Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2016, et deux mémoires, enregistrés les 12 août 2016 et 18 septembre 2017, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de condamner le centre hospitalier Sud Gironde de Langon à lui verser la somme globale de 13 786,53 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis consécutivement à l'intervention chirurgicale du 28 décembre 2011 ;
3°) subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;
4°) de mettre en tout état de cause à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif était recevable ;
- le chirurgien qui l'a opérée est intervenu dans le cadre de son activité de praticien hospitalier ;
- le centre hospitalier ne l'a informée ni des causes du retard de cicatrisation ni de l'infection de la zone cicatricielle et n'a pas procédé aux investigations nécessaires, entraînant une retard dans sa prise en charge ;
- cette faute lui a fait perdre une chance, évaluée à 80 %, d'éviter un retard de cicatrisation ;
- elle justifie de la réalité et de l'importance de son préjudice d'agrément.
Par un mémoire, enregistré le 10 août 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde indique à la cour qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance.
Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2017, le centre hospitalier Sud Gironde de Langon, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le médecin qui a pris en charge Mme E...exerçait à titre libéral, que l'infection dont elle a souffert n'est pas d'origine nosocomiale, que son obligation d'information ne concerne que les risques liés à la prise en charge des patients et qu'en tout état de cause elle ne justifie pas d'une perte de chance, l'intervention chirurgicale étant impérieusement requise. Enfin, il ajoute que les lésions dont reste atteinte l'appelante résultent uniquement de son état initial.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.F...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant MmeE....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...E..., née le 3 juillet 1953, a été admise au service des urgences du centre hospitalier Sud Gironde de Langon le 27 décembre 2011 à raison d'une fracture bi-malléolaire déplacée de la cheville droite. Elle y a bénéficié le lendemain d'un traitement par ostéosynthèse. Le 10 avril 2012, un prélèvement effectué par son médecin traitant a mis en évidence la présence d'un germe " staphylocoque doré " au niveau de la zone cicatricielle, responsable d'un retard de cicatrisation. Cette cicatrisation n'a finalement été acquise que le 23 juillet suivant. L'expert judiciaire nommé par le juge des référés du tribunal administratif a remis son rapport le 5 juin 2014. Mme E...demande à la cour d'annuler le jugement du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser des préjudices que lui a causés ce retard de cicatrisation.
Sur la responsabilité :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. D'autre part, en application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, il appartient aux praticiens des établissements publics de santé d'informer directement le patient des investigations pratiquées et de leurs résultats, en particulier lorsqu'elles mettent en évidence des risques pour sa santé. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé et il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation. Lorsque le défaut d'information est constitué, il appartient au juge de rechercher si le patient a subi une perte de chance de se soustraire aux dommages qui se sont réalisés, au regard des risques inhérents à l'acte médical litigieux, des risques encourus par l'intéressé en cas de renonciation à cet acte et des alternatives thérapeutiques moins risquées. La réparation du préjudice résultant de la perte de chance de se soustraire au risque dont le patient n'a pas été informé et qui s'est réalisé, correspond à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée.
4. Enfin, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport remis par l'expert judiciaire, que les troubles cicatriciels après fracture bi-malléolaire sont très fréquents et se traduisent le plus souvent par des zones nécrotiques qui nécessitent une excision, une cicatrisation dirigée ou une reprise chirurgicale mais que l'intervention chirurgicale du 28 décembre 2011 présentait un caractère impérieux de sorte que Mme E...n'a pas été privée d'une chance d'éviter l'apparition d'une zone cicatricielle nécrotique. Par ailleurs et à supposer même que le chirurgien qui a réalisé cette intervention n'ait pas reçu Mme E...en consultation dans le cadre de son activité libérale mais en sa qualité de praticien hospitalier, " la perte de confiance " dont se plaint l'appelante, à raison d' " un défaut de communication et d'explication sur la survenue et l'évolution prévisible de cette complication ", ne saurait caractériser un manquement du centre hospitalier à son obligation d'information dès lors qu'elle ne concerne ni des investigations ou leurs résultats ni un acte médical envisagé.
6. En second lieu, si l'appelante soutient que l'infection dont elle a souffert a été diagnostiquée et prise en charge avec retard, il ne résulte pas de l'instruction que ce diagnostic et cette prise en charge présentent un caractère tardif dès lors que l'appelante n'a jamais présenté de signe infectieux tant à l'examen clinique qu'au regard de ses constantes biologiques, que la présence d'une bactérie " staphylocoque doré " sur un prélèvement superficiel peut être positif en dehors de tout état pathologique ", ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, et que le chirurgien concerné l'a, au demeurant, expliqué à MmeE.... Enfin, la proposition de prise en charge faite par ce médecin était conforme aux règles de l'art et s'est, au demeurant, avérée identique à celle finalement réalisée au sein du centre hospitalier universitaire de Bordeaux à la demande de MmeE....
7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée par le centre hospitalier devant les premier juges, qu'en l'absence de faute du centre hospitalier, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 juin 2016, le tribunal adminitratif de Bordeaux a rejeté ses demandes indemnitaires. Il y a également lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de cet établissement en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., au centre hospitalier Sud Gironde de Langon, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
Le rapporteur,
Manuel F...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°16BX02515