2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A...devant le tribunal administratif de la Guyane.
Il soutient que :
- son recours est recevable dès lors qu'aucune notification du jugement attaqué n'a été faite auprès du ministre chargé de l'éducation nationale lequel a seul qualité pour interjeter appel ;
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif de la Guyane n'avait pas compétence pour prononcer l'annulation partielle du décret du 15 avril 2013 et qu'il ne résulte pas des visas que le magistrat qui a présidé la formation de jugement aurait été désigné conformément à l'article R. 222-17 du code de justice administrative ;
- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'article 8 du décret du 15 avril 2013 doit également être écarté dès lors que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la différence de traitement instituée par cette disposition, qui subordonne le droit à l'ISG à la condition de l'accomplissement d'une affectation d'une durée de deux ans hors des territoires, est en rapport avec l'objet des textes qui l'établissent et répond à la différence de situation objective dans laquelle se trouve les fonctionnaires concernés ;
- la demande indemnitaire de Mme A...ne saurait être accueillie dans la mesure où elle n'apporte aucun élément de nature à établir, comme elle le soutient, qu'une promesse lui aurait été faite de lui verser en totalité l'indemnité en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 décembre 2017, le 8 juin 2018, le 29 mai et le 4 juin 2019, MmeA..., représentée par MeB..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de la décision du 27 mars 2015 portant refus de paiement de la première fraction de l'ISG, ensemble la décision du 8 juin 2015 rejetant son recours gracieux et à ce que l'État lui verse l'ISG avec intérêts à compter de sa demande de paiement, subsidiairement une somme identique en réparation de son préjudice résultant d'une promesse fautive et, en toutes hypothèses de porter à 4 000 euros le montant des frais exposés en première instance et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable pour tardiveté alors même que la notification du jugement attaqué a été adressée au recteur dès lors que les dispositions des articles R. 751-1 et R. 751-8 du code de justice administrative invoquées par le ministre portent atteinte au droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration posent en tout état de cause une obligation de transmission à l'autorité compétente ;
- il n'est pas contesté que Mme A...n'a pas eu notification des formes et délais de recours, de sorte que l'irrecevabilité de son recours dirigé contre la décision implicite de rejet de son recours du 3 juin 2016, qui n'a au demeurant pas été reprise devant la cour par le ministre, doit être écartée ;
- si c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'article 8 du décret du 15 avril 2013, ce que Mme A...n'avait pas demandé, elle était néanmoins fondée à exciper de l'illégalité de ces dispositions, qui instituent une condition d'antériorité de services discriminatoire dépourvue de fondement entre enseignants alors que les sujétions inhérentes à une affectation en Guyane que l'indemnité a pour objet de compenser sont de même nature et de même charge pour un stagiaire, un titulaire justifiant d'une année de services antérieurs ou pour un titulaire justifiant de deux années de services antérieurs ;
- le fait générateur de l'attribution de l'ISG est l'affectation d'un fonctionnaire en Guyane, créatrice de droits et irrévocable, à condition d'y accomplir une durée minimale de quatre années consécutives, sans que le décret conditionne son paiement à une ancienneté de services de deux ans hors de Guyane, qui, tout au plus, aurait dû conduire l'administration à refuser son affectation ;
- à titre subsidiaire, elle a subi un préjudice du fait de la privation des compensations auxquelles son affectation lui ouvrait droit résultant d'un comportement fautif de l'administration, qui, d'une part, a retenu sa candidature alors qu'elle était irrecevable et d'autre part, a, par la pratique et par les indications sur son site internet, comportant un renvoi à une circulaire indiquant que l'ISG était servie à tous les fonctionnaires sans distinction, fait une promesse qu'elle n'a pas tenue et qui était déterminante dans le choix de Mme A...de servir à Cayenne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1er du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique : " Une indemnité de sujétion géographique est attribuée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats, titulaires et stagiaires affectés en Guyane, à
Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'indemnité de sujétion géographique est versée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats dont la précédente résidence administrative était située hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte./ Les fonctionnaires de l'État et les magistrats qui demeurent ...pas en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotteen Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayottene peuvent bénéficier de cette indemnité s'ils sont affectés sur place./ Elle est versée aux stagiaires qui ne demeurent ...pas en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotteen Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotteet qui y sont affectés à l'issue de leur entrée dans l'administration ou à l'issue d'une promotion. ". Et aux termes de l'article 4 de ce décret : " L'indemnité de sujétion géographique est payable en trois fractions égales : - une première lors de l'installation du fonctionnaire ou du magistrat dans son nouveau poste ; - une deuxième au début de la troisième année de service ; - une troisième au bout de quatre ans de services. ". Enfin, aux termes de l'article 8, dans sa rédaction applicable au présent litige : " une affectation ouvrant droit à l'indemnité de sujétion géographique prévue ne peut être sollicitée qu'à l'issue d'une affectation d'une durée minimale de deux ans hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte. ".
2. MmeA..., lauréate du concours de professeur d'éducation physique et sportive session 2013-2014, a été affectée à sa demande en Guyane le 1er septembre 2014, après une année de stage accomplie dans l'académie d'Aix-Marseille. Par décision du 27 mars 2015, le recteur de l'académie de la Guyane a refusé de lui accorder la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique (ISG) aux motifs qu'en application de l'article 8 du décret du 15 avril 2013 portant création de cette indemnité, elle n'avait pas accompli deux années de service en dehors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Mayotte, antérieurement à son affectation. Mme A...a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté par décision du 8 juin 2015. Elle a présenté, le 3 juin 2016, une demande de réexamen du refus de versement de la première fraction de l'ISG et de procéder " le moment venu " au versement des deuxième et troisième fractions de l'ISG et une demande tendant à la condamnation de l'administration à lui verser une somme égale à la totalité de cette indemnité en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la remise en cause de la promesse de son règlement. Le ministre de l'éducation nationale relève appel du jugement n° 1600545 du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé les dispositions du décret du 15 avril 2013 en tant qu'elles excluent de leur champ les fonctionnaires titulaires justifiant d'une année de services antérieurs et a condamné l'État à verser à Mme A...ladite indemnité.
Sur la fin de non recevoir opposée par MmeA...:
3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. ". Aux termes de l'article R. 751-8 de ce code: " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'État, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'État devant la juridiction. ". Et aux termes de l'article R. 811-10 du même code : " Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué n'a été notifié qu'au recteur de l'académie de la Guyane qui avait assuré la défense de l'État devant le tribunal. Le délai d'appel ouvert contre le jugement du tribunal administratif de la Guyane ne pouvait courir contre l'État qu'à compter de sa notification au ministre chargé de l'éducation nationale, qui avait seul qualité, en tant que ministre intéressé pour former appel. Si Mme A...soutient que les dispositions précitées de l'article R. 751-8 du code de justice administrative méconnaissent l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces dispositions qui n'ont ni pour objet ni pour effet d'instaurer au profit de l'État un délai d'appel différent de celui accordé aux autres parties mais tiennent seulement compte des nécessités particulières liées au fonctionnement de l'État ne confèrent pas à ce dernier un privilège qui serait de nature à porter atteinte au principe de sécurité juridique et au droit au procès équitable. Elle ne peut également invoquer utilement à l'encontre de ces règles de notification d'une décision juridictionnelle la méconnaissance des dispositions des articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration applicables aux seules demandes adressées à l'administration. Mme A...n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'appel formé par le ministre de l'éducation nationale serait tardif et donc irrecevable. Il y a lieu par suite, de rejeter la fin de non recevoir opposée par l'intimée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : 1° Des recours dirigés contre (...) les décrets ".
6. Il est constant que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé l'annulation partielle du décret du 15 avril 2013 précité, alors qu'une telle demande, qui n'avait pas été adressée à cette juridiction, relèverait, en vertu des dispositions précitées, de la compétence du Conseil d'État en premier et dernier ressort. Il y a lieu, par suite d'annuler le jugement en date du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé les dispositions du décret du 15 avril 2013 en tant qu'elles excluent de leur champ les fonctionnaires titulaires justifiant d'une année de services antérieurs. Du reste, la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de la Guyane tendait seulement à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Guyane lui refusant le versement de l'indemnité de sujétion géographique.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé. Par conséquent, il y a lieu pour la cour administrative d'appel d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de la Guyane.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie de la Guyane :
8. D'une part et aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés ".
9. D'autre part et aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
10. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision
du 27 mars 2015, le recteur de l'académie de la Guyane a rejeté la demande de Mme A...tendant à la perception de la première fraction de l'ISG et, par une décision du 8 juin 2015 mentionnant les délais et les voies de recours ouverts à son encontre, a rejeté le premier recours gracieux qu'elle avait formé à l'encontre de cette décision. Il ressort également des pièces du dossier de première instance que cette décision lui a été notifiée le 15 juin 2015. Le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative était ainsi expiré à la date à laquelle l'intéressée a formé son second recours gracieux, le 3 juin 2016, lequel n'a pu dès lors rouvrir le délai du recours contentieux. Dans ces conditions, et en l'absence de circonstances de fait ou de droit nouvelles, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le recteur de l'académie de la Guyane sur son recours du 3 juin 2016 et tendant notamment au réexamen de la décision de refus de paiement de la première fraction de l'ISG, s'analyse en une décision purement confirmative de la décision expresse antérieure devenue définitive. Le recteur de l'académie de la Guyane s'étant prononcé dans cette décision antérieure sur son droit à l'ISG, la demande formulée dans le recours du 3 juin 2016 tendant au versement " le moment venu " des deuxième et troisième fractions de ladite indemnité ne pouvait par ailleurs être regardée comme nouvelle. Dès lors, les conclusions de Mme A...dirigées contre cette décision implicite en tant qu'elle refuse de lui accorder le bénéfice de l'ISG sont tardives. La fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie de la Guyane alors même qu'elle n'a pas expressément été reprise devant le juge d'appel, doit par suite être accueillie.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. Il est constant que Mme A...n'avait effectué qu'une année d'exercice en qualité de fonctionnaire stagiaire hors de la Guyane avant d'être affectée dans ce département
au 1er septembre 2014. Par suite, et alors même que cette circonstance ne faisait pas obstacle à
sa nomination en Guyane, en dépit de ce qu'elle prétend, Mme A...ne remplissait pas la condition nécessaire au versement de l'ISG prévue par l'article 8 du décret du 15 avril 2013 cité au point 1.
12. Contrairement à ce que Mme A...soutient, il ne résulte de l'instruction ni que l'État lui aurait assuré de façon ferme et précise qu'elle bénéficierait, au titre de son affectation en Guyane, de l'ISG créée par le décret du 15 avril 2013 alors, au demeurant, qu'elle n'en remplissait pas les conditions, ni que son choix de rejoindre ce département avait pour motif déterminant l'information relative à ce régime indemnitaire figurant dans diverses circulaires et sur le site internet de l'académie de la Guyane. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction qu'elle aurait sollicité cette affectation sur le fondement de la promesse de se voir attribuer ladite indemnité.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'État aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie de la Guyane, que les conclusions tendant à la condamnation de l'État à verser à Mme A...une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une promesse fautive doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 30 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif de la Guyane et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et à Mme D... A...
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 juillet 2019.
Le rapporteur,
Aurélie C...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX03287