Par une requête enregistrée le 17 mars 2017, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 janvier 2017 ;
2°) d'annuler la délibération du jury d'admission l'ayant ajournée aux épreuves d'admission du brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière (BEPECASER) ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réunir un nouveau jury d'examen aux fins de délibération sur sa situation, ceci dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le " guide de l'examinateur " est un document à valeur normative et que le jury a commis une erreur de droit en ne respectant pas les éléments figurant dans ce guide ; n'a pas été consulté le coordinateur pédagogique en méconnaissance des règles sur les écarts de note figurant dans ce guide ; cette absence de consultation n'a pas permis au jury d'exercer sa tâche dans des conditions de transparence et d'égalité entre les candidats ;
- il lui a manqué 2 points sur 180 pour être admise ; le jury dispose du pouvoir de modifier une note et aurait dû procéder à un examen particulier de sa situation vu le faible écart de point ; en ne procédant pas un tel examen particulier, le jury a méconnu les indications figurant dans le guide de l'examinateur ;
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme A...et à la mise à la charge de cette dernière d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le guide de l'examinateur est seulement un document informatif à l'usage des examinateurs et accessible aux candidats et n'a pas vocation à constituer un document régissant l'organisation des épreuves qui lui conférerait un caractère normatif ; ce guide énonce des indications dépourvues de toute valeur normative ou règlementaire ; seuls l'arrêté du 3 mai 2010 et la circulaire du 6 mai 2010 ont valeur normative ;
- Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir de la circulaire du 20 avril 2009 portant application de l'arrêté du 8 décembre 2008 modifiant l'arrêté du 10 octobre 1991 relatif aux conditions d'exercice de la profession d'enseignant à la conduite automobile et de la sécurité routière dès lors que cet arrêté de 1991 a été abrogé par un arrêté du 3 mai 2010 et que la circulaire du 20 avril 2009 a été abrogée par une circulaire du 6 mai 2010 ; la circulaire de 2009 et celle de 2010 n'enjoignent pas aux examinateurs de tenir compte du guide ;
- ni l'arrêté du 3 mai 2010 ni la circulaire du 6 mai 2010 ne prévoient de saisine obligatoire du coordinateur où à tout le moins que l'absence de ce coordinateur lors de la décision d'ajournement entacherait d'illégalité celle-ci ; les examinateurs en ne faisant pas appel au coordinateur pour la fixation de la notation n'ont pas " violé le règlement de l'examen " ;
- les examinateurs n'avaient pas à faire appel au coordinateur dès lors que dans le cas de MmeA..., il n'existait pas d'écart important sur la notation et d'impossibilité de trouver un accord sur une note commune ; pour chacun des cinq critères d'appréciation, l'écart entre examinateurs n'est pas notable et la concertation des deux examinateurs a conduit à retenir la note la plus faible attribuée pour chacun des cinq critères ;
- la circonstance que le jury n'a pas modifié ses notes lors de la délibération ne signifie pas qu'il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; ayant eu une note éliminatoire, elle ne pouvait pas prétendre aller aux épreuves de rattrapage ;
- les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat d'organiser une nouvelle réunion du jury pour réexaminer sa situation ne peuvent pas être accueillies dès lors que depuis 2016 le BEPECASER a été remplacé par le titre professionnel " enseignant de conduite et de la sécurité routière " en application du décret n°2016-381 du 30 mars 2016 ;
- Mme A...ne justifie pas de la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- l'absence de bonne foi de la requérante a obligé le ministère de l'Intérieur à exposer des frais spécifiques pour la défense de ce dossier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 3 mai 2010 modifié relatif aux conditions d'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...a passé les épreuves du brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière (BEPECASER) les 11 et 19 mai 2016. Par courrier du 6 juin 2016, le directeur départemental des territoires de la Côte-d'or l'a informée que le jury d'examen avait décidé de l'ajourner aux épreuves d'admission au titre de la session 2016 et lui a communiqué les notes qu'elle avait obtenues. Mme A...a contesté auprès du tribunal administratif de Dijon la légalité de cette décision du jury la déclarant non-admise. Mme A...fait appel du jugement du 16 janvier 2017 du tribunal administratif de Dijon par lequel il a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. S'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation faite par le jury de la valeur des candidats, il lui appartient en revanche de vérifier que le jury a formé cette appréciation sans méconnaître les normes qui s'imposent à lui.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a obtenu un total de 88/180 se décomposant ainsi : 32/40 au contrôle de connaissances, 18/60 à l'épreuve de pédagogie sur véhicule, soit une note éliminatoire, 14/20 à l'épreuve de conduite commentée et 24/60 à l'épreuve de pédagogie en salle.
4. Mme A...soutient que lors de la notation de l'épreuve de pédagogie sur véhicule et lors de la fixation définitive des notes par le jury n'ont pas été respectées les dispositions figurant dans le " guide de l'examinateur " d'octobre 2014, établi par le bureau de l'éducation à la conduite et à la sécurité routière, lequel aurait une valeur normative, entachant ainsi d'illégalité la décision du jury. Elle indique d'une part que le coordinateur pédagogique aurait dû être consulté par les examinateurs de l'épreuve de pédagogie sur véhicule dès lors qu'entre la note définitive obtenue et l'une des notes proposée par l'un des deux examinateurs, il existe un écart de 6 points qu'elle qualifie " d'important " et que, dans le cadre de leur coordination, les examinateurs ont choisi une note plus basse de trois points que la note la plus faible proposée initialement. Elle fait état d'autre part de l'absence d'examen " tout particulier " de ces notes lors de la délibération par les membres du jury alors qu'elle était très proche du seuil d'admission.
5. En premier lieu, comme l'oppose le ministre, en ce qui concerne les épreuves de la session 2016 du BEPECASER, Mme A...ne saurait utilement se prévaloir, au soutien de son argumentation sur le caractère normatif ou réglementaire de ce " guide de l'examinateur ", d'éléments se rapportant à l'arrêté du 10 octobre 1991 relatif aux conditions d'exercice de la profession d'enseignant et d'une circulaire du 20 avril 2009 portant sur l'application de cet arrêté dès lors que ces deux textes avaient été abrogés respectivement par l'arrêté du 3 mai 2010 susvisé et par une circulaire du 6 mai 2010, laquelle au demeurant a elle-même été abrogée par une circulaire du 30 décembre 2014.
6. En deuxième lieu, la seule circonstance qu'un " guide de l'examinateur " soit mentionné dans le cadre d'une réponse à une question écrite du 6 juillet 1998 concernant la session de 1998 ne saurait donner valeur normative ou réglementaire à un autre document d'octobre 2014 également dénommé " guide de l'examinateur " et ce alors que le ministre dans sa réponse écrite produite au dossier s'est borné à indiquer qu'" aucune nouvelle disposition règlementaire n'a donc été mise en oeuvre à la session de 1998. Les prestations des candidats ont été évalués à partir des critères définis dans le règlement de l'examen et développés dans le guide de l'examinateur mis à la disposition de l'ensemble des acteurs du système (formateurs, examinateurs, candidats) ".
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 3 mai 2010 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " L'examen en vue de l'obtention du BEPECASER comporte deux groupes d'épreuves constituant l'admissibilité et l'admission définies par le tableau figurant à l'annexe II. (...) L'admission comporte une épreuve écrite et trois épreuves pratiques. Ces épreuves portent sur les notions inscrites au programme figurant à l'annexe III, actualisées à la date de l'examen. Chaque épreuve est notée de 0 à 20. Toute note inférieure à 7 sur 20 obtenue à l'une des épreuves d'admission est éliminatoire. Sont déclarés admis au BEPECASER les candidats ayant obtenu à l'issue des quatre épreuves d'admission la moyenne générale de 10 sur 20, soit, après application des coefficients mentionnés dans le tableau figurant à l'annexe II, un total de 90 points au moins. Pour le calcul de ces points, seules sont prises en compte les notes obtenues par les candidats aux épreuves d'admission. (...). Aux termes de l'article 5 de ce même arrêté : " La désignation des centres d'examen est effectuée par le ministre chargé de la sécurité routière. Par ailleurs, ce dernier nomme, par arrêté, pour une durée de trois ans, des coordinateurs pédagogiques et leurs suppléants après consultation des organisations syndicales représentatives. Les coordinateurs et leurs suppléants assurent la fonction de conseiller pédagogique auprès des membres du jury et des examinateurs. En outre, ils veillent à la bonne application des directives établies par le ministre chargé de la sécurité routière. ".
8. Il ressort des termes mêmes du guide d'examinateur d'octobre 2014 établi par les services du ministère de l'intérieur que les deux objectifs poursuivis par ce dernier sont de " préciser la mission respective des examinateurs, des coordinateurs pédagogiques et du jury, tous garants du bon déroulement de l'examen " et " de permettre aux examinateurs de bien comprendre le but de chaque épreuve ainsi que le système d'évaluation afin d'assurer la garantie de l'égalité de traitement des candidats, quel que soit le centre d'examen. A cet effet, la présentation de chaque épreuve est accompagnée d'un rappel des textes règlementaires. Par ailleurs, pour chaque critère d'évaluation est proposée une liste non exhaustive de questions qui se veulent autant de pistes d'observations, d'éclairages utiles pour les examinateurs. Ce guide ne doit pas être considéré comme une entité figée ". Il s'ensuit que les rédacteurs de ce document ont entendu lui donner une portée essentiellement informative. Dès lors, ce " guide de l'examinateur " ne saurait être regardé en lui-même et dans son ensemble comme présentant un caractère normatif.
9. Mme A...se prévaut ensuite du caractère normatif des mentions figurant dans le guide de l'examinateur d'octobre 2014 et relatives à l'obligation pour les examinateurs de faire appel à un coordinateur pédagogique " en cas d'écart important de notation ou d'impossibilité de trouver un accord sur une note commune " " si écart important ou divergence d'appréciation, faire appel au coordinateur pédagogique ", et d'un vice de procédure dès lors que les examinateurs n'auraient pas fait appel à un tel coordinateur dans le cadre de l'épreuve de " pédagogie sur véhicule ". Compte tenu de la formulation prescriptive de telles mentions, celles-ci doivent être regardées comme ayant un caractère impératif s'imposant aux examinateurs. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que pour cette épreuve, les examinateurs n°1 et n°2 ont retenu respectivement pour l'item 1 " relations avec l'élève " les notes de 3/3 et de 2/3, pour l'item 3 " développement du cours " les notes de 3/8 et de 2/8, pour l'item 4 " bilan " les notes de 0/3 et 1/3 et ont fixé pour les deux autres items " détermination de l'objectif " et " explication sur la démarche pédagogique " la note identique de 1/3 soit les notes finales de 24 et 21 sur 60. Ces écarts de note que ce soit pour chacun des items ou pour la note finale ne sauraient être regardés comme importants. Les appréciations littérales figurant sur les fiches d'observation de chacun des examinateurs concordent quant à la qualité de la prestation de la candidate, aussi bien sur les points positifs que négatifs, et ne sont au demeurant pas contestées par la requérante. Par suite, dans les conditions qui viennent d'être décrites, où il n'existe pas d'écart important de note ni de divergence d'appréciation quant à la prestation de MmeA..., les deux examinateurs n'avaient pas l'obligation de faire appel au coordinateur pédagogique. La circonstance que le jury - et non les deux examinateurs comme l'indique à tort la requérante - a ensuite attribué la note définitive de 18/60 pour cette épreuve n'impliquait pas la consultation préalable du coordinateur pédagogique. Par suite la requérante ne saurait se prévaloir d'un écart de 6 points pour soutenir que le coordinateur pédagogique aurait dû être consulté. Le moyen tiré d'un vice de procédure dont serait entachée la notation de cette épreuve doit dès lors être écarté.
10. Mme A...fait également valoir que n'aurait pas été respectée la mention dont elle allègue qu'elle serait normative et par suite impérative du même guide, selon laquelle " le jury examine tout particulièrement le cas des candidats ayant un total de points très proche du total réglementaire ou présentant des écarts de notes importants entre les épreuves de pédagogie par exemple ". Toutefois, une telle mention, compte tenu de la marge de manoeuvre laissée aux membres du jury pour définir les modalités de cet " examen tout particulier ", ne présente pas un caractère normatif. Au surplus, la circonstance que le jury n'ait pas fixé la note d'épreuve de " pédagogie sur véhicule " au-dessus de la note éliminatoire et ne lui ait pas alloué deux points supplémentaires ne saurait révéler que le jury n'a pas procédé à cet " examen tout particulier " en ce qui concerne la requérante.
11. Dès lors, dans les conditions décrites, après avoir arrêté ses notes définitives et constaté que l'une d'entre elles, à savoir la note de l'épreuve de " pédagogie sur véhicules ", était inférieure au 7 sur 20 requis, le jury a fait une correcte application des dispositions règlementaires figurant à l'article 3 de l'arrêté du 10 mai 2010 en déclarant non-admise Mme A...à la session 2016 du BEPECASER.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation de MmeA..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige:
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions formulées par l'Etat à l'encontre de Mme A...au titre du même article.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juillet 2019.
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N°17LY01074