3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de mettre en demeure la société Agris Méthaniers Bigoudens de déposer dans un délai déterminé une nouvelle demande de déclaration aux fins d'exploiter l'unité de méthanisation et de suspendre son exploitation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, en application des dispositions des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges, concernant la question de l'existence d'une zone humide sur le secteur d'emprise du projet, ont insuffisamment tenu compte du rapport du bureau d'études et se sont limités à retenir une simple divergence d'appréciation conceptuelle alors qu'il n'en est rien et concernant les contradictions entre les différents plans sur la représentation du lisioduc, ce qui n'a pas permis de s'assurer du respect des distances par rapport aux points et cours d'eau, les premiers juges se sont contentés de termes succincts pour écarter le moyen ;
- le dossier de déclaration ICPE est insuffisant dès lors que : la qualification de zone humide à retenir était erronée, le tracé du lisioduc est imprécis, aucune autorisation du propriétaire pour déposer la demande et notamment une autorisation de passage pour le lisioduc n'était jointe,
- le dossier est indigent sur les éléments aquifères environnants : rien n'est prévu pour stocker les fumiers, ni pour le traitement et la gestion des eaux pluviales, il n'y a pas eu d'étude géotechnique qui aurait permis de mesurer risques de pollution sur zones humides, le lisioduc, qui est implanté à 12 mètres du plan d'eau, et le chemin d'accès principal passent sous ou sur des zones humides, aucune information n'a été donnée sur la présence d'une nappe phréatique sous les emprises du projet et du lisioduc ou sur le cours d'eau bordant le site au nord, la teneur en sable de la parcelle risque d'engendrer un soulèvement de la dalle accompagné probablement par une rupture des ouvrages enterrés, le mode opératoire pour la réalisation du bassin d'eaux pluviales n'est pas concevable, aucune précision n'est apportée sur les conditions de raccordement à la voirie publique ou sur l'ouvrage permettant le franchissement du ruisseau, tout a été sous-estimé pour la gestion des eaux pluviales, les nuisances olfactives et sonores et l'impact paysager, la qualité de l'air sera détériorée par les nuisances olfactives, la composition du digestat issu du méthaniseur et ses effets sur le sous-sol et le sol ne sont pas indiqués, le projet comporte des risques sanitaires liés au méthaniseur et des risques d'incendie et d'explosion, le bassin d'eaux pluviales n'est qu'à 22 mètres du plan d'eau et non pas à plus de 35 mètres et il existe un risque de pollution de la nappe dans la mesure où l'eau émanant du réseau d'eau chaude sera déversée directement dans la terre ;
- il n'est pas établi que le signataire de la décision attaquée bénéficiait d'une délégation de signature régulière et publiée ;
- il n'apparaît pas que le pétitionnaire disposait d'une qualité ou d'un titre l'habilitant à déposer la demande ;
- le préfet a méconnu les dispositions combinées des articles L. 512-8 et
L. 511-1 du code de l'environnement ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des principes de précaution et de prévention consacrés par l'article 5 de la Charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement.
Par lettre enregistrée le 8 août 2017, l'association La Torche Nature Environnement a été désignée par son mandataire, MeD..., représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.
Une mise en demeure a été adressée le 8 janvier 2018 au ministre de la transition écologique et solidaire.
Les parties ont été informées que l'affaire était susceptible, à compter du 15 mai 2018, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 22 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, a été présenté pour le ministre de la transition écologique et solidaire et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. La société Agris Methaniers Bigoudens a souhaité exploiter une unité de méthanisation sur le territoire de la commune de Plomeur, au lieu-dit Kerverret-La Torche. Elle a obtenu le 15 juillet 2014 un récépissé de déclaration au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement délivré par le préfet du Finistère. MmeK..., M. et Mme M..., M. et MmeO..., Mme P..., M. L... O..., M. J... O..., M. N...et Mme A...E..., M. et Mme G..., la SCI Trouz Ar Mor et l'association La Torche Nature Environnement ont alors contesté la légalité de ce récépissé. Ils relèvent appel du jugement en date du 9 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le jugement attaqué s'est fondé, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance des éléments relatifs à une zone humide, sur la circonstance que la représentation graphique de cette zone et les mesures de protection contre les pollutions étaient mentionnées dans le dossier et que dès lors, la divergence sur la qualification de la zone humide en cause ne suffit pas à elle seule à rendre le dossier de demande incomplet sur ce thème. Quant au moyen tiré de l'imprécision du tracé du lisioduc, les premiers juges ont indiqué qu'il était sans influence sur la légalité de l'acte attaqué au motif que les canalisations qui relieront l'unité de méthanisation projetée à l'exploitation de la SCEA Corbel, située au lieu-dit le Gibit, constituent un élément accessoire à l'installation classée, sans être par elles-mêmes une installation entrant dans le champ d'application de la législation sur les installations classées. Ce jugement, qui expose de façon suffisamment précise les considérations de fait et de droit qui le fondent est, ainsi, conforme aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, l'article R. 512-47 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable dispose que : " (...) II.-La déclaration mentionne : (...) 2° L'emplacement sur lequel l'installation doit être réalisée ; (...) III.-Le déclarant doit produire un plan de situation du cadastre dans un rayon de 100 mètres et un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 au minimum, accompagné de légendes et, au besoin, de descriptions permettant de se rendre compte des dispositions matérielles de l'installation et indiquant l'affectation, jusqu'à 35 mètres au moins de celle-ci, des constructions et terrains avoisinants ainsi que les points d'eau, canaux, cours d'eau et réseaux enterrés. Le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation sont précisés. (...) ".
5. La circonstance que le dossier de déclaration ait mentionné que le terrain d'assiette du projet litigieux était situé à proximité d'une zone humide " potentielle " alors qu'elle est, au vu du rapport du bureau d'études produit par les requérants, " très vraisemblable ", ne saurait suffire à entraîner une annulation de l'acte attaqué. En effet, le caractère de zone humide n'a pas été occulté, seul le degré de certitude de ce qualificatif étant imprécis. Les requérants ne contestent pas par ailleurs l'absence d'incidence du projet sur la zone humide au vu des mesures de protection présentées. Il est vrai que le " lisioduc ", permettant le transport des effluents d'élevage depuis l'exploitation agricole de la SCEA du Gibit vers l'unité de méthanisation projetée puis le retour de digestat vers l'exploitation devait être mentionné dans le dossier de déclaration, au titre des conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation mentionnées à l'article R. 512-47 du code de l'environnement précité. En revanche, ces dispositions n'exigeaient pas que son tracé soit indiqué précisément mais uniquement qu'il permette d'apprécier si la distance de 35 mètres par rapport aux cours d'eau est respectée ce qui est le cas en l'espèce au vu en particulier d'une photo aérienne. Par ailleurs, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ferait apparaître un linéaire différent de celui présenté dans le dossier de déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement est sans influence sur la légalité de l'acte attaqué, seul le tracé figurant dans le dossier de déclaration étant opposable en l'espèce. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition du code de l'environnement n'imposait que le dossier de déclaration contienne un document attestant que le demandeur est le propriétaire du terrain d'assiette de l'installation ou a obtenu de celui-ci le droit de l'exploiter ou de l'utiliser, a fortiori s'agissant des terrains sous lesquels seul le " lisioduc " est projeté. Les ouvrages de stockage des fumiers sont mentionnés à la page 21 du dossier de déclaration et le traitement et la gestion des eaux pluviales sont analysés aux pages 36 et 37 de ce même dossier. Aucun texte n'imposait qu'une étude géotechnique soit jointe au dossier de la société Agris Methaniers Bigoudens. Les caractéristiques du chemin principal d'accès interne à la parcelle apparaissent de manière suffisamment détaillée sur le plan d'ensemble, alors même que les conditions du franchissement d'un ruisseau par cette voie ne sont pas indiquées. Le dossier n'omet pas d'indiquer que le site est classé en zone de sensibilité forte au risque de remontée de nappe et que " des mesures constructives adaptées en fonction du risque de remontée de nappe seront prises en compte suite au retour de l'étude de sol qui sera réalisée avant la construction de l'unité de méthanisation ". Les requérants n'établissent pas que l'impact du projet concernant la gestion des eaux pluviales, les nuisances olfactives et sonores et l'impact paysager auraient été sous-estimés. Les moyens de lutte contre l'incendie sont mentionnés à la page 43 du dossier de déclaration et s'agissant du risque d'explosion, il a été pris en compte de manière suffisante aux pages 44 à 46. Enfin, le dossier de déclaration indique à la page 25 que les digestats bruts sont composés à 10,3 % de matière sèche, ce qui n'entache pas d'insuffisance le dossier de déclaration sur ce point. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de déclaration déposé par la société Agris Methaniers Bigoudens aurait été insuffisant.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 512-48 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " (...) Lorsqu'il estime que la déclaration est en la forme irrégulière ou incomplète, le préfet invite le déclarant à régulariser ou à compléter sa déclaration. " et aux termes de l'article R. 512-49 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation. (...) ". Il résulte de ces dispositions et de ce qui a été dit au point 5 que le préfet était tenu de délivrer le récépissé dès lors que le dossier de déclaration était complet. Dès lors, les moyens des requérants qui ne se limitent pas à la critique de la complétude du dossier mais qui sont relatifs à l'existence de risques pour la protection de l'environnement doivent être écartés comme inopérants. Il y a lieu d'écarter comme étant également inopérants les moyens invoqués par les requérants, tirés de l'incompétence du signataire du récépissé attaqué, du défaut de qualité du pétitionnaire et des erreurs manifestes d'appréciation commises par le préfet dans l'application, d'une part, des dispositions combinées des articles L. 512-8 et L. 511-1 du code de l'environnement et, d'autre part, des principes de précaution et de prévention consacrés par l'article 5 de la Charte de l'environnement et de l'article L. 110-1 du code de l'environnement.
7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
8. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par ces derniers, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MmeK..., M. et Mme M..., M. et MmeO..., Mme P..., M. L... O..., M. J... O..., M. N...et Mme A...E..., M. et Mme G..., la SCI Trouz Ar Mor et l'association La Torche Nature Environnement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association La Torche Nature Environnement, représentant unique, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Agris Méthaniers Bigoudens.
Copie sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02470