Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 décembre 2016 et le 13 novembre 2018, Mme E..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 23 avril 2014.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le moyen d'incompétence, alors que le courrier du 28 avril 2014 de transmission de l'avis de recouvrement litigieux, dont seul le recto a été communiqué à sa bonne adresse, porte la signature d'un agent et non celle du directeur général du CHU de Toulouse ;
- l'avis de recouvrement aux fins de restitution de l'indu a été réceptionné au-delà du délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement des allocations de chômage, imparti par les dispositions de l'article 37-1 de la loi
du 12 avril 2000, qui ne pouvait se prévaloir de la jurisprudence Ternon, selon laquelle une décision créatrice de droits, en l'espèce la décision d'attribution des droits aux allocations d'assurance chômage du 27 août 2012, ne peut être retirée au-delà d'un délai de quatre mois ;
- c'est par une appréciation erronée que le tribunal a estimé qu'elle ne se trouvait pas involontairement privée d'emploi de sorte qu'elle ne pouvait percevoir des allocations chômage alors qu'elle n'a jamais refusé le renouvellement de son contrat de travail ni un emploi au sein du CHU et a seulement informé ce dernier, à la demande de sa cadre, des raisons légitimes l'empêchant de poursuivre son activité.
Par deux mémoires en défense, enregistré le 5 juillet 2017 et le 7 décembre 2018, le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par MeG..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de MmeE... ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 30 septembre 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de Mme E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de Mme E...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable dès lors que les conclusions de
Mme E...sont dirigées contre un courrier du 28 avril 2014 qui ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir et elle est tardive dans la mesure où l'avis des sommes à payer joint à ce courrier, qui comportait à son verso les voies et délais de recours, a fait l'objet d'une notification par courrier du 31 juillet 2014 ;
- les moyens de légalité externe développés dans le mémoire en réplique enregistré au tribunal le 9 mai 2016 et dans le mémoire en duplique du 7 septembre 2016, qui reposent sur une cause juridique distincte de la contestation au fond à laquelle l'appelante s'était bornée dans sa requête introductive d'appel devant le tribunal administratif, en excipant exclusivement de l'erreur de droit, et les moyens nouveaux soulevés pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
- les autres moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée notamment par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011;
- le code du travail ;
- l'arrêté du 30 mars 2009 portant agrément de la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage et de son règlement général annexé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...a été recrutée par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse en qualité d'infirmière par contrat à durée déterminée valable du 10 mai 2011
au 10 juillet 2012. Elle relève appel du jugement du 30 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision
du 23 avril 2014 du CHU de Toulouse la rendant redevable d'une somme de 4 056,16 euros au titre d'un trop-perçu d'allocation d'aide au retour à l'emploi.
Sur les fins de non recevoir opposées par le CHU de Toulouse :
2. Si, par lettre du 28 avril 2014, la responsable du service de gestion de la paie du CHU de Toulouse s'est bornée à communiquer à Mme E...son bulletin de salaire d'avril 2014 ainsi qu'un avis des sommes à payer relatif à un trop versé d'allocation chômage d'un montant de 4 056,15 euros émis et rendu exécutoire le 23 avril 2014, il ressort des pièces du dossier que l'appelante a entendu contester l'avis de sommes à payer qui lui était ainsi transmis lui réclamant le remboursement de la somme de 4 056,15 euros. Par suite, la fin de non recevoir opposée par le CHU de Toulouse tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le courrier
du 28 novembre 2014 doit être écartée.
3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de
poursuite ". Il en résulte que la méconnaissance de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par la seconde, lui soit opposable.
4. Si le CHU de Toulouse soulève une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande de Mme E...dirigée contre l'avis de sommes à payer émis le 23 avril 2014 par M. C... D..., directeur du CHU de Toulouse pour un montant de 4 056,15 euros, il ne justifie ni de la date de notification dudit titre, ni de ce que Mme E...aurait eu connaissance des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative. Il s'ensuit que le délai de recours contentieux de deux mois n'était pas opposable.
Sur les conclusions en annulation :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E...n'a invoqué devant les premiers juges, avant l'expiration du délai de recours contentieux, qui courrait en l'espèce au plus tard à compter de la saisine du tribunal administratif de Toulouse,
le 17 octobre 2014, qu'un seul moyen, de légalité interne, tiré de la méconnaissance des principes dégagés par la jurisprudence du Conseil d'Etat Ternon. Si, devant la cour, elle soutient en outre que la décision contestée est entachée d'un défaut de signature de son auteur, ce moyen de légalité externe, qui n'est pas d'ordre public, fondé sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattache le moyen invoqué dans sa demande de première instance, constitue, ainsi que le soulève le centre hospitalier en défense, un moyen irrecevable en appel.
6. En deuxième lieu, M. C...D..., directeur général du CHU de Toulouse, avait compétence en sa qualité d'ordonnateur de cet établissement pour émettre l'avis de sommes à payer d'un montant de 4 056,15 euros réclamé à Mme E...en remboursement d'un
trop-perçu d'allocation de l'aide au retour à l'emploi. Le moyen, d'ordre public, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, dispose que : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du délai de retrait de quatre mois comme étant inopérant.
9. Il résulte de l'instruction et en particulier des relevés bancaires produits devant la cour par l'appelante, que les sommes de 1 699,72 et 2 356,43 euros correspondant à l'allocation d'aide au retour à l'emploi en litige, d'un montant total de 4 056,15 euros, ont été versées sur le compte bancaire de MmeE..., respectivement, les 26 septembre et 26 novembre 2012. Le délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement de ces allocations chômage, a ainsi commencé à courir, pour chacune des sommes indument perçues, à compter du 1er octobre 2012 et du 1er décembre 2012. Il est par ailleurs constant que le titre contesté émis le 23 avril 2014 n'a été envoyé à Mme E...que par courrier simple
du 31 juillet 2014 et que la preuve de sa notification, ainsi qu'il a été dit au point 4, n'est pas rapportée. Dans ces conditions, à la date à laquelle Mme E...a pris connaissance dudit titre émis, au plus tard à la date de saisine du tribunal administratif, le 17 octobre 2014, la prescription de la somme de 1 699,72 euros versée avant le 1er octobre 2012 était acquise. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la créance était atteinte par la prescription biennale prévue à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 doit partiellement être accueilli.
10. En quatrième et dernier lieu et ainsi que l'a rappelé le tribunal, il appartient à l'autorité administrative compétente d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les circonstances du non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée permettent d'assimiler celui-ci à une perte involontaire d'emploi. L'agent qui refuse le renouvellement de son contrat de travail ne peut être regardé comme involontairement privé d'emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime. Un tel motif peut être lié notamment à des considérations d'ordre personnel ou au fait que le contrat a été modifié de façon substantielle sans justification de l'employeur.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du 18 mai 2012 ayant pour objet " courrier de non renouvellement de contrat " que Mme E...a adressé aux services des ressources humaines du CHU de Toulouse, que l'appelante a expressément informé le CHU de Toulouse de son souhait de quitter l'établissement à la fin de son contrat de travail et de ne pas renouveler ce dernier. Si elle se prévaut à ce titre des difficultés professionnelles que sa mère rencontrait alors, à qui elle entendait apporter son soutien, et de l'état dépressif de cette dernière, attesté par un certificat médical produit pour la première fois en appel, ces raisons personnelles, qui n'ont au demeurant pas été portées à la connaissance du CHU, ne constituent pas un motif légitime de nature à la faire regarder comme ayant été involontairement privée d'emploi. Dans les circonstances de l'espèce et alors même qu'aucun contrat ne lui a été proposé qu'elle aurait refusé, le CHU de Toulouse a pu légalement décider que Mme E...ne pouvait bénéficier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et par suite lui réclamer le remboursement du revenu de remplacement perçu indument à ce titre.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...est seulement fondée à demander l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 23 avril 2014 par le CHU de Toulouse en tant qu'il porte sur le reversement de la somme de 1 699, 72 euros et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a, dans cette mesure, rejeté sa demande.
Sur les conclusions incidentes du CHU de Toulouse :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. En rejetant les conclusions du CHU de Toulouse tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions, ni ne s'est mépris dans son appréciation des circonstances de l'espèce pour estimer qu'il n'y avait pas lieu, dans ces circonstances, de mettre une somme à la charge de MmeE..., au titre des frais qu'il avait exposés et non compris dans les dépens.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le CHU de Toulouse demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre du 23 avril 2014 du centre hospitalier universitaire de Toulouse est annulé pour partie en tant qu'il rend Mme E...redevable d'une somme de 1 699,72 euros au titre d'un trop-perçu d'allocation d'aide au retour à l'emploi. Mme E...est déchargée de l'obligation de payer cette somme.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de Mme E...est rejeté.
Article 4 : Les conclusions incidentes du CHU de Toulouse et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 décembre 2018.
Le rapporteur,
Aurélie B...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03859