Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2021, M. C... A..., représenté par Me Soulas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2005115, 2005116 de la magistrate désignée du tribunal ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2020 en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; à tout le moins de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de titre ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées, que :
- le signataire de ces décisions ne bénéficiait pas d'une délégation de signature publiée à la date à laquelle ces décisions ont été prises ; ainsi, le moyen tiré de l'incompétence doit être accueilli ;
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est senti lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'a donc pas exercé son pouvoir d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut effectivement accéder à un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ; en particulier, les coûts des traitements disponibles sont trop élevés compte tenu de ses ressources financières ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :
- elle est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... est un ressortissant albanais né le 27 octobre 1952 qui est entré une dernière fois sur le territoire français le 1er novembre 2018 selon ses déclarations. A l'occasion d'un précédent séjour en France, il a déposé une demande d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejetée par une décision du 29 août 2017 confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 17 janvier 2018. M. A... a présenté une nouvelle demande d'asile le 28 décembre 2018 que l'OFPRA a traitée comme une demande de réexamen de son droit au séjour au titre de l'asile avant de clôturer ce dossier le 27 août 2020 en application de l'article L. 723-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Entre temps, M. A... a déposé en préfecture de Haute-Garonne, le 4 décembre 2019, une demande de titre de séjour pour raison de santé en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 septembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2020 et relève appel du jugement rendu le 23 décembre 2020 par lequel la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :
2. Par un arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions prévues aux articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le requérant soutient que cet arrêté n'a pas été régulièrement publié à la date de la décision attaquée, il ressort des mentions du recueil de publication de cet arrêté, disponible sur internet, qu'il a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086. Pour remettre en cause la publication à cette date, le requérant soutient que cette mesure de publicité n'est intervenue que le 16 novembre 2020 et produit la capture d'écran de la liste des actes publiés dans le département de la Haute-Garonne en avril 2020 établie à la date du 30 avril 2020, où la mention du recueil ne figure pas. Cependant, la seule circonstance qu'une telle mention ne figure pas dans le récapitulatif des recueils publiés ne prouve pas que ce recueil ne l'a pas été à la date figurant sur celui-ci. Au demeurant, Mme B... bénéficiait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 17 décembre 2019 applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 2 avril 2020 prévoyant son abrogation, soit le lendemain de sa publication, conformément aux règles d'entrée en vigueur des actes réglementaires fixées par l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, après avoir retracé avec une précision suffisante les éléments caractérisant la situation personnelle et les conditions de séjour en France de M. A..., le préfet a relevé, dans la décision en litige, que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), saisi pour avis sur la demande de titre de séjour, a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que ce dernier peut accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet, qui a rappelé dans les motifs de sa décision qu'il n'était pas lié par l'avis de l'OFII, a estimé que M. A... ne justifiait pas être dans l'impossibilité de bénéficier des traitements que requiert son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Il en a déduit que M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé sa décision.
4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision contestée que le préfet ne s'est pas estimé lié par l'avis de l'OFII mais qu'il a au contraire exercé son propre pouvoir d'appréciation pour se prononcer sur la demande de titre. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'une incompétence négative.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
7. Dans son avis du 3 juin 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, ce dernier peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est atteint de la maladie de parkinson, de troubles anxio-dépressifs et d'une pathologie cardio-vasculaire. Comme l'a relevé la magistrate désignée du tribunal, les certificats médicaux produits au dossier décrivent les traitements administrés à M. A... mais ne se prononcent pas sur la disponibilité en Albanie des soins dont ce dernier a besoin. Si un praticien du pôle psychiatrie des Hôpitaux de Toulouse a indiqué, dans son certificat du 22 octobre 2020, que les soins médicamenteux et les consultations dont bénéficie M. A... ne sont pas à sa connaissance disponibles en Albanie, ce certificat eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé ne suffit pas à établir l'indisponibilité de ces traitements dans le pays d'origine du requérant. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'en raison de leur coût et des moyens financiers de M. A..., les traitements dont il a besoin, qui ne sont pas nécessairement identiques à ceux reçus en France pourvu qu'ils leur soient équivalents, seraient inaccessibles en Albanie. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté en litige, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
9. En quatrième lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnait son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la motivation de l'obligation de quitter le territoire, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui codifié à l'article L. 611-1, découle de celle du refus de titre de séjour qui, ainsi qu'il a été dit, est satisfaisante.
11. En deuxième lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aujourd'hui codifié au 9° de l'article L. 611-3 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 8 ci-dessus, les dispositions précitées n'ont pas été méconnues par l'obligation de quitter le territoire français en litige.
13. En quatrième lieu, il résulte du point 9 ci-dessus que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, M. A... reprend en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à son argumentation de première instance, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant de renvoi auquel la magistrate désignée a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.
15. En deuxième lieu, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachés d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse rejeté sa demande d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête n° 21BX01746 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01746 5