Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2021, le 12 avril 2021 et le 19 avril 2021, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale pour évaluer sa pathologie ;
4°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 12 août 2020 ;
5°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté a été édicté par une autorité incompétente, la délégation de signature produite par la préfète présentant un caractère trop général ;
- la cour pourra, si elle s'estime insuffisamment informée, ordonner une expertise médicale afin d'évaluer sa pathologie ainsi que les risques en cas d'interruption ou de modification de son traitement et en cas de retour dans son pays d'origine ;
- son état de santé justifie que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'un défaut de soins entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié ne sera pas effectivement disponible dans son pays d'origine compte tenu de l'état du système de santé psychiatrique au Maroc, de l'indisponibilité de certains des médicaments composant son traitement et de l'absence de tout cadre familial pour le soutenir dans ses démarches ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa durée de séjour en France et de son activité professionnelle, qui contribue au succès de son traitement ;
- la décision d'éloignement méconnaît également l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... D...,
- et les observations de Me E..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 7 mars 1974, s'est vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 1er août 2016 au 31 juillet 2017. Il a sollicité, le 8 juin 2017, le renouvellement de ce titre de séjour, ce qui lui a été refusé par un arrêté de la préfète de la Gironde du 12 août 2020 portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et détermination du pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 août 2020 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B... soutient vivre en France depuis 1996, avoir pris des cours de français à compter de 2010 pour améliorer son intégration, bénéficier du soutien de sa soeur qui vit également en France et avoir exercé, lorsque son état de santé le lui a permis, des activités professionnelles. Il précise que des démarches sont en cours pour lui permettre de travailler au sein d'un établissement et service d'aide par le travail proche de son domicile, et il ressort effectivement des décisions du 20 mars 2018 de la Maison départementale des personnes handicapées de la Gironde que lui a été reconnue la qualité de travailleur handicapé et qu'un avis favorable a été émis à sa demande d'orientation vers un tel établissement. Il justifie, par les pièces qu'il produit au dossier, d'une ancienneté de séjour conséquente sur le territoire français et d'importants efforts pour exercer une activité professionnelle, en dépit de sa pathologie psychiatrique. S'il ressort également des pièces du dossier que M. B... a épousé, le 24 octobre 2016, une compatriote vivant au Maroc, celle-ci atteste, corroborant ainsi les explications de l'intéressé, qu'elle a contracté ce mariage afin d'honorer une promesse faite à la mère de M. B... dont elle était l'infirmière mais qu'elle ne le connaît pas, n'entretient aucun lien avec lui qui ne se souvient pas d'elle, qu'elle vit dans la peur de le voir revenir et de devoir s'occuper de lui alors qu'elle ignorait sa pathologie psychiatrique et déclare souhaiter, dès qu'elle en aura les moyens, engager une procédure de divorce. Par ailleurs, l'intéressé justifie avoir tissé en France des liens privés par la production d'une attestation d'un ami lui prodiguant un soutien quotidien notamment dans le suivi de son état de santé. Dans les conditions très particulières de l'espèce, compte tenu de la durée de séjour de M. B... en France, des liens privés et familiaux qu'il y entretient et de l'absence de toute attache au Maroc, le requérant est fondé à soutenir que la préfète de la Gironde a porté, par l'arrêté litigieux, une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'ordonner une expertise médicale, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique, eu égard à ses motifs, que la préfète de la Gironde réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a indiqué à la cour ne pas avoir formé de demande d'aide juridictionnelle. Les conclusions de la requête tendant à ce qu'une somme de 1 500 euros, à verser à son avocate, soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent par suite qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 12 août 2020 de la préfète de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme A... D..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2021.
La rapporteure,
Kolia D...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00397