Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février 2019, 12 janvier et 15 février 2021, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de radiation des cadres du 20 juin 2016 prise par Météo-France à son encontre, ensemble la décision implicite du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer rejetant son recours gracieux hiérarchique ;
3°) d'enjoindre à Météo-France de la réintégrer dans ses effectifs, de reconstituer sa carrière et de lui verser les sommes qu'elle aurait dû percevoir au cours de la période d'éviction à compter du 1er juillet 2016 ;
4°) de condamner Météo-France à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
5°) de mettre à la charge de Météo France la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de sa légalité externe, l'arrêté en litige est insuffisamment motivé car il ne mentionne pas son accident de service du 2 novembre 2014 et ses visas comportent des éléments sans rapport avec son accident de service ;
- sa radiation des cadres est illégale car elle n'intervient pas dans le cadre d'une rechute ou d'un renouvellement de congé de maladie ;
- elle était alors en congé maladie en raison d'un accident reconnu imputable au service et n'était pas en situation irrégulière ;
- son absence de présentation aux contre-visites était médicalement justifiée par des certificats médicaux, attestant de son incapacité physique pour se rendre chez le médecin agrée désigné par son administration, distant de plus de 150 km de son domicile ;
- elle a produit des justifications d'ordre médical et n'a pas eu l'intention de rompre le lien avec le service ;
- la mise en demeure de reprendre son poste sur un poste inexistant est illégale. Elle a d'ailleurs été affectée d'office sur ce poste situé à Toulouse, à plus de 300 km de son domicile, dans le cadre d'une reprise à mi-temps thérapeutique ;
- l'administration ne pouvait lui demander de reprendre son travail sans saisir au préalable le comité médical ;
- si Météo-France soutient qu'elle aurait pu être transportée par un véhicule sanitaire, toutefois, non seulement son état de santé rendait incompatible ce déplacement mais elle n'avait pas les moyens financiers de faire l'avance de ces frais ;
- il ressort des motifs de l'arrêté de radiation que Météo-France s'est fondé également sur son refus de se rendre aux expertises demandées par la commission de réforme de la Gironde dans le cadre de la reconnaissance de sa maladie professionnelle. Ce refus était justifié par le fait que, du fait de son affectation sur un poste situé à Toulouse depuis le 2 novembre 2014, cette commission de réforme était incompétente pour statuer sur la reconnaissance de sa maladie professionnelle ;
- sa radiation s'analyse comme une sanction qui s'avère disproportionnée ;
- elle est fondée à demander la somme de 20 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et la même somme au titre de son préjudice moral ;
Par des mémoires enregistrés les 18 avril 2019, 25 janvier et 10 mars 2021, Météo France, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par Mme E... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Les parties ont été informées, le 2 avril 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'était susceptible d'être soulevé d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe, qui relèvent d'une cause juridique distincte des moyens soulevés en première instance.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 93-861 du 18 juin 1993 portant création de
- le décret n° 93-861 du 18 juin 1993 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... B...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,
- et les observations de Me A..., représentant Mme E..., et de Me D..., représentant Météo France.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., technicienne supérieure de la météorologie de Météo-France, affectée à compter de l'année 1990 au centre départemental de Bordeaux-Mérignac, a été mutée le 17 novembre 2002, dans le cadre d'une réorganisation des services, au sein de la division commerce-communication de cet établissement. A compter du 2 novembre 2009, elle a été placée en congé de longue durée, prolongé jusqu'au 1er novembre 2014. Mme E... ayant sollicité sa réintégration à mi-temps thérapeutique, le comité médical a émis le 18 juin 2015 un avis favorable à sa reprise de fonctions à temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois. Par décision du 16 octobre 2015, le président-directeur général de Météo-France a réintégré Mme E... dans ses fonctions à temps partiel thérapeutique pour une période de trois mois à compter du 1er novembre 2015 et l'a affectée d'office à Toulouse dans l'intérêt du service. Le jour de sa réintégration, le 2 novembre 2015, Mme E... a été victime d'un accident sur le trajet pour se rendre de son domicile à son travail et a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 2 novembre 2015. Le 20 juin 2016, elle a été radiée des cadres pour abandon de poste. Mme E... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de radiation des cadres du 20 juin 2016, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a rejeté le recours hiérarchique qu'elle avait présenté et, d'autre part, à la condamnation de Météo-France à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme E... relève appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la radiation des cadres :
2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
3. L'agent en position de congé de maladie n'a pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, une lettre adressée à un agent à une date où il est dans une telle position ne saurait, en tout état de cause, constituer une mise en demeure à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 2 ci-dessus, son licenciement pour abandon de poste. Toutefois, si l'autorité compétente constate qu'un agent en congé de maladie s'est soustrait, sans justification, à une contre-visite qu'elle a demandée en application des dispositions de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure, respectant les exigences définies au point 2 ci-dessus et précisant en outre explicitement que, en raison de son refus de se soumettre, sans justification, à la contre-visite à laquelle il était convoqué, l'agent court le risque d'une radiation alors même qu'à la date de notification de la lettre il bénéficie d'un congé de maladie. Si dans le délai fixé par la mise en demeure, l'agent ne justifie pas son absence à la contre-visite à laquelle il était convoqué, n'informe l'administration d'aucune intention et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d'ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste, et si, par ailleurs, aucune circonstance particulière, liée notamment à la nature de la maladie pour laquelle il a obtenu un congé, ne peut expliquer son abstention, l'autorité compétente est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
4. Il résulte de ces dispositions que dans le cas d'une soustraction à une contre-visite sans justification, une mise en demeure de reprendre son poste avant l'expiration de son congé sous peine de radiation peut être valablement adressée à l'agent.
5. En premier lieu, la demande introductive d'instance de Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2016, par lequel le président-directeur général de Météo France l'a radiée des cadres ne contenait que des moyens relatifs à la légalité interne de cette décision. Si, dans un mémoire enregistré à la cour le 15 février 2021, elle a fait valoir que cet arrêté est insuffisamment motivé et que la mise en demeure de reprendre son travail devait être précédée de l'avis préalable du comité médical, ces moyens, relatifs à la légalité externe de la décision contestée, ont constitué une demande nouvelle en appel qui n'est, par suite, pas recevable.
6. En deuxième lieu, Mme E... ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'était affectée sur aucun poste et qu'elle ne pouvait donc être regardée comme devant le rejoindre ni comme l'ayant abandonné dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle avait été affectée à compter du 2 novembre 2015 au poste de technicien d'exploitation au sein de la division coordination référentiels de l'établissement de Météo-France situé à Toulouse et qu'elle n'a pas pu prendre le poste qu'elle devait occuper dans ce service en raison de l'accident de service dont elle a été victime le 2 novembre 2015, avant sa prise de fonctions.
7. Enfin, par arrêté du 20 juin 2016, le président-directeur général de Météo France a radié des cadres Mme E..., après lui avoir notifié le 6 mai 2016 une mise en demeure de reprendre ses fonctions, demeurée sans suite, au motif que, placée en congé de maladie depuis le 2 novembre 2015, elle s'était notamment soustraite sans justification valable à deux contre-visites médicales les 19 février et 22 mars 2016 et à des expertises, auxquelles elle avait été dûment convoquée.
8. Il ressort des pièces du dossier que le congé initial de maladie ordinaire de Mme E... à compter du 2 novembre 2015 a été prolongé de façon continu jusqu'au 24 avril 2016. Après un défaut de justification de son absence pour la période du 25 avril au 13 mai 2016, elle a communiqué à Météo-France un arrêt de travail prolongeant son congé pour la période du 14 mai au 15 juin 2016.
9. Pour justifier sa décision de radiation des cadres de Mme E... pour abandon de poste, Météo-France fait valoir qu'elle s'est soustraite, sans justification médicale sérieuse, aux deux contre-visites fixées respectivement les 19 février et 22 mars 2016 au cabinet médical du Dr Herzy, médecin agréé situé à Toulouse auxquelles elle avait été convoquée par lettres du 2 février 2016 et du 1er mars 2016, en lui précisant que l'établissement prenait en charge ses frais d'expertise, dans la seconde convocation, que l'établissement prenait également à sa charge les frais de déplacement pour se rendre à la contre-visite ainsi que l'acheminement médicalisé dans le cas où il serait reconnu nécessaire par le médecin expert. Mme E... ne peut donc faire valoir que son absence aux contre-visites se justifierait par ses difficultés financières. Mme E... se prévaut de deux certificats médicaux émanant de son médecin traitant, établis aux dates des contre-visites, attestant de ce que son état de santé ne lui permettait pas de se déplacer à ces dates et d'être présente aux contre-visites médicales, ainsi qu'une attestation de son médecin traitant datée du 14 mai 2016 indiquant qu'il s'est déplacé aux dates des contre-visites au domicile de sa patiente et avoir constaté qu'elle ne pouvait, à ces dates, se déplacer pour se rendre auprès du médecin agréé. Toutefois, ni le certificat du 14 mai 2016 ni celui du 22 mars 2016 ne mentionnent l'existence d'une circonstance particulière liée notamment à la nature de la maladie pour laquelle Mme E... avait obtenu un congé et expliquant ses absences. Enfin, si elle soutient que Météo-France avait la possibilité de désigner un médecin agréé près de son domicile, toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Toulouse, dans le jugement attaqué, elle n'a invoqué cette circonstance que dans sa lettre du 17 mai 2016, soit postérieurement aux contre-visites médicales, mais aussi postérieurement à l'expiration du délai de reprise des fonctions de huit jours fixé par la mise en demeure du 29 avril 2016. Compte-tenu de ces éléments, Mme E... doit être regardée comme ne justifiant pas ses absences aux contre-visites médicales des 19 février et 22 mars 2016.
10. Dans ces conditions, faute d'avoir repris son poste dans le délai qui lui avait été imparti dans la mise en demeure et en l'absence de circonstance qui aurait pu légitimement la mettre dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, le président-directeur général de Météo-France a pu légalement estimer que Mme E... se trouvait en situation d'abandon de poste et décider, sans erreur d'appréciation, sa radiation des cadres, laquelle ne revêt pas un caractère disciplinaire. Par suite, à supposer que le motif tiré de ce que Mme E... ne s'était pas rendue à des expertises médicales dans le cadre de la reconnaissance de sa maladie professionnelle, pour une pathologie autre que celle pour laquelle elle avait obtenu un congé, est illégal, Météo-France aurait pris la même décision de radiation à l'égard de Mme E... en se fondant sur son absence aux contre-visites des 19 février et 22 mars 2016.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes à fins d'annulation et d'indemnisation des préjudices qui résulteraient, selon elle, des illégalités alléguées. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais d'instance :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Météo-France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme G... E... et au président-directeur général de Météo-France.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme F... B..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX00518