Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2018, l'EARL Ceres représentée par Me B... demande au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Toulouse du 16 juillet 2018 ;
2°) de faire droit à sa demande de provision ;
3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge solidaire de la région Occitanie et de l'Etat.
Elle soutient que :
- elle ne s'est pas vu verser l'aide pour la conversion à l'agriculture biologique au titre de la campagne 2016 ;
- le plafonnement de l'aide a été ramené de 30 000 euros à 15 000 euros au titre de l'année 2016 alors qu'elle bénéficiait d'une décision d'octroi de l'aide sans que le délai d'instruction puisse avoir une incidence dès lors qu'elle remplissait les conditions d'octroi ;
- elle peut se prévaloir des principes de loyauté et de confiance légitime au soutien de sa demande d'aide ;
- le plafonnement de l'aide porte atteinte au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en ce qui concerne l'aide au titre de la campagne 2016, sa créance est acquise car elle remplit les conditions fixées pour son attribution sans qu'on puisse lui opposer que sa demande est en cours d'instruction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, la région Occitanie représentée par Me A...conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la réduction de la provision dont le versement sera subordonné à la constitution d'une garantie, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'EARL Ceres en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'aide à la conversion à l'agriculture biologique financée sur fonds européen et sur fonds national a été plafonnée ; ce plafond a été fixé à 15 000 euros au titre de l'année 2016 ;
- le principe de non-rétroactivité ne s'oppose pas à ce qu'une réglementation nouvelle s'applique aux situations en cours mais fait seulement obstacle à ce qu'elle s'applique aux situations constituées sous l'empire des anciennes règles ; en ce qui concerne les aides agricoles, la situation des bénéficiaires potentiels n'est constituée qu'à la liquidation de l'aide octroyée qui en est le fait générateur ;
- ainsi, la question de la légalité de l'arrêté présente une difficulté sérieuse qui rend, à elle seule, sérieusement contestable l'existence d'une obligation de verser à la société une aide d'un montant supérieur au plafond ;
- les principes de loyauté et de confiance légitime n'ont pas été méconnus ;
- la durée de l'instruction de la demande est sans incidence sur le plafonnement contesté et sur le droit à l'aide au titre de la campagne 2016 en dépit du dysfonctionnement des systèmes d'instruction des demandes de l'organisme payeur, mais la créance est contestable dans son montant car la société ne tient pas compte des acomptes qui lui ont déjà été versés ;
- à titre subsidiaire, la région n'est pas débitrice de la créance car seule l'agence de services et de paiement est compétente pour verser les aides financées par le Feader ainsi que le stipule la convention tripartite du 6 février 2015.
Vu :
- l'ordonnance attaquée ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1er protocole additionnel à la convention ;
- le règlement (UE) n°1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), notamment son article 29 et son annexe II ;
- le décret n°2016-1963 du 28 décembre 2016 relatif à un apport de trésorerie au bénéfice des agriculteurs ;
- la convention tripartite, signée le 6 février 2015 relative à la mise en oeuvre des dispositions du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 concernant la politique de développement rural dans la région Languedoc-Roussillon ;
- les arrêtés du 23 décembre 2016 et du 26 février 2018 du préfet de la région Occitanie relatif aux engagements en agriculture biologique soutenus par l'Etat au titre de l'année 2015 et de l'année 2016 dans le cadre du programme de développement rural Midi-Pyrénées 2014-2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Philippe Pouzoulet, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL Ceres relève appel de l'ordonnance n° 1702509 du 16 juillet 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce que la région Occitanie et l'Etat soient solidairement condamnés à lui verser une provision de 30 000 euros au titre de l'aide à l'agriculture biologique pour l'année 2016.
Sur la demande de provision :
2. L'article R. 541-1 du code de justice administrative dispose que " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à établir l'existence d'une obligation non sérieusement contestable avec un degré suffisant de certitude.
4. Il résulte de l'instruction que, par arrêté du 23 décembre 2016, le préfet de la région Occitanie a décidé que les aides à la conversion à l'agriculture biologique cofinancées par l'Etat et l'Union européenne en application de l'article 29 du règlement ne pourraient dépasser le montant annuel total, tous financeurs confondus, de 30 000 euros par an et par bénéficiaire. Pour l'année 2016, un arrêté du préfet du 28 février 2018 a ramené ce montant maximal à 15 000 euros.
5. Au titre de la campagne 2016, l'EARL n'a perçu aucune aide en raison des retards affectant l'instruction de sa demande.
6. La requérante conteste le plafonnement de l'aide tel qu'il a été réduit au motif qu'il méconnaîtrait son droit d'obtenir l'aide de 30 000 euros et que le règlement porteraient atteinte aux principes de non-rétroactivité, de confiance légitime, de loyauté et au droit au respect des biens garantis par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, sa contestation soulève une difficulté sérieuse dont l'examen excède l'office du juge du référé-provision.
7. De plus, et ainsi que l'a estimé le premier juge, il n'entre pas non plus dans l'office du juge du référé-provision d'apprécier si l'exploitation de la requérante est éligible à l'aide au titre de la campagne 2016 alors que l'instruction de sa demande est toujours en cours.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la créance d'un montant de 30 000 euros invoquée par la requérante ne peut pas être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de provision.
Sur les conclusions présentées en première instance et en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Occitanie ou de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que réclame la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la région Occitanie présentées au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL Ceres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Occitanie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'EARL Ceres, à la région Occitanie et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Copie en sera adressée au préfet de la région Occitanie.
Fait à Bordeaux, le 22 mars 2019
Le juge d'appel des référés,
Philippe. Pouzoulet
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 18BX03228