Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2017, et un mémoire, enregistré le 20 novembre 2018, l'ONIAM, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 décembre 2016 en tant qu'il a procédé à la liquidation des préjudices subis par Mme F...;
2°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas limité l'indemnisation de Mme F... à la somme globale et provisionnelle de 5 661 euros ;
3°) subsidiairement, de réduire les condamnations prononcées à son encontre à la somme globale de 11 592 euros.
Il soutient que :
- l'état de santé de Mme F...n'est pas consolidé ;
- par suite, seule une provision sur ses préjudices temporaires peut lui être allouée ;
- les troubles neuro-sensitifs dont souffre l'intéressée ne sont pas en lien direct et certain avec son infection par le virus de l'hépatite C ;
- les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément doivent être réduites à de plus justes proportions.
Par des mémoires, enregistrés les 30 juillet et 2 novembre 2018, MmeF..., représentée par la selarl Blazy et Associés, demande à la cour de rejeter la requête, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas condamné l'ONIAM à lui verser une somme totale de 157 905,60 euros et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que son état est consolidé et qu'elle justifie du montant et de l'imputabilité à sa contamination de ses préjudices.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.D...,
- les conclusions de Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant MmeF....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F...est née le 9 janvier 1985 au centre hospitalier de Bayonne. Elle a été transférée le même jour au centre hospitalier de Pau, où elle a bénéficié d'une transfusion. Sa contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée le 29 juillet 2008 au vu des résultats d'un bilan biologique hépatique. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a remis son rapport le 17 juillet 2014. Par un jugement du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté que l'imputabilité de la contamination virale aux transfusions reçues par l'intéressée devait être regardée comme établie et n'était, au demeurant, pas contestée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a condamné ce dernier à verser à Mme F...une somme de 44 000 euros en réparation des préjudices que lui a causés cette contamination. L'ONIAM demande à la cour, à titre principal, d'une part, d'annuler le jugement du 13 décembre 2016 en tant qu'il a considéré que son état de santé était consolidé et a, par suite, procédé à la liquidation de son préjudice, d'autre part, de le réformer en tant qu'il n'a pas limité l'indemnisation de Mme F...à la somme globale et provisionnelle de 5 661 euros. Par la voie de l'appel incident, Mme F...demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné l'ONIAM à lui verser la somme globale de 157 905,60 euros.
Sur la consolidation de l'état de santé :
2. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'état de santé de Mme F...devait être regardé comme stabilisé le 11 avril 2014, jour de son examen par l'expert. Toutefois, il est constant qu'à cette date, Mme F...était toujours porteuse du virus de l'hépatite C, demeurait, par suite, atteinte d'une pathologie évolutive et était, en outre, susceptible de bénéficier au cours de l'année 2015 ou postérieurement, d'un traitement offrant de très bonnes perspectives de guérison.
3. Dans ces conditions, l'ONIAM est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que l'état de santé de Mme F...devait être regardé comme consolidé et a, par suite, procédé à la liquidation de son entier préjudice.
Sur le lien de causalité :
4. Il résulte de l'instruction que Mme F...est atteinte, outre sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'une infirmité motrice cérébrale modérée consécutive à sa naissance en grande prématurité qui s'est compliquée à compter de l'année 2012 d'une épilepsie partielle.
5. En premier lieu, compte tenu de ces antécédents et dès lors que les troubles neurologiques dont souffre Mme F...sont parfaitement atypiques d'une hypothétique neuropathie en lien avec une infection par le VHC, l'ONIAM est fondé à soutenir qu'il n'existe pas de lien direct et certain entre ces troubles et cette infection.
6. En second lieu, si Mme F...souffre d'un syndrome sec d'une " relative sévérité " et que l'infection au VHC se complique, dans 10 % des cas, d'un syndrome sec, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait fait l'objet d'une biopsie des glandes salivaires et d'examens biologiques alors pourtant que ces examens sont de nature à établir ou d'exclure l'existence d'un lien de causalité entre ce syndrome et cette infection. Dans ces conditions, l'ONIAM est également fondée à soutenir que l'existence de ce lien de causalité n'est pas établi de façon certaine.
7. En troisième lieu, il résulte, en revanche, des comptes-rendus des hospitalisations de Mme F...au centre hospitalier universitaire de Bordeaux des 15 mars 2008 et 8 février 2010 ainsi que du compte-rendu établi par le docteur E...après sa consultation du 15 mai 2012, d'une part, qu'il n'existe " aucun argument pour une origine organique pouvant expliquer " l'asthénie dont souffre MmeF..., d'autre part, que cette asthénie ne peut être que partiellement imputée au VHC.
Sur le préjudice :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 du présent arrêt que seule l'asthénie dont souffre Mme F...est partiellement en lien avec son infection par le VHC et que cette asthénie est présente depuis l'année 2005 mais qu'elle s'est aggravée à compter de septembre 2008. En outre, les parties ne contestent pas que le déficit fonctionnel temporaire en découlant est de classe I. Dans ces conditions, la fixation du montant de ce préjudice, par les premiers juges, à la somme de 4 000 euros, arrêtée au 3 décembre 2014 ainsi que le demande MmeF..., résulte d'une juste appréciation qu'il y a lieu de confirmer.
9. En second lieu, l'expert a évalué à 2 sur une échelle allant jusqu'à 7 les souffrances temporairement endurées par Mme F...et en lien avec sa contamination, y compris ses souffrances psychiques. Dans ces conditions, l'ONIAM est fondée à demander à ce que le montant provisionnel du préjudice en résultant soit ramené à la somme de 2 126 euros.
10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'état de Mme F...n'étant pas consolidé, le montant de son éventuel déficit fonctionnel permanent et de son préjudice d'agrément, de l'incidence professionnelle et d'éventuelles pertes de revenus futurs, de son préjudice sexuel et de son préjudice spécifique de contamination ne peuvent être fixés. En outre, en l'état de l'instruction, aucun de ces postes de préjudice ne présente un caractère suffisamment certain pour justifier l'allocation d'une indemnité provisionnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le montant des sommes que l'ONIAM est condamné à verser à Mme F...à titre provisionnel doit être ramené à la somme totale de 6 126,6 euros.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à charge de l'ONIAM au titre des frais exposés pour l'instance par MmeF....
DÉCIDE :
Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à Mme F...une indemnité provisionnelle d'un montant de 6 126,60 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal attaqué du 13 décembre 2016 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les demandes incidentes de Mme F...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
Le rapporteur,
Manuel D...Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°17BX00681