Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.
Il soutient que :
- en l'état de l'instruction il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ; en effet le préfet ne s'est pas estimé en compétence liée et la fixation des tarifs de la redevance d'occupation domaniale a bien tenu compte des avantages de toute nature que le titulaire de l'autorisation est susceptible de retirer de l'usage privatif du domaine public ;
- l'exécution de ce jugement risquerait de mettre en péril l'équilibre d'exploitation du marché d'intérêt national de Toulouse Occitanie.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2021, la société Génédis, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre ne paraissent pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement ;
- le ministre ne fait état d'aucune circonstance qui permettrait de considérer que l'exécution du jugement risquerait d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment précis.
Par un courrier du 21 janvier 2021, les parties ont été informées sur le fondement de l'article 4 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, de l'absence de tenue d'une audience.
Par un courrier du 12 février 2021, les parties ont été informées que la clôture de l'instruction a été reportée au 22 février 2021 à 12h00.
Vu :
- la requête enregistrée sous le n° 21BX00191 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler le jugement du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 4 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La collectivité de Toulouse Métropole a délégué, par un contrat de délégation de service public du 11 mai 2017, l'aménagement et la gestion du marché d'intérêt national Toulouse Occitanie à la société d'économie mixte Lumin'Toulouse. La société Génédis exploite, au sein du marché d'intérêt national, un bâtiment aménagé pour le commerce de gros et de demi-gros de produits alimentaires moyennant une redevance d'occupation du domaine public. Par un arrêté du 6 mars 2019, le préfet de la Haute-Garonne a approuvé les nouveaux tarifs d'occupation des locaux et d'utilisation des équipements du marché d'intérêt national de Toulouse Occitanie pour l'année 2019. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du préfet de la Haute-Garonne ainsi que la décision du 18 juin 2019 rejetant le recours gracieux formé par la société Génédis à l'encontre de cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ". En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
3. Aux termes de l'article L. 761-3 du code de commerce : " Le tarif des redevances perçues auprès des titulaires d'autorisation d'occupation ou des autres formes de contribution des usagers du marché à son fonctionnement est établi par le gestionnaire et approuvé par le préfet. / Le gestionnaire du marché présente un compte de résultat prévisionnel permettant de faire face à l'ensemble de ses obligations sociales, financières et sanitaires établies ou prévisibles. / Si l'exploitation financière d'un marché présente ou laisse prévoir un déséquilibre grave, les ministres de tutelle peuvent, après avoir conseillé le gestionnaire et, le cas échéant, les collectivités publiques qui ont garanti les emprunts, relever d'office les redevances existantes, créer des recettes nouvelles, réduire les dépenses et, d'une manière générale, prendre toutes dispositions propres à rétablir l'équilibre ". Aux termes de l'article R. 761-4 du même code : " Le tarif des redevances ou contributions de toute nature perçues par le gestionnaire est établi soit par le conseil d'administration, soit par l'organe délibérant qui en tient lieu. / Le gestionnaire porte ce tarif à la connaissance des usagers ".
4. Pour annuler l'arrêté du 6 mars 2019 portant approbation des tarifs d'occupation des locaux et d'utilisation des équipements du marché d'intérêt national de Toulouse et la décision du 18 juin 2019 rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, le tribunal a considéré que le préfet avait entaché sa décision d'une erreur de droit en s'étant estimé en situation de compétence liée pour approuver les tarifs proposés par le président du marché d'intérêt national Toulouse Occitanie.
5. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne, qui s'est prononcé sur la demande d'approbation des nouveaux tarifs qui lui avait été présentée par le président du marché d'intérêt national Toulouse Occitanie après avoir reçu l'analyse de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et au vu d'une note établie par la direction départementale de la protection des populations, se serait estimé en situation de compétence liée pour approuver les tarifs pour l'année 2019. La circonstance que par son courrier du 18 juin 2019, en réponse au recours gracieux formé par la société Génédis, le préfet a indiqué que l'arrêté requis par les dispositions de l'article L. 761-3 du code de commerce avait pour " seul but d'approuver le tarif des redevances, c'est à dire l'entériner, en prendre acte " ne peut être regardée comme caractérisant l'erreur de droit ainsi alléguée dès lors que le courrier précisait, dans la phrase suivante, que " l'arrêté préfectoral, au sens de ces dispositions, n'a pas vocation à permettre, sur le fond, le décryptage des conditions d'établissement du tarif des redevances ", répondant ainsi au moyen tiré du caractère incomplet et imprécis de l'arrêté contesté. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Génédis, le préfet n'a pas indiqué, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, qu'il se trouvait en situation de compétence liée mais a, au contraire, précisé qu'il avait " toute latitude pour approuver ou désapprouver le tarif " et n'avait " pas vocation à se contenter de l'autoriser par arrêté ". Enfin les conditions d'approbation des tarifs pour l'année 2020 ne sont pas de nature à caractériser l'erreur de droit alléguée s'agissant de l'arrêté approuvant les tarifs de l'année 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a retenu, à tort, que le préfet s'était estimé en situation de compétence liée pour approuver les tarifs qui lui étaient soumis par le gestionnaire du marché d'intérêt national de Toulouse Occitanie parait, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
6. Si, dans son mémoire en défense, la société Génédis fait valoir que l'arrêté contesté ne détaille pas les modalités de calcul de la redevance payée par certains usagers et est, ainsi, insuffisamment précis, complet et clair, ce moyen ne parait pas, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté contesté du préfet de la Haute-Garonne.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Génédis.
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre le jugement tribunal administratif de Toulouse du 12 novembre 2020, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Les conclusions de la société Génédis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance, à la société Génédis et à la société d'économie mixte du marché d'intérêt national Toulouse Occitanie.
Fait à Bordeaux le 26 février 2021.
La présidente de chambre,
Marianne HardyLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX00198 2