Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 avril 2019, M. F... représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 5 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, à titre principal, de l'admettre au séjour dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle le prive de mener une vie privée familiale normale ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant tel que prévu par l'article 3-1 de la Convention de New-York en tant qu'elle les empêche de poursuivre leur scolarité dans un environnement serein et à distance des persécutions et traumatismes subis dans leur pays d'origine.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale ;
- elle porte atteinte au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants prévu par l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en tant que militant politique membre de l'opposition au pouvoir encore actif sur les réseaux sociaux, et qu'il fait l'objet d'un avis de recherche pour des faits de trahison et d'appel contre l'Etat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 août 2019 à midi.
M. D... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
-la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant azérie né le 20 janvier 1979, est entré régulièrement en France le 6 septembre 2016 sous couvert d'un visa C court séjour, accompagné de son épouse et de ses deux enfants mineurs. A la suite du rejet de leur demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides(OFPRA) le 28 avril 2017, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 février 2018, le préfet du Tarn, par un arrêté du 5 avril 2018, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. F... relève appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. M. F... fait valoir que ses deux enfants sont scolarisés depuis leur entrée sur le territoire français en classe de cours préparatoire pour l'un et en classe de 5ème pour l'autre, l'implication de ses parents dans leur scolarité et que son épouse est enceinte d'un troisième enfant. Toutefois, d'une part, M. F... est arrivé en France le 6 septembre 2016 à l'âge de 37 ans et n'a été admis à séjourner en France que le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile politique. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une circonstance s'oppose à ce qu'il reparte avec son épouse, qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et avec leurs deux enfants dans leur pays d'origine, Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, et compte-tenu de la circonstance que M. F... n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé du respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet du Tarn n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni entaché sa décision d'une erreur manifestation d'appréciation de sa situation.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
5. S'il ressort des pièces du dossier que les enfants de M. F... sont scolarisés en école primaire et au collège depuis environ deux années en France, il n'est pas établi qu'ils seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, où ils ont effectué la majeure partie de leur scolarité. En outre, la décision n'a pas pour effet de séparer la cellule familiale dès lors que les deux parents font l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
6. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle ne fixe pas le pays de destination. Par voie de conséquence, M. F... ne peut utilement faire valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'il encourait en cas de retour en Azerbaïdjan, son pays d'origine.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde.
8. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
9. M. F..., dont, ainsi que cela a été dit au point 1., la demande d'asile a été examinée successivement par l'OFPRA et la CNDA, n'établit pas, par les pièces qu'il produit, postérieures à la décision rendue par la CNDA, en particulier deux convocations au parquet adressées à des membres de sa famille dans la cadre d'une enquête judiciaire, qui ne préjugent pas d'une éventuelle condamnation, la réalité des risques qu'il allègue encourir personnellement en cas de retour dans son pays d'origine. Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que son éloignement à destination de cet Etat méconnaitrait les stipulations et dispositions précitées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 5 avril 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais liés à l'instance doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme E... G..., présidente-assesseure,
Mme C... B..., premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur,
Déborah B...Le président,
Dominique NAVESLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX01714