Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 août 2016, 19 juillet 2017,
14 septembre 2017 et 28 février 2018, le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions des 11 octobre 2004 et 23 février 2007 par lesquelles un visa a été délivré aux décisions d'effectif portant sur les vedettes hydrographiques Alidade et Arbalestrille ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la rédaction de nouvelles fiches d'effectif ;
4°) de mettre à la charge du grand port maritime de Bordeaux la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions d'effectif des deux vedettes, qui ne comportent que deux membres dont l'un est titulaire d'un BPPN ou d'un titre de capitaine 200 méconnaissent le décret
du 25 mai 1999 relatif à la délivrance des titres de formation professionnelle maritime et aux conditions d'exercice de fonctions à bord des navires de commerce ;
- ces décisions, compte tenu des dangers encourus, méconnaissent l'article L. 5522-2 du code des transports et l'article 4 de l'arrêté du 30 juin 1967 alors que, quelle que soit la durée de travail de l'équipage, ce dernier n'est composé que de deux marins ;
- ces décisions méconnaissent l'article L. 5544-11 du même code, selon lesquelles l'organisation du travail à bord prévoit que le marin bénéficie d'un temps de pause par tranche de six heures de travail effectif ;
- elles méconnaissent l'article L. 3121-35 du code du travail qui a retranscrit la directive européenne 2003 (CE) du 4 novembre 2003 prévoyant que la limite hebdomadaire de travail de 48 heures ne peut être dépassée qu'en cas de circonstances exceptionnelles et sans que ce dépassement excède 72 heures hebdomadaires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 janvier et 22 septembre 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, devenu le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés les 19 juillet et 22 décembre 2017, le Grand port maritime de Bordeaux, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique le paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors, d'une part, que par jugements du 6 mars 2008, revêtus de l'autorité de chose jugée, le tribunal administratif a précédemment rejeté des demandes tendant à l'annulation des décisions litigieuses, d'autre part, que la décision du ministre s'est entièrement substituée auxdites décisions ;
- les moyens soulevés par le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er mars 2018.
Un mémoire présenté pour le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique a été enregistré le 20 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le décret n° 67-432 du 26 mai 1967 ;
- le décret n° 77-733 du 6 juillet 1977 ;
- le décret n°2005-305 du 31 mars 2005 ;
- le décret n°2006-672 du 8 juin 2006 ;
- l'arrêté du 30 juin 1967 relatif aux effectifs à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance ;
- l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.B...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique, et de MeD..., représentant le Grand port maritime de Bordeaux.
Une note en délibéré présentée pour le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique a été enregistrée le 10 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par des décisions des 11 octobre 2004 et 23 février 2007, le directeur départemental des affaires maritimes de la Gironde a accordé son visa aux décisions d'effectif pour les vedettes hydrographiques Alidade et Arbalestrille, qui lui étaient soumises par leur armateur, le
Grand port maritime de Bordeaux. Le syndicat maritime Force ouvrière (FO) de la façade atlantique relève appel du jugement du 29 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur l'étendue du litige :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 26 mai 1967 : " L'effectif de tout navire est fixé par l'armateur s'il n'a pas été déterminé au préalable par voie d'accord entre les parties intéressées ou leurs représentants. / Il est soumis, par l'armateur, au visa de l'administrateur des affaires maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les décisions prises par les administrateurs des affaires maritimes en application du présent décret sont motivées. / Elles peuvent faire à toute époque l'objet d'un recours devant le directeur de la marine marchande, de la part de l'armateur, des délégués du personnel du navire en cause ou des organisations professionnelles représentatives sur le plan national des armateurs et des marins. / Le directeur de la marine marchande statue dans les huit jours suivant la réception de la demande ". Enfin, l'article 5 de ce décret dispose que : " Les décisions prises par le directeur de la marine marchande en application de l'article précédent peuvent être portées, dans les quinze jours suivant leur notification, par les personnes ou organisations mentionnées à l'article 4 ci-dessus, devant le ministre chargé de la marine marchande. Celui-ci statue en dernier ressort, dans le délai d'un mois, après avis d'une commission aux travaux de laquelle sont associées les organisations professionnelles d'armateurs et de marins et dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre chargé de la marine marchande ".
3. Les dispositions précitées ont organisé une procédure de recours administratif obligatoire préalable à l'engagement de toute instance contentieuse.
4. Il ressort des pièces du dossier que le syndicat maritime FO de la façade atlantique a exercé contre les décisions de visa litigieuses des 11 octobre 2004 et 23 février 2007 un recours gracieux le 3 juin 2015, puis des recours hiérarchiques, le 19 juin 2015, auprès du directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique et, le 6 juillet suivant, auprès du ministre chargé de la marine marchande. Par suite, les conclusions du syndicat dirigées formellement contre les décisions initiales des 11 octobre 2004 et 23 février 2007 doivent être regardées, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, comme dirigées contre la décision du ministre, née de l'exercice du recours au caractère obligatoire, qui s'y est substituée.
Sur le bien fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5522-2 du code des transports : " I. - Tout navire est armé avec un effectif de marins suffisant en nombre et en niveau de qualification professionnelle pour garantir la sécurité et la sûreté du navire et des personnes à bord ainsi que le respect des obligations de veille, de durée du travail et de repos ( ...)". L'article 4 de l'arrêté du 30 juin 1967 dispose que : " L'administrateur vérifie que l'effectif permet de répondre en toutes circonstances aux exigences posées par les textes législatifs et réglementaires en matière de (...) sécurité de la navigation. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que les décisions d'effectif en cause prévoient, pour les missions exclusivement de transit et pour les missions hydrographiques d'une durée inférieure à six heures du navire hydrographique Alidade, un équipage minimum de deux marins dont un capitaine possédant le brevet patron petite navigation (BPPN), auxquels s'ajoute un matelot pour les missions hydrographiques d'une durée supérieure à six heures, l'équipage pour les missions mixtes étant composé d'un capitaine et d'un assistant officier hydrographe possédant chacun le BBPN. Une même composition d'équipage avec un capitaine et un assistant officier hydrographe ayant chacun le titre de capitaine 200 est prescrite pour le navire hydrographique Arbalestrille. Si le syndicat appelant soutient qu'un équipage doit être composé en toute circonstance d'au moins trois marins afin qu'un homme tombé à la mer puisse être secouru, il n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, qu'un équipage de deux marins tel que prévu pour les missions précitées ne garantirait pas la sécurité et la sûreté du navire. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que le ministre aurait méconnu les dispositions précitées en rejetant le recours dont il était saisi.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5544-11 du code des transports : " L'organisation du travail à bord prévoit que le marin bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes par tranche de six heures de travail effectif. ".
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la composition minimale des équipages des navires hydrographiques Alidade et Arbalestrille, telle que décrite au point 6 ci-dessus ne permettrait pas, pour chacun des marins concernés, une pause de vingt minutes par tranche de six heures de travail effectif. À cet égard, le syndicat appelant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'au vu des extraits du journal de bord et à un " pointage mensuel " du navire Arbalestrille le temps de pause n'aurait pas été respecté dès lors que cette circonstance, même à la supposer établie, est sans incidence sur les décisions d'effectifs litigieuses. Il en est de même des circonstances, à les supposer établies, qu'un matelot supplémentaire ne serait pas embarqué pour les missions hydrographiques de plus de six heures et que le centre de sécurité des navires aurait failli à sa mission de contrôle des durées de travail et de repos.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 3121-35 du code du travail : " Au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures. / En cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser pendant une période limitée le plafond de quarante-huit heures, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine. " .
10. Le syndicat appelant se borne à reprendre en appel le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
11. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le Grand port maritime de Bordeaux, que le syndicat maritime FO de la façade atlantique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande le syndicat maritime FO de la façade atlantique au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat appelant la somme de 1 500 euros à verser au Grand port maritime de Bordeaux au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique versera au Grand port maritime de Bordeaux une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat maritime Force ouvrière de la façade atlantique, au ministre de la transition écologique et solidaire et au Grand port maritime de Bordeaux.
Copie en sera transmise au préfet de la Gironde et au directeur interrégional de
la mer Sud-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
Le rapporteur,
Didier B...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02939