III. Sous le n°1401285 l'association Captages 14, M. AC... G..., Mme BG...K..., M. AF... AR..., Mme BK... AR...-BL..., Mme BG...O..., M. et Mme AN...L..., M. B... BH..., M. et Mme AV...AB..., M. et Mme Q...AJ..., M. AK... AJ..., M. B... -BJ...AJ..., Mme BG...AO..., M. W... V..., M. S... AY..., M. et Mme E...BB..., M. AE... AM..., M. AR... AP..., M. X... AL..., M. et Mme F...AQ..., M. Q... AQ..., M. C... AZ..., M. et Mme AD...BE..., M. et Mme BC...R..., M. AX... P..., M. AS... BI..., M. et Mme AU...AW..., M. et Mme A...AI..., Mme BF...AA..., Mme BD...AA..., M. AN... U..., M. B... -C...H..., M. AH... BA..., M. D... M..., Mme AT...AG..., M. AH... J..., M. et Mme N..., l'EARL du Vieux Moulin, le GFA de Fontaine-Halbout, l'EARL de la Grande Cour-L..., le GAEC de la Bourdonnière, l'EARL des Grands Ormes et l'EARL Bréard ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 par lequel le préfet du Calvados a déclaré d'utilité publique des travaux de dérivation des eaux et a procédé à l'instauration de périmètres de protection et à l'institution de servitudes d'utilité publique, complétant l'arrêté préfectoral d'autorisation de prélèvement du 13 décembre 1888 portant autorisation d'utiliser l'eau en vue de la consommation humaine des captages d'eau situés sur le territoire des communes d'Acqueville, Moulines et Tournebu, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1401280 - 1401281 - 1401285 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 19 décembre 2013 en tant qu'il déclare d'utilité publique l'instauration de servitudes et rejeté le surplus des conclusions des requêtes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 novembre 2016, 2 janvier 2017 et 27 juin 2018, sous le n°16NT03736, l'association Captages 14 et les autres requérants de première instance, représentés par Me Boyer, demandent à la cour :
1°) de donner acte du désistement de M. U...et de l'EARL Breard ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 septembre 2016 sauf en ce qu'il a censuré l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2013 en tant qu'il déclare d'utilité publique l'instauration de servitudes et annulé les points 4 et 5 de l'article 1 et de l'article 23 de cet arrêté ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 19 décembre 2013;
3°) de mettre à la charge de la partie succombant la somme de 500 euros à verser à chacun des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives et portent atteinte aux principes de libre administration des collectivités territoriales et à la liberté du commerce et de l'industrie ;
- il n'y a pas d'utilité publique au projet ;
Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 mai 2017, la commune d'Acqueville représentée par Me Gorandconclut à ce qu'il soit fait droit à la requête présentée par l'association Captages 14.
Elle soutient que :
- les servitudes annulées sont indivisibles de l'arrêté attaqué ;
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 mai 2017, la commune de Moulines représentée par Me Gorandconclut à ce qu'il soit fait droit à la requête présentée par l'association Captages 14.
Elle soutient que :
- les servitudes annulées sont indivisibles de l'arrêté attaqué ;
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives et portent atteinte aux principes de libre administration des collectivités territoriales et à la liberté du commerce et de l'industrie ;
- il n'y a pas d'utilité publique au projet ;
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2017, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants et les communes intervenantes ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 novembre 2016 et 26 juin 2018, sous le n°16NT03709, la commune de Moulines, représentée par MeY..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 septembre 2016 sauf en ce qu'il a censuré l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2013 en tant qu'il déclare d'utilité publique l'instauration de servitudes et annulé les points 4 et 5 de l'article 1 et de l'article 23 de cet arrêté ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 19 décembre 2013;
3°) de mettre à la charge de la partie succombant la somme de 3 000 euros à verser à chacun des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient diviser l'acte annulé ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au bien fondé des servitudes instituées ;
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives ;
Par un mémoire en intervention enregistré le 5 mai 2017 la commune d'Acqueville représentée par Me Gorandconclut à ce qu'il soit fait droit à la requête présentée par la commune de Moulines.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient diviser l'acte annulé ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au bien fondé des servitudes instituées ;
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mai 2017 et le 7 décembre 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants et les communes intervenantes ne sont pas fondés.
III. Par une requête et des mémoires enregistrés, le 15 novembre 2016 et 26 juin 2018, sous le n°16NT03710, la commune d'Acqueville, représentée par MeY..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 septembre 2016 sauf en ce qu'il a censuré l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2013 en tant qu'il déclare d'utilité publique l'instauration de servitudes et annulé les points 4 et 5 de l'article 1 et de l'article 23 de cet arrêté ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 19 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la partie succombant la somme de 3 000 euros à verser à chacun des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient diviser l'acte annulé ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au bien fondé des servitudes instituées ;
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives ;
Par un mémoire en intervention enregistré le 5 mai 2017 la commune de Moulines représentée par Me Gorandconclut à ce qu'il soit fait droit à la requête présentée par la commune d'Acqueville.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient diviser l'acte annulé ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au bien fondé des servitudes instituées ;
- les informations portant sur la délimitation et le positionnement du périmètre de 200 mètres de protection sont insuffisantes ;
- les périmètres sont définis de façon excessive ;
- les contraintes imposées dans le cadre du périmètre, concernant les interdictions liées à l'agriculture, aux équipements publics, s'agissant des mesures de réglementation, sont excessives ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mai 2017 et le 7 décembre 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants et les communes intervenantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de MeT..., représentant les communes de Moulines et d'Acqueville.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Captages 14 et autres, la commune d'Acqueville et la commune de Moulines relèvent appel du jugement 1401280-1401281-1401285 du tribunal administratif de Caen du 15 septembre 2016 sauf en ce qu'il a censuré l'arrêté du préfet du Calvados du 19 décembre 2013 déclarant d'utilité publique des travaux de dérivation d'eau et l'instauration de périmètres de protection et de servitudes d'utilité publique, complétant l'arrêté préfectoral d'autorisation de prélèvement du 13 décembre 1888 portant autorisation d'utiliser l'eau en vue de la consommation humaine des captages d'eau situés sur le territoire des communes d'Acqueville, Moulines et Tournebu, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.
Sur la jonction :
2. Les requêtes de la commune d'Acqueville, de la commune de Moulines et de l'association Captages 14 et autres sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les interventions :
3. Les mémoires en intervention par lesquels la commune d'Acqueville et la commune de Moulines, qui ont intérêt à contester l'arrêté litigieux, s'associent aux requêtes de l'association Captages 14 et à celles présentées par l'une et l'autre des communes dans les affaires 16NT03709, 16NT03710 sont recevables.
Sur le désistement :
4. Par un acte, enregistré le 2 janvier 2017, M. U...et l'EARL Breard ont déclaré se désister de leur requête. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En premier lieu, contrairement à ce que les requérants font valoir, les premiers juges qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les moyens dirigés contre les servitudes d'utilité publique, dès lors qu'ils avaient retenu l'irrégularité de celles-ci, ont annulé les dispositions de l'arrêté litigieux en tant qu'il portait sur les servitudes d'utilité publique et ont répondu, au point 24 de leur jugement, au moyen tiré de l'absence d'utilité publique des servitudes. Ainsi le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
6. En second lieu, comme l'ont jugé les premiers juges le projet d'arrêté soumis à enquête publique ne mentionnait pas précisément le périmètre des servitudes d'utilité publique, celles-ci étant déterminées par la seule référence cadastrale des parcelles concernées par une servitude de passage contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 152-30 du code rural et de la pêche maritime. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'illégalité de ces dispositions, en raison du caractère divisible de l'arrêté contesté, n'a pas eu pour conséquence d'affecter dans son ensemble la légalité de ce dernier. Par suite, les premiers juges ont pu, sans irrégularité, annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 en tant seulement qu'il déclarait d'utilité publique l'instauration de servitudes.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. Aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique: " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l 'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à 1'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à 1'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. / Lorsque les conditions hydrologiques et hydrogéologiques permettent d'assurer efficacement la préservation de la qualité de l'eau par des mesures de protection limitées au voisinage immédiat du captage, l'acte portant déclaration d'utilité publique peut n'instaurer qu'un périmètre de protection immédiate. (.....) / Les servitudes afférentes aux périmètres de protection ne font pas 1'objet d'une publication aux hypothèques. Un décret en Conseil d'Etat précise les mesures de publicité de l'acte portant déclaration d'utilité publique prévu au premier alinéa, et notamment les conditions dans lesquelles les propriétaires sont individuellement informés des servitudes portant sur leurs terrains. (....) ". Les actes déclarant d'utilité publique les travaux de prélèvement d'eau et les servitudes s'imposant dans les périmètres de protection qu'ils définissent relèvent du champ de l'article L. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aux termes duquel " l'utilité publique est déclarée par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral ". En l'absence de dispositions spécifiques définissant la procédure applicable à cette catégorie d'actes, les dispositions législatives du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique relatives aux enquêtes publiques lui sont applicables et garantissent la participation du public à l'élaboration des décisions concernées.
8. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette enquête que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
9. En premier lieu, le projet d'arrêté soumis à enquête publique prévoyait un périmètre de protection immédiate ainsi qu'un périmètre de protection rapprochée, ce dernier périmètre comprenant trois zones centrales et une zone périphérique. Ce projet d'arrêté édictait en outre, au sein du périmètre de protection rapprochée, des règles différentes dans un rayon de 200 mètres à partir du périmètre de protection immédiate, les règles étant moins contraignantes au-delà de ce rayon. Les requérants font valoir que le public n'a jamais été informé de la consistance réelle du rayon de 200 mètres, notamment quant à sa délimitation et son positionnement, et que le public n'a ainsi pu avoir une connaissance suffisante des mesures imposées. Cependant, même si le commissaire enquêteur a évoqué le caractère insuffisant de l'information particulière sur ce rayon de 200 mètres, il ressort des pièces du dossier que le public a émis des observations sur ce point. Le commissaire enquêteur a également formulé plusieurs remarques et recommandations. Dans ces conditions, et compte tenu du caractère réduit du rayon de 200 mètres et des deux prescriptions limitées lesquelles ne concernent que, d'une part, les points d'affouragement ou d'abreuvement permanents, d'autre part, la création de mares, abreuvoirs naturels, étangs et nouveaux plans d'eau, la circonstance, à la supposer même établie, que certains éléments du dossier soumis à enquête publique sur le rayon de 200 mètres auraient pu être plus précis, n'a été de nature ni à nuire à l'information complète de la population ni à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif : " Les membres d'une commission ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet. La violation de cette règle entraîne la nullité de la décision prise à la suite de cette délibération lorsqu'il n'est pas établi que la participation du ou des membres intéressés est restée sans influence sur la délibération.". Si l'hydrogéologue agréé, qui a émis un avis conformément à l'article R. 1321-6 du code de la santé publique sur les disponibilités en eau, sur les mesures de protection à mettre en oeuvre et sur la définition des périmètres de protection mentionnés à l'article L. 1321-2 du même code, a participé à la séance du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, réuni le 26 novembre 2013 pour donner également un avis sur le projet conformément à l'article R.1321-7 du code de la santé publique, il n'est nullement établi qu'il aurait un intérêt personnel à l'affaire. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
11. En troisième lieu, le dossier d'enquête publique comprenait un document sur l'estimation des dépenses liées à l'opération, en particulier sur les indemnités dues aux exploitants et propriétaires concernés par les périmètres de protection. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évaluation de ces indemnités à hauteur de 870 000 euros en l'absence d'acquisition foncière, ou 898 000 euros pour le cas où une solution d'acquisition foncière et d'échange était retenue, serait insuffisante et, en tout état de cause, de nature à avoir nui à l'information du public. Il n'est pas davantage établi que l'estimation du coût total de l'opération serait insuffisante. En particulier le coût de la mise en état des ouvrages et des réseaux dédiés à l'assainissement qui est imposé en application des dispositions de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales n'avait pas à être intégré dans l'évaluation du projet.
En ce qui concerne la légalité interne :
12. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.
13. Aux termes de l'article R. 1321-13 du code de la santé publique: " Les périmètres de protection mentionnés à 1'article L. 1321-2 pour les prélèvements d'eau destinés à l'alimentation des collectivités humaines peuvent porter sur des terrains disjoints. / A 1'intérieur du périmètre de protection immédiate, dont les limites sont établies afin d'interdire toute introduction directe de substances polluantes dans l'eau prélevée et d'empêcher la dégradation des ouvrages, les terrains sont clôturés, sauf dérogation prévue dans l'acte déclaratif d'utilité publique, et sont régulièrement entretenus. Tous les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols y sont interdits, en dehors de ceux qui sont explicitement autorisés dans l'acte déclaratif d'utilité publique. / A l 'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire 1'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées. / A l'intérieur du périmètre de protection éloignée, peuvent être réglementés les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols qui, compte tenu de la nature des terrains, présentent un danger de pollution pour les eaux prélevées ou transportées, du fait de la nature et de la quantité de produits polluants liés à ces travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols ou de 1'étendue des surfaces que ceux-ci occupent. ".
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les périmètres de protection ont été délimités, sur la base du rapport d'un hydrogéologue agréé, après une analyse topographique, géologique et hydrogéologique, en fonction de la vulnérabilité de l'aquifère superficiel, du nombre d'ouvrages concernés par la protection, de la présence d'un réseau routier et de la proximité d'exploitations agricoles, après consultation de plusieurs documents, en particulier des études du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d'octobre 1981 et du professeur Pareyn de 1990 dont se prévalent les requérants, et d'un dossier préparatoire constitué, à la demande de la ville de Caen, par un autre cabinet d'études en septembre 2008. De plus, les préconisations de l'hydrogéologue agréé ont également été émises après des constatations sur le terrain. Ainsi, le rapport décrit chacun des ouvrages, présente les caractéristiques géologiques et hydrogéologiques des captages de Moulines, en particulier la qualité de l'eau, fait un état des lieux de l'environnement immédiat et proche des ouvrages avec un examen de la couverture des formations superficielles, des puits et forages, des voies de communication, de 1'évacuation des eaux pluviales, des activités agricoles, des activités artisanales et industrielles et de l'habitat. Egalement, le rapport préconise pour chaque antenne, des aménagements et travaux pour protéger les captages. A partir de ces constatations, l'hydrogéologue agréé a proposé des périmètres de protection immédiate et rapprochée ainsi que des mesures de protection attachées aux périmètres. Comme l'ont relevé les premiers juges, l'étude " InVivo " produite par les requérants n'est nullement de nature à démontrer que les périmètres établis par l'arrêté contesté, qui a repris les périmètres recommandés par l'hydrogéologue, seraient excessifs ni que des périmètres plus réduits permettraient de préserver la qualité des eaux ainsi que l'exige l'article L. 1321-2 du code de la santé publique alors qu'il ressort de l'étude hydrogéologique de mars 2009 que " la qualité des eaux du secteur de Moulines reste médiocre, avec de fortes concentrations en nitrates, des pesticides, des traces d'hydrocarbures et de métaux (plomb et cadmium) et des contaminations bactériologiques", que "ces problèmes qualitatifs s'expliquent à la fois par l'environnement agricole des captages (culture, élevage) mais aussi par la vétusté de drains qui recueillent les eaux de ruissellement, chambres de réunion et canalisations ", que " le maintien de prairies permanentes autour des captages participe à la préservation de la qualité physico-chimique des eaux captées" mais qu'en revanche, " les changements dans les pratiques culturales avec le labour de parcelles autrefois permanentes et en pente, avec des sols médiocres détériorent la qualité des eaux ". Dans ces conditions, alors même qu'un tiers du territoire de la commune de Moulines et qu'une partie importante du territoire de la commune d'Acqueville sont affectés par les périmètres de protection, le moyen tiré de ce que la délimitation des périmètres serait entachée d'erreur d'appréciation doit être écarté.
15. En deuxième lieu, les requérants contestent la nécessité des mesures d'interdiction prescrites, pour les zones centrales et périphérique du périmètre de protection rapprochée, au 1 de l'article 19-2-1 de l'arrêté contesté. Si l'implantation de nouvelles installations classées dans le périmètre de protection rapprochée est interdite, les créations d'activités qui ne présentent pas un danger d'altération des eaux par la nature des produits utilisés sont autorisées, sauf si elles n'offrent pas de garanties suffisantes d'étanchéité. En outre, l'interdiction ne concernant pas les installations visées au 2.1 du même article, sont ainsi autorisées, à l'extérieur des zones centrales, les créations et extensions d'installations regroupant des animaux d'élevage lorsqu'elles dépendent d'exploitations dont le siège est situé dans le périmètre de protection rapprochée. Ainsi, et contrairement à ce que font valoir les requérants, cette prescription, recommandée par 1'hydrogéologue agréé, et qui est justifiée eu égard à l'objectif de santé publique de préservation de la qualité des eaux, ne constitue pas une interdiction générale et absolue et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
16. En troisième lieu, les interdictions édictées aux points 1.1.4, 1.1.6, 1.1.7 et 1.19 de l'article 19 de l'arrêté contesté sont assorties d'exceptions comme l'irrigation provenant de prélèvements déjà existants, ou de prélèvements d'eau superficielle après autorisation de prélèvement, ou des eaux de ruissellement ou de cours d'eau et les installations de compostage mobiles. De plus, l'interdiction de créer des élevages porcins et avicoles en plein air au sein du périmètre de protection rapprochée est une contrainte justifiée par la nécessité de préserver la qualité des eaux, de tels élevages en plein air pouvant dégrader les sols et concentrant des risques de pollution importants. Ainsi, l'ensemble des mesures édictées, à la suite des recommandations de l'hydrogéologue, alors même qu'elles sont susceptibles d'avoir des conséquences sur les pratiques agricoles, les cultures, leurs rendements, sont justifiées compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à la préservation de la qualité des eaux, laquelle ne pourrait, contrairement à ce que les requérants allèguent, être obtenue par des interdictions moins sévères en réglementant, sans qu'aucune précision ne soit fournie sur ce point, les activités agricoles.
17. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de créer toute voie de communication nouvelle, ainsi que tous campings aménagés saisonniers ou permanents, villages de vacances, aires aménagées, cimetières soit disproportionnée au regard de l'objectif recherché, de telles créations impliquant une modification possible des écoulements d'eau, un décapage éventuel du sol, des risques de contamination associés au chantier ainsi que des déversements de produits dangereux lors d'accidents. S'agissant de l'interdiction de tout déboisement et de suppression des friches, des talus et des haies, l'arrêté contesté n'interdit que la suppression définitive et ne fait pas obstacle à l'arrachage d'une haie ancienne pour en replanter une immédiatement. Cette mesure, qui permet de lutter efficacement contre le ruissellement et l'érosion des sols, est, en outre, justifiée pour assurer la préservation de la qualité des eaux. Cet objectif justifie également l'interdiction du rejet des eaux usées, brutes ou traitées dans les ruisseaux et ce, alors même que des stations d'épuration se situeraient dans le périmètre de protection rapprochée. De telles mesures, dont il n'est pas démontré sérieusement par ailleurs qu'elles pourraient faire l'objet d'alternatives, ne portent pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, ni au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, dès lors que de tels principes peuvent trouver notamment des limitations dans le cadre de projets d'utilité publique.
18. En cinquième lieu, les requérants contestent les prescriptions complémentaires émises pour les seules zones centrales du périmètre de protection rapprochée à l'article 19.2.2 de l'arrêté contesté, plus particulièrement l'interdiction de tout dépôt ou épandage de déjections animales, l'obligation de remise en herbe des parcelles cultivées ajoutée à l'interdiction de l'abreuvement et de l'affouragement dans un rayon de 200 mètres à compter des limites du périmètre de protection immédiate, ainsi que la qualification, au point 6 de l'article 19-2-2, des " constructions à usage d'habitation ou destinées à héberger les personnes " comme des constructions "comportant un risque de contamination des eaux ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'étude hydrogéologique, que l'aquifère, particulièrement vulnérable, notamment dans les zones de plateaux, est exposé à des risques de pollution. Dans ces conditions, l'interdiction d'épandage de déjections animales est justifiée eu égard à l'objectif de préservation de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. En outre, les requérants n'établissent pas que l'obligation de remise en herbe des parcelles cultivées et l'interdiction de l'abreuvement et de l'affouragement dans un rayon de 200 mètres à compter des limites des périmètres de protection immédiate constitueraient des contraintes excessives compte tenu de l'intérêt général qu'implique la préservation de la qualité des eaux. Enfin, cet intérêt général justifie l'interdiction, dans la zone centrale du périmètre de protection rapprochée, des " constructions à usage d'habitation ou destinées à héberger les personnes ", la zone centrale des communes d'Acqueville, Moulines et Tournebu, où reste autorisée la création d'annexes aux installations existantes, ne représentant en outre qu'une partie très réduite de leur territoire.
19. En sixième lieu, la circonstance que d'autres réglementations permettraient de prévenir une pollution des eaux destinées à la consommation humaine ne fait pas obstacle à ce que l'arrêté déclarant d'utilité publique des travaux de dérivation des eaux en vue de la consommation humaine et l'instauration des périmètres de protection édicte des mesures comparables et n'est pas de nature à établir que ces mesures ne seraient pas justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la préservation de la qualité des eaux.
20. En septième lieu, contrairement à ce que font valoir les communes d'Acqueville et Moulines, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conséquences financières de l'opération, telles qu'elles ont été exposées au point 11, seraient telles qu'elles remettraient en cause l'utilité publique du projet.
21. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Captages 14 et autres, la commune de Moulines et la commune d'Acqueville ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé partiellement l'arrêté du 19 décembre 2013 du préfet du Calvados.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que les communes de Moulines, d'Acqueville et l'association Captages 14 et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune d'Acqueville est admise dans les affaires enregistrées sous les n°16NT03736 et 16NT03709.
Article 2 : L'intervention de la commune de Moulines est admise dans les affaires enregistrées sous les n°16NT03736 et 16NT03710.
Article 3 : Il est donné acte du désistement d'instance de M. U...et de l'EARL Breard.
Article 4 : Les requêtes de l'association Captages 14 et autres, de la commune de Moulines et de la commune d'Acqueville sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeAB..., représentant unique désigné par Me Boyer, mandataire, à la commune de Moulines et à la commune d'Acqueville, au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'intérieur et au Syndicat mixte de production d'eau potable de la région de Caen.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 décembre 2018 .
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03709,16NT03710,16NT03736