Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2020, M. B... représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 30 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause de régulariser dans un délai de sept jours dans l'attente de la délivrance du titre de séjour ou du réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande de titre de séjour au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ; le préfet s'est abstenu de prendre en compte la situation de l'emploi dans l'ensemble de la zone géographique concernée et les difficultés de recrutement spécifiques à l'entreprise et s'est illégalement fondé sur l'absence d'expérience professionnelle ou de formation en France, ce motif n'étant pas surabondant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet a également entaché sa décision d'un défaut de base légale en se fondant sur une prétendue décision de refus de titre de séjour prise le 27 janvier 2017 alors que cette décision n'existe pas ; il ne peut non plus se prévaloir d'une décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français qui est devenue caduque dès lors qu'il a présenté ultérieurement une demande de titre de séjour le 30 juillet 2018 et qu'il s'est vu remettre une autorisation provisoire de séjour valable du 2 juillet au 1er novembre 2019 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- cette décision méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet ne justifie pas des quatre critères prévus par ce texte et ne mentionne pas d'ailleurs celui tiré de ce que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public ; le préfet ne peut se fonder sur la précédente mesure d'éloignement du 27 janvier 2017 qui est devenue caduque dès lors qu'il a présenté une demande de titre de séjour le 30 juillet 2018 et qu'il s'est vu remettre une autorisation provisoire de séjour valable du 2 juillet au 1er novembre 2019 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2020 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... A..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc, né le 22 juin 1993, déclare être entré en France le 1er septembre 2014. Le 17 novembre 2014, il a déposé une demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 12 août 2015. Par une décision du 8 février 2016, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision du 12 août 2015 précitée. Par un arrêté du 27 janvier 2017, le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 30 juillet 2018, M. B... a présenté une demande de titre de séjour " salarié ". Par un arrêté du 22 mars 2019, le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 1900515, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Corrèze de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quatre mois. Par un arrêté du 24 octobre 2019, le préfet de la Corrèze statuant à nouveau sur la demande de titre de séjour de M. B... a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1901924 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête à fin d'annulation. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2019 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Comme l'ont relevé les premiers juges, par un arrêté du 20 septembre 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial publié le 23 septembre 2019, le préfet de la Corrèze a donné délégation en l'absence du secrétaire général à M. G..., directeur de cabinet et signataire de la décision en litige, à l'effet de signer tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général de préfecture n'aurait pas été absent au moment où la décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que le préfet, qui vise les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas examiné la demande de titre de séjour au regard de ces dispositions. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; / 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; / 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; / 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l'emploi sollicité ; / 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; 7° Le cas échéant, lorsque l'étranger réside hors de France au moment de la demande et lorsque l'employeur ou l'entreprise d'accueil pourvoit à son hébergement, les dispositions prises par l'employeur pour assurer ou faire assurer, dans des conditions normales, le logement de l'étranger directement ou par une personne entrant dans le champ d'application de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif. Ces dispositions s'appliquent également lorsque l'étranger change d'employeur avant l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 5221-23. ".
5. Premièrement, comme l'ont relevé les premiers juges, s'il appartient au préfet d'examiner la demande de titre de séjour portant la mention " salarié " dont il est saisi au regard de l'ensemble des critères fixés par l'article R. 5221-20 du code du travail, lesquels sont cumulatifs, il n'est tenu de mentionner dans sa décision de refus que les critères qu'il estime non remplis. Il ressort de la décision en litige que le préfet s'est fondé, pour refuser le titre de séjour sollicité par M. B..., sur les dispositions du 2° de l'article R. 5221-20 du code du travail précité. En conséquence, le préfet de la Corrèze n'était pas tenu de mentionner dans sa décision la situation de l'emploi dans l'ensemble de la zone géographique concernée et les difficultés de recrutement spécifiques à l'entreprise.
6. Deuxièmement, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des deux attestations produites par M. B..., dont l'une fait état d'un emploi de " responsable maître " et l'autre indique, en des termes généraux, qu'il a travaillé en tant que responsable sur les chantiers et " a effectué des travaux de carrelage, de chape et autres travaux semblables " qu'il existerait une adéquation entre sa qualification, son expérience, ses diplômes ou titres et les caractéristiques de l'emploi qui lui a été proposé par la société Carrelage 19. Contrairement à ce que soutient en appel M. B..., il ne ressort pas de la décision en litige que le préfet de la Corrèze se soit principalement fondé sur le motif tiré de ce que M. B... ne justifiait d'aucune ancienneté dans le travail depuis son arrivée en France, la décision mentionnant également que M. B... ne démontre pas avoir effectué une formation professionnelle durable prouvant l'acquisition d'une expérience dans le domaine du carrelage qui aurait pu lui permettre d'occuper le poste prévu et que seul figurait au dossier une attestation d'un employeur en Turquie ne précisant pas la nature exacte de cet emploi. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail.
7. Comme l'ont relevé les premiers juges, il est constant que M. B... est entré en France afin de demander l'asile, demande qui a finalement été rejetée en février 2016 par la Cour nationale du droit d'asile, et qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 27 janvier 2017 qu'il n'a pas exécutée. S'il produit des cartes de séjour de personnes qu'il présente comme étant des membres de sa famille, la pièce d'identité d'une personne attestant être sa cousine et deux décisions accordant l'asile à des personnes qu'il présente également comme des membres de sa famille, il ne justifie pas de l'intensité et de l'ancienneté des liens entretenus avec ces personnes. En outre, M. B... n'établit pas être dépourvu d'attaches en Turquie ni s'être particulièrement inséré au sein de la société française. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Corrèze a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
9. M. B... reprend en appel le moyen tiré du défaut de motivation qu'il avait invoqué en première instance. Il y a lieu, par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Limoges d'écarter ce moyen.
10. Il résulte de ce qui précède que, faute pour M. B... d'avoir démontré l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, le moyen tiré de cette illégalité, invoqué par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet en se fondant sur l'arrêté du 27 janvier 2017 aurait entaché sa décision d'un défaut de base légale. Il y a lieu, par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Limoges d'écarter ce moyen.
12. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté pour les même motifs que ceux retenus au point 7.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui précède que, faute pour M. B... d'avoir démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée, le moyen tiré de cette illégalité, invoquée par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
14. Si M. B... produit en appel deux décisions accordant l'asile à des personnes qu'il présente comme étant des membres de sa famille, il ne justifie pas être exposé à des risques réels, personnels et actuels de peines ou de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
15. Comme l'ont relevé les premiers juges, la décision par laquelle le préfet prononce une interdiction de retour sur le territoire n'a pas à être motivée par référence à l'ensemble des critères énoncés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais seulement par référence à celui ou ceux que l'autorité administrative a retenu. La décision en litige vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. B... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français plus de deux ans après la notification de l'arrêté du 27 janvier 2017 lui faisant obligation du quitter le territoire français, qu'il serait arrivé en France en septembre 2014 et qu'il ne dispose d'aucune attache familiale sur le territoire français hormis un cousin. Elle est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait alors même que le préfet ne fait pas état de la menace que constituerait ou non M. B... pour l'ordre public.
16. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet, en se fondant sur la précédente mesure d'éloignement du 27 janvier 2017 qui est devenue caduque dès lors qu'il a présenté une demande de titre de séjour le 30 juillet 2018 et qu'il s'est vu remettre une autorisation provisoire de séjour valable du 2 juillet au 1er novembre 2019, a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Limoges d'écarter ce moyen.
17. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté pour les même motifs que ceux retenus au point 7.
18. Le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.
19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. C... A..., président,
Mme E... H..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2021.
Le président,
Didier A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX00875 2