Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2016 et un mémoire enregistré le 21 août 2017, Mme I...D..., M F...D..., et M. H...D..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 octobre 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde à verser à la succession de leur mère, ÉmilienneD..., une somme de 3 000 euros et à leur verser une somme de 30 000 euros chacun en réparation du préjudice que leur a causé le décès de leur mère ;
3°) subsidiairement, de condamner le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde à leur verser une somme de 15 000 euros chacun ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, d'ordonner un complément d'expertise concernant la perte de chance subie par leur mère ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la prise en charge de leur mère au sein du CH était inadaptée en raison de son orientation vers le service d'hospitalisation courte, de l'absence d'évaluation de la gazométrie artérielle et d'électrocardiographie associée à une surveillance continue ;
- ce cumul de fautes a privé leur mère d'une chance de survie qui doit être fixée à 50 % ;
- les souffrances endurées par leur mère doivent être indemnisées à hauteur de 3 000 euros ;
- leur préjudice d'affection doit être évalué à 30 000 euros chacun.
Par un mémoire, enregistré le 4 août 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeA..., conclut à sa mise hors de cause et à ce qu'une somme de 1 500 euros lui soit versée au titre des frais exposés pour l'instance.
Il fait valoir que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Par des mémoires, enregistrés les 21 août, 7 septembre et 22 décembre 2017, le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions présentées par l'ONIAM et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que la CPAM ne peut obtenir le paiement de ses débours qu'à concurrence de la perte de chance retenue.
Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze demande à la cour de condamner le CH à lui verser les sommes de 1 152 euros en remboursement de ses débours et de 384 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir. Elle demande également qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge du CH en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La caisse soutient que le CH a commis plusieurs fautes dans la prise en charge d'Émilienne Mons et qu'elle justifie de l'imputabilité de ses débours.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code civil ;
- l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.E...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de Me G...représentant le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, et de MeB..., représentant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 mars 2010, Émilienne Mons, veuveD..., née en 1931, a été hospitalisée au sein du service des urgences du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde (CH) pour des douleurs thoraciques et abdominales. À la suite des examens pratiqués, plusieurs médicaments différents destinés à ralentir le rythme cardiaque lui ont été administrés. Elle a ensuite été transférée, le même jour, dans le service d'unité d'hospitalisation de courte durée, où elle a bénéficié d'une oxygénothérapie puis, le lendemain après-midi, dans le service de cardiologie du même établissement. Elle est décédée le 22 mars 2010, à 23h05, en dépit d'une tentative de réanimation. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a remis son rapport le 2 décembre 2013. Trois des enfants d'ÉmilienneD...,
Mme I...D..., M. F...D...et M. H...D...demandent à la cour, à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges
du 6 octobre 2016 en tant qu'il n'a pas condamné le CH à verser à sa succession une somme
de 3 000 euros à raison des souffrances qu'elle a endurées et à leur verser une somme
de 30 000 euros chacun en réparation de leur préjudice d'affection. La caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze (CPAM) demande également à la cour de condamner le CH à lui verser les sommes de 1 152 euros en remboursement de ses débours et de 384 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que
le CH s'est abstenu de procéder à une électrocardiographie, alors que Émilienne D...présentait les signes d'une décompensation cardiaque indéterminée, et à une gazométrie artérielle, alors que cet examen est incontournable pour les patients traités par oxygénothérapie, mais que la réalisation plus précoce de ces examens n'aurait pas permis d'éviter une évolution fatale de son état de santé, ainsi qu'il a été dit par les premiers juges. En outre, il résulte également de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté par les parties, qu'en l'absence d'autopsie les causes du décès d'Émilienne D...demeurent.imprécises et, en particulier, qu'un trouble du rythme ventriculaire paraît probable mais qu'un décès par embolie pulmonaire, un accident vasculaire hémorragique et un infarctus mésentérique ne peuvent être exclus Enfin, l'expert a relevé qu'eu égard à l'absence de diagnostic précis, de réalisation d'une gazométrie artérielle et d'une électrocardiographie ainsi qu'à la prescription de médicaments qui influencent le rythme cardiaque, une surveillance continue par électrocardiogramme aurait dû être mise en place et que, dans l'hypothèse où le décès serait effectivement dû à un trouble du rythme ventriculaire - et uniquement dans celle-ci - la mise en place de cette surveillance aurait permis au personnel d'intervenir plus rapidement même si la probabilité de succès d'une réanimation précoce n'est que de l'ordre de 10 à 15 % en présence d'une myocardiopathie avec altération structurelle du myocarde.
4. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise, les appelants ne sont fondés ni à soutenir que les manquements commis par le CH sont la cause exclusive du dommage subi par leur mère ni que le tribunal administratif aurait dû fixer
à 50 %, au lieu de 15 %, la perte de chance de survie de celle-ci.
Sur les préjudices :
5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
6. En premier lieu, les souffrances endurées par Mme D...dans la soirée
du 22 mars 2010 ont été évaluées par l'expert à 1 sur une échelle de 7. Par suite, la fixation par les premiers juges du préjudice en résultant à la somme de 955 euros résulte d'une juste appréciation qu'il a y lieu de confirmer.
7. En second lieu, eu égard à l'âge d'Émilienne D...et de celui de ses enfants, la fixation par les premiers juges du préjudice subi par ces derniers à raison du décès de leur mère à la somme de 5 500 euros chacun, résulte d'une juste appréciation qu'il y a lieu de confirmer.
8. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la fraction indemnisable de leurs dommages respectifs, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fixé respectivement, à 143,25 euros, à 825 euros chacun et à 172,80 euros, le montant des sommes que le CH a été condamné à verser à la succession d'ÉmilienneD..., à ses enfants et à la CPAM.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que réclament les consortsD..., la CPAM et l'ONIAM soient mises à la charge du CH qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CPAM et par l'ONIAM sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...D..., à
M F...D..., à M. H...D..., au centre hospitalier de
Brive-la-Gaillarde, à la caisse primaire d'assurance maladie de charente maritime, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.
Le rapporteur,
Manuel E...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX03784