Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2017 ;
2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 665,61 euros au titre du complément de la prime d'intéressement pour 2013 et 2014, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé par ses fautes ;
4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il répond à des moyens non soulevés et ne répond pas à tous ses moyens ;
- les décisions du 10 avril 2014 et du 9 mars 2015 lui attribuant ses primes d'intéressement pour les années 2013 et 2014 doivent être regardées comme des décisions administratives individuelles défavorables et auraient dû par conséquent être adoptées à la suite d'une procédure contradictoire conformément à l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- les décisions du 10 avril 2014 et du 9 mars 2015 sont insuffisamment motivées au regard de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
- ces décisions méconnaissent les dispositions du décret n° 2010-997 du 26 août 2010 selon lesquelles le bénéfice des primes et des indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congé de maladie ordinaire ;
- les décisions du 10 avril 2014 et du 9 mars 2015 méconnaissent le principe général du droit de l'égalité de traitement devant les charges publiques, le droit à rémunération issu de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, le principe fondamental du droit communautaire d'égalité des rémunérations entre travailleurs pour un travail de même nature ;
- les décisions du 10 avril 2014 et du 9 mars 2015 sont constitutives d'une sanction disciplinaire déguisée et a fortiori d'une sanction pécuniaire illégale et sont constitutives d'une discrimination en raison de l'état de santé de M. A... et méconnaissent l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- son préjudice financier doit être évalué à 665,61 euros correspondant à la somme des montants intégraux de la prime d'intéressement des années 2013 et 2014 et son préjudice moral de M. A... doit être évalué à 15 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, La Poste, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... F...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par La Poste en 1983, titularisé puis reclassifié dans le grade de cadre de second niveau en 1993. Alors qu'il était détaché permanent au sein du syndicat CGT du Tarn, il a été placé en congé de maladie du 16 septembre 2013 au 14 septembre 2014. Par des décisions des 10 avril 2014 et du 9 mars 2015 La Poste lui a notifié sa prime d'intéressement pour les années 2013 et 2014 dont le montant a été calculé au prorata de sa présence dans l'entreprise, déduction faite du temps pendant lequel il était placé en congé de maladie ordinaire. M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser les sommes dont il estimait avoir été indument privé, ainsi qu'une somme au titre de son préjudice moral. Il relève appel du jugement du tribunal du 18 décembre 2017 rejetant sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... soutient, sans plus de précision, que le tribunal administratif de Toulouse n'aurait pas pris en compte l'ensemble de ses moyens et aurait répondu à des moyens non soulevés. Toutefois, en s'abstenant d'indiquer quels sont les moyens concernés, le requérant ne met pas le juge en mesure d'apprécier la portée et le bien-fondé de ce moyen.
Sur la responsabilité de La Poste :
3. Aux termes de l'article L. 3312-2 du code du travail : " Toute entreprise qui satisfait aux obligations incombant à l'employeur en matière de représentation du personnel peut instituer, par voie d'accord, un intéressement collectif des salariés (...) ". Selon l'article L. 3312-5 du même code : " Les accords d'intéressement sont conclus pour une durée de trois ans, selon l'une des modalités suivantes : (...) 2° Par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise (...) ". L'article 3 de l'accord d'intéressement à La Poste 2012-2014, signé le 18 juin 2012, prévoit que : " Sont éligibles à l'intéressement les personnels fonctionnaires (...) ". Enfin l'article 6 de ce même accord précise que : " L'intéressement est attribué en fonction du temps de présence en équivalent temps plein de chaque bénéficiaire au cours de l'année au titre de laquelle l'intéressement est versé, selon le critère dit " de proportionnalité à la durée de présence dans l'entreprise ", prévu par l'article L. 3314-5 du code du travail. Sont considérés comme temps de présence au sens du présent article : les congés annuels ou congés payés ; les congés légaux ou conventionnels ainsi que les autorisations spéciales d'absence pour évènements familiaux ; les périodes de formation ; les congés légaux de maternité et d'adoption ; les congés ou périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail, accident de trajet ou maladie professionnelle ; les absences des représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat. ". Il résulte de cet accord que le congé de maladie ordinaire n'est pas considéré comme du temps effectif de présence pris en compte pour le calcul de la prime d'intéressement.
4. En premier lieu, M. A... soutient que les décisions lui accordant des primes d'intéressement réduites, compte tenu de son placement en congé de maladie, auraient dû être adoptées à la suite d'une procédure contradictoire. Cependant, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qu'il invoque ne s'appliquent pas, ainsi que le précise son article 18, aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.
5. En deuxième lieu, en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors applicable, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, doivent notamment être motivées les décisions qui infligent une sanction ou qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. Toutefois, d'une part, la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine, dans les conditions fixées par l'accord, l'intéressement à La Poste 2012-2014 ne présente pas par elle-même le caractère d'une sanction pécuniaire ou disciplinaire. D'autre part, il ressort de l'accord fixant le régime de la prime d'intéressement, ainsi qu'il a été dit au point 3, que les agents placés en congé de maladie ordinaire ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d'une prime d'intéressement complète et, par suite, ne bénéficient pas d'un droit à l'obtention de cette prime. Par conséquent, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions des 10 avril 2014 et du 9 mars 2015 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du n° 2010-997 du 26 août 2010, relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congé : " I. 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisé, (...) est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; 2°Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables (...) ".
7. M. A... fait valoir que les décisions lui attribuant une prime d'intéressement proportionnelle à son temps de présence dans l'entreprise sont contraires aux dispositions précitées du décret du 26 août 2010. Toutefois, les dispositions de l'article 1er du décret du 26 août 2010 ont pour objet d'étendre la règle du maintien du traitement prévu par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 aux primes et indemnités versées aux agents concernés dans les mêmes conditions et les mêmes périodes que le traitement, en cas de congés annuels, de congés ordinaires de maladie et de congés pour maternité, à l'exception notamment des primes liées à la manière de servir ou aux résultats obtenus. Il en résulte que les fonctionnaires de La Poste qui se trouvent en situation de congé de maladie ne peuvent prétendre au bénéfice des primes qui sont liées à la manière de servir et aux résultats obtenus. Ainsi, contrairement aux allégations de M. A..., aucune disposition législative ou réglementaire ne requiert que les fonctionnaires de La Poste en situation de congé de maladie ordinaire perçoivent l'intégralité de la prime d'intéressement dont ils auraient bénéficié s'ils avaient exercé leurs fonctions à temps complet. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du décret n° 2010-997 doit être écarté.
8. En quatrième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soient traités de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée soit par les conditions d'exercice des fonctions, soit par les nécessités du service ou l'intérêt général et dès lors qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier. Eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la valorisation d'une activité à temps plein au sein de La Poste, celle-ci a pu légalement, sans méconnaître le principe d'égalité entre les agents, prévoir que l'indemnité d'intéressement serait versée proportionnellement au temps de présence dans l'entreprise. Dès lors que les fonctionnaires en congé maladie ne se trouvent pas dans la même situation que ceux en activité exerçant effectivement leurs fonctions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le principe d'égalité entre agents de La Poste aurait été méconnu.
9. En cinquième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, les décisions attribuant à M. A... une prime d'intéressement proportionnelle à son temps de présence dans l'entreprise ne présentent pas le caractère d'une sanction. En outre, elles ne sauraient à elles seules révéler une discrimination illégale, en méconnaissance de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) ".
10. Il résulte de tout ce qui précède que, La Poste n'ayant pas commis les illégalités fautives invoquées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à l'indemniser des préjudices en résultant.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'elle n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que La Poste demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme C... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.
La rapporteure,
Fabienne F... Le président,
Didier ARTUS Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00758