Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2016, ainsi que deux mémoires, enregistrés les 26 février et 3 septembre 2018, MmeD..., représentée par MeA..., demande à cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juillet 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes (CHU) à lui verser la somme globale de 762 580 euros assortie des intérêts légaux à compter du 14 octobre 2013 en réparation des préjudices que lui a causés l'accident de service dont elle a été victime le 16 juin 2006 ;
3°) de désigner un expert afin de déterminer son préjudice corporel en lien avec cet accident ;
4°) de mettre à la charge du CHU une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à demander l'indemnisation des souffrances qu'elle a endurées ainsi que de son préjudice moral sur le fondement de la responsabilité sans faute du CHU ;
- la responsabilité fautive du CHU est engagée à raison de sa mise à l'écart à la suite de l'accident de service dont s'agit, du refus de procéder à son évaluation professionnelle au titre des années 2007 et 2008 et de reconnaître l'imputabilité au service de l'agression dont elle a été victime ;
- elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2017 et 19 mars 2018, le CHU, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que la cour ordonne, avant dire droit, une expertise médicale, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Il soutient que l'appelante n'établit ni que les arrêts de travail dont elle se prévaut sont en lien avec l'accident de service en cause ni qu'il aurait commis des fautes en lien avec cet accident de service et que les demandes indemnitaires de l'appelante sont infondées et disproportionnées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.E...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., qui exerçait les fonctions de directrice de ressources humaines au sein du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes (CHU), relève appel du jugement du 21 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à ce que le CHU soit condamné à l'indemniser des préjudices que lui a causés l'accident de service dont elle a été victime le 16 juin 2006.
Sur la responsabilité du CHU :
2. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité versées aux fonctionnaires relevant, notamment de la fonction publique hospitalière, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
3. En premier lieu, Mme D...soutient que, le 16 juin 2006, elle a été agressée par deux agents de l'établissement. Le CHU ne conteste pas qu'elle a effectivement été bousculée et conspuée par trois syndicalistes et a, du reste, reconnu l'imputabilité au service de cet incident pour lequel l'appelante s'est immédiatement vu prescrire quatre jours d'interruption temporaire de travail par un médecin du CHU à raison de contusions lombaires et cervicales et d'un traumatisme psychologique. Mme D...soutient que deux de ces syndicalistes l'ont, en outre, " plaquée contre [une] porte et violemment poussée à terre " ainsi qu'il ressort du rapport d'accident de travail dont le tampon signale sa réception le 16 juin 2006. Toutefois, ce rapport, signé par Mme D...elle-même, en sa qualité de directrice des ressources humaines, alors pourtant qu'elle avait été placée en arrêt de travail à la suite de cet accident, indique que ces faits ont entraîné une interruption temporaire de travail non de quatre jours mais de trente jours alors que l'extension à trente jours de cette interruption de travail n'a été prononcée par des médecins du CHU que le 19 juin 2006. En outre, les témoignages des deux agents qui auraient assisté à cette agression ne figurent pas au dossier et MmeD..., qui affirme, sans toutefois l'établir, que les agents impliqués ont été mis en examen pour " séquestration, violence et intimidation ", n'a pas informé la cour des suites qui auraient été données à cette procédure judiciaire. Dans ces conditions, les allégations de Mme D...relatives à la particulière gravité de l'agression dont elle a été victime ne peuvent être regardées comme établies.
4. En second lieu, l'appelante soutient qu'à la suite de l'accident dont s'agit, elle a souffert de douleurs rachidiennes qui n'ont été consolidées, avec séquelles, que le 30 décembre 2011, ainsi que d'importantes répercussions psychologiques qui ont justifié et justifient encore de multiples arrêts de travail. Elle se prévaut à l'appui de ces allégations de plusieurs attestations médicales établies entre les mois de juin 2006 et d'août 2018 qui font état de paresthésies des membres supérieurs associées à des douleurs chroniques et d'un tonus musculaire anormal ainsi que d'un stress post-traumatique avec rechutes se manifestant, notamment, par des crises de tachycardies. Toutefois, il ressort également de ces certificats, en particulier de celui rédigé à la demande de l'appelante par un praticien hospitalier le 4 juillet 2008, que Mme D...souffrait déjà, antérieurement à son accident, de hernies discales et avait subi des d'arthrodèses cervicales et lombaires, que cet accident a simplement entraîné une rachialgie sans signe neurologique tandis que le certificat de " consolidation de son état de santé, avec séquelles, " dont elle se prévaut émane d'un médecin cardiologue exerçant à Marseille et ne comporte aucune précision sur lesdites séquelles. Enfin, les attestations médicales relatives à un stress post-traumatique ont été documentées, une première fois, le 18 septembre 2007, par un psychiatre exerçant également à Marseille, qui certifie l'avoir reçue en consultation à plusieurs reprises alors qu'elle était pourtant en poste en Guadeloupe, et ne reposent que sur les seules déclarations de Mme D...tandis que ce stress post-traumatique n'a été, à nouveau, évoqué qu'à compter de l'année 2013.
5. Dans ces conditions, les documents présentés par l'appelante à l'appui de ces allégations ne présentant pas un caractère suffisamment probant, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que les arrêts de travail dont elle se prévaut présentent un lien de causalité direct et certain avec l'accident de travail du 16 juin 2006. Par suite, et en tout état de cause, il n'y a pas lieu d'ordonner d'expertise afin de déterminer l'étendue du préjudice corporel de l'intéressée en lien avec cet accident.
6. En troisième lieu, si Mme D...soutient que le CHU a commis des fautes en lien avec l'accident dont s'agit, elle ne fait état d'aucun élément ni ne développe aucune argumentation à l'appui de cette allégation.
7. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que l'appelante n'établit pas que le CHU a commis une faute en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail qu'elle subis au cours de l'année 2008 alors, au demeurant, que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'établissement a reconnu cette imputabilité au service de l'accident du 16 juin 2006 dès le 20 novembre suivant.
8. En cinquième lieu, par un jugement n° 1000033 du 20 décembre 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fixé à 2 000 euros le montant des troubles dans ses conditions d'existence subis par Mme D...à raison, notamment, des incidences sur le déroulement de sa carrière qui ont résulté de la carence du CHU à procéder à son évaluation professionnelle au titre des années 2007 et 2008. L'appelante n'établissant ni même ne se prévalant d'une aggravation du préjudice qu'elle a subi à ce titre, l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au dispositif de ce jugement ainsi qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, fait obstacle à ce que Mme D...puisse être, à nouveau, indemnisée du préjudice de carrière qui résulte de cette absence d'évaluation.
9. En sixième et dernier lieu, Mme D...n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de considérer que les décisions prises par le CHU en ce qui concerne ses attributions seraient entachées d'une ou plusieurs fautes et en particulier d'une volonté de " la mettre à l'écart " en se bornant à produire une note du 20 décembre 2006 informant le personnel de ses nouvelles fonctions au sein de la direction générale de l'établissement et de la nature des dossiers qui lui sont confiés, une présentation incomplète de la nouvelle organisation de la direction datée du 10 septembre 2007, un annuaire téléphonique des services du CHU du mois de mai 2008 dans lequel elle n'apparaît pas et une lettre de candidature à plusieurs emplois qu'elle a adressée au centre national de gestion le 20 novembre 2007 alors qu'il résulte de l'instruction que Mme D... a demandé et obtenu des formations et que l'établissement a nécessairement dû adapter son organisation à ses nombreux arrêts de travail successifs.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle a ce que la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés pour l'instance soit mise à la charge du CHU, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
Le rapporteur,
Manuel E...Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03231