Procédure devant la cour :
Par une requête n° 19BX01836 enregistrée le 6 mai 2019, M. C..., représenté par la SELARL MBA Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2019 ;
2°) d'annuler la décision du directeur général du CHU de Poitiers du 10 juillet 2017 ;
3°) de condamner le CHU à lui verser la somme de 135 953,49 euros ;
4°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la décision de le licencier en cours de contrat à durée indéterminée a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; elle a méconnu les dispositions de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986, qui prévoit la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée dès lors que l'agent justifie d'une durée de services publics de six ans sans interruption excédant quatre mois ; il a été recruté par des contrats de droit public à compter du 3 octobre 2007 et la période du 1er décembre 2011 au 1er avril 2012 n'a pas " excédé quatre mois " ; le CHU de Poitiers ne pouvait donc pas décider de ne pas renouveler son contrat, et la décision est irrégulière sur la procédure et injustifiée au fond ;
- à titre subsidiaire, la décision n'a pas été prise dans l'intérêt du service et est entachée de détournement de pouvoir ; l'affectation d'un nouvel agent sur le poste qu'il occupait démontre la nécessité pour le service que ce poste soit pourvu ; son ancienneté n'est pas étrangère aux appréciations devenues subitement défavorables, lesquelles n'émanent pas de son cadre d'unité ;
- il est donc fondé à demander l'indemnisation de son préjudice financier, notamment la perte de chance de percevoir son salaire jusqu'à sa retraite en 2030, et de son préjudice moral, à hauteur de la somme totale de 135 953,49 euros, outre la reconstitution de ses droits sociaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2019, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL AVOCATS, conclut au rejet de la requête de M. C... et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande d'annulation de la décision de rejet est irrecevable, une décision destinée à lier le contentieux à l'égard de la demande indemnitaire de l'intéressé ne pouvant faire l'objet d'un contentieux ;
- les moyens de la requête de M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Kolenc-Le Bloch, représentant le centre hospitalier universitaire de Poitiers.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers pour exercer les fonctions d'agent hospitalier qualifié à compter du 3 juillet 2006. A la suite de la décision du CHU du 5 mars 2014 de ne pas renouveler son dernier contrat, il a présenté une demande d'indemnisation du préjudice résultant des conditions dans lesquelles il a été mis fin à son contrat de travail, à laquelle le CHU a opposé un refus implicite acquis le 10 juillet 2017. M. C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le CHU à lui verser la somme de 130 953, 49 euros en réparation des préjudices subis, et relève appel du jugement du 6 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juillet 2017 :
2. La décision du 10 juillet 2017 ayant pour seul objet le rejet de la demande indemnitaire formée par M. C..., elle n'a eu pour effet que de lier le contentieux à l'égard de cette demande indemnitaire. Par suite, les conclusions à fin d'annulation d'une telle décision ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la demande de requalification du contrat présentée à titre principal :
3. Aux termes de l'article 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986: " Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle-ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article et de l'article 9-1. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même établissement relevant de l'article 2. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. / Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée de l'interruption entre deux contrats n'excède pas quatre mois. Lorsqu'un agent atteint les conditions d'ancienneté mentionnées aux quatrième à avant-dernier alinéas avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat ".
4. Il résulte de l'instruction que M. C... a été recruté par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers par un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) afin d'exercer les fonctions d'agent hospitalier qualifié, à compter du 3 juillet 2006. Ce CAE, contrat de droit privé, a été renouvelé à plusieurs reprises, jusqu'au 2 juillet 2008. Puis M. C... a été employé par le CHU de Poitiers en vertu de 24 contrats de travail de droit public pour remplacer divers agents absents, s'étendant sur les périodes du 3 juillet 2008 au 31 janvier 2010, puis du 26 avril 2010 au 30 novembre 2011, et enfin du 2 avril 2012 au 9 mars 2014. L'interruption entre d'une part, la fin du contrat signé pour la période du 23 mai 2011 au 30 novembre 2011 et d'autre part, le début du contrat le recrutant du 2 avril 2012 au 1er juillet 2012 atteignant quatre mois et un jour, ce qui excède donc quatre mois, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le requérant ne justifiait pas d'une durée de services publics effectifs de six ans au sens des dispositions précitées. Par suite, et alors qu'en tout état de cause, la période de services publics effectués par l'appelant ne débute que le 3 juillet 2008 pour s'achever le 9 mars 2014, M. C... ne peut soutenir que son dernier contrat de travail devrait être regardé comme conclu à durée indéterminée en application des dispositions de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986, et que la décision de ne pas renouveler ce contrat devrait être regardée comme un licenciement.
En ce qui concerne la justification du non-renouvellement:
5. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.
6. Au soutien de son moyen selon lequel le non-renouvellement de son contrat constituerait un détournement de procédure de la part du CHU en raison de son ancienneté, M. C... se prévaut de plusieurs évaluations positives. Cependant, il résulte de l'instruction, et notamment des trois dernières évaluations de la part de la supérieure hiérarchique de M. C... au service des soins de suite D et de la cadre supérieure de santé du pôle gériatrie, en date du 26 septembre et 12 décembre 2013 et du 27 février 2014, qu'il fournissait un " travail insatisfaisant concernant les pratiques professionnelles et le comportement ", que son attitude n'était ni " constructive ni objective " au sein de l'équipe, que " l'ensemble des tâches sur la journée de travail [n'étaient] pas réalisées " et qu'il présentait globalement de nombreuses insuffisances dans l'exécution de son travail. M. C..., qui avait été prévenu dès le 20 janvier 2014 que la période suivante serait une " dernière période d'essai " après les remarques qui lui avaient été faites, se borne à produire une seule évaluation positive remontant au 7 mars 2013. Dans ces conditions, il n'établit pas que le non-renouvellement de son contrat aurait été fondé sur des motifs étrangers à l'intérêt du service. De même, il ne résulte pas de l'instruction que l'attribution du poste précédemment occupé par M. C... à un nouvel agent contractuel révèlerait une méconnaissance de l'intérêt du service.
7. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité du CHU n'étant pas engagée en l'absence d'illégalité fautive, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Les conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par M. C... à l'encontre du CHU de Poitiers, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant le paiement au CHU de la somme que celui-ci demande sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CHU de Poitiers présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au CHU de Poitiers.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2021.
La présidente-assesseure,
Anne MeyerLa présidente, rapporteure,
Catherine B...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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