La requérante ne saurait ainsi reprocher au préfet de n'avoir pas justifié la décision susvisée dans les motifs de l'arrêté, alors que la motivation de cette décision se confond, ainsi qu'il a été dit, avec celle du refus de titre de séjour. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'édiction de la mesure d'éloignement n'aurait pas été précédée d'un examen circonstancié de la situation de l'intéressée.
9. En dernier lieu, pour les motifs retenus au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. La mesure d'éloignement et le refus de titre de séjour n'étant pas illégaux, le moyen tiré par voie d'exception de leur illégalité à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écarté.
11. La décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que Mme A...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...veuve B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2016. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...veuve B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...veuve B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Vanessa BEUZELIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX03981