Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2018 et 23 juin 2020, la Compagnie Foyalaise de Transports Urbains (CFTU), représentée par Me B... et Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) à lui verser la somme de 202 509 euros TTC, correspondant à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qu'elle a dû acquitter au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'irrecevabilité de sa demande de première instance est nouveau en appel ;
- sa demande est recevable car sa réclamation du 23 octobre 2017 a pour fondement les stipulations du cahier des clauses particulières qui instituent un recours préalable obligatoire. La décision tacite née n'est pas confirmative des précédents refus de paiement ;
- la CACEM ayant admis que le contrat d'exploitation provisoire était arrivé à échéance le 2 janvier 2012, date de signature de la nouvelle délégation de service public de transports urbains de passagers et les actes juridiques ultérieurs faisant expressément référence à l'avenant n° 3, elle est fondée à demander que les sommes qu'elle a acquittées pour la CVAE au titre de l'année 2011, lui soient réglées sur le fondement contractuel ;
- les stipulations de l'article 3.1 du contrat d'exploitation temporaire prévalent sur les stipulations de l'article IV-4 du cahier des clauses particulières qui constituent l'annexe 3 bis du contrat d'exploitation temporaire ; le contrat d'exploitation provisoire prévoit expressément la prévalence des stipulations du contrat d'exploitation temporaire et de ses annexes 1 et 2 sur le CCP ;
- la communauté d'agglomération du centre de la Martinique ne peut se prévaloir de l'article IV-4 du CAP pour refuser le paiement de la CVAE dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2011. Par ailleurs, cette position est en contradiction avec le fait qu'elle a procédé à l'indemnisation de cette taxe pendant quatre ans ;
- à défaut, elle est fondée à demander l'indemnisation de la CVAE sur le fondement de l'enrichissement sans cause car il s'agit d'une dépense utilement exposée par elle pour exécuter le service public de transport urbain sur le territoire de la CACEM ;
- l'unique fait générateur de la CVAE dont elle s'est acquittée entre 2007 et 2011 est la réalisation des prestations d'exploitation de transport urbain réalisées pour la CACEM ; la valeur ajoutée sur laquelle repose la CVAE a pour unique fait générateur l'exécution du contrat.
Par des mémoires enregistrés les 19 décembre 2019 et 15 septembre 2020, la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM), représentée par
le cabinet D4 avocats et associés, demande à la cour de rejeter la requête de la CFTU et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable, car tardive : d'une part,
la CFTU n'a pas contesté la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire avant
le 2 mars 2017, d'autre part, les décisions de rejet ultérieures qu'elle a prises sont purement confirmatives ;
- les stipulations de l'article VII-2 du contrat d'exploitation ne peuvent être invoquées par la CFTU pour justifier la recevabilité de sa demande que si un contrat existe. Elles ne sont pas invocables dans un litige fondé sur la responsabilité quasi-contractuelle ;
- en l'espèce, le contrat d'exploitation provisoire a été signé sans mise en oeuvre de la procédure de publicité et de mise en concurrence. Il n'y avait plus de contrat à partir
du 1er mai 2010. L'acte de prorogation du 13 avril 2011 est illégal car il se fonde sur une décision du bureau communautaire qui prévoyait seulement une prorogation jusqu'au
31 mars 2011 ;
- en tout état de cause, la CFTU avait déjà formé une réclamation préalable
le 4 octobre 2016 au sens des stipulations contractuelles. Sa demande de première instance est forclose dès lors qu'elle n'a pas contesté les décisions des 21 octobre et 4 novembre 2016 portant rejet de sa réclamation ;
- le CFTU n'est pas fondé à demander le remboursement de la CVAE sur le fondement contractuel et quasi-contractuel ;
- la circonstance que par erreur, elle ait remboursé les taxes les années antérieures, ne crée pas de droit au profit de la CFTU ;
- conformément au principe selon lequel les règles spéciales priment sur les règles générales, c'est l'article 4.1 du contrat d'exploitation temporaire qui s'applique et son
annexe 3 ;
- la taxe professionnelle ayant été remplacée à compter du 1er janvier 2010 par la contribution économique territoriale, la commune intention des parties quand elles ont signé l'avenant de prorogation le 13 avril 2011 n'était pas de considérer la CVAE comme une dépense utile ;
- le CFTU n'est pas recevable à rechercher l'indemnisation sollicitée sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle car il s'agit d'une demande nouvelle en appel ;
- n'ayant commis aucune faute, la demande devra être écartée.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de Me I..., représentant la Compagnie Foyalaise de transports urbains, et de Me D..., représentant la communauté d'agglomération du centre de la Martinique.
Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 1er décembre 2020, présentée pour la Compagnie Foyalaise de transports urbains par Mes B... et I....
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du service public de transports urbains sur le territoire de ses communes membres, la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a, par une délibération du 12 mai 2005, désigné la Compagnie Foyalaise de transports urbains (CFTU) comme délégataire du service public de transports urbains et a approuvé le contrat de délégation de service public. Ce contrat a été signé le 18 mai 2005. Par un jugement du 28 septembre 2006 le tribunal administratif de la Martinique a annulé la délibération du 12 mai 2005 de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique et a enjoint aux deux cocontractants de résilier le contrat de délégation signé le 18 mai 2005. A la suite de cette annulation, afin d'assurer le service public le temps nécessaire pour organiser un nouveau mode de gestion de ce service public, les deux parties ont conclu, en avril 2007, un contrat d'exploitation provisoire. Ce service public a été assuré par la CFTU jusqu'au 2 janvier 2012, date de signature de la nouvelle délégation de service public de transports urbains de passagers. La CFTU a demandé au tribunal administratif de la Martinique la condamnation de la CACEM à lui payer, au titre de ses obligations contractuelles, la somme de 202 509 euros correspondant à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qu'elle a dû acquitter au titre de l'année 2011, et à titre subsidiaire, au titre de l'enrichissement sans cause, après avoir en vain tentée de récupérer cette somme par des demandes indemnitaires préalables. Par un jugement du 23 octobre 2018, dont la CFTU relève appel, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
2. Pour rejeter la demande de la société au titre de l'application du contrat, les premiers juges se sont fondés sur l'absence de prorogation du contrat provisoire signé en avril 2007 au-delà du 1er mai 2010 et sur l'absence de tout contrat entre la CFTU et la CACEM au cours de l'année 2011. La société CFTU fait valoir que la continuité contractuelle est établie par les visas de la délibération du bureau de la CACEM du 12 juillet 2010, qui vise un avenant n° 3 du 7 juin 2010 entré en vigueur le 21 juin 2010, qu'il convient de prendre en compte alors même que les parties ne sont pas en mesure de la produire, régularisant rétroactivement la prolongation du contrat provisoire et sur la signature de de deux contrats couvrant les périodes du 1er août 2010 au 31 mars 2011 et du 31 mars 2011 au 31 décembre 2011, et donc l'année 2011 au titre de laquelle elle demande le remboursement de la CVAE, et elle demande en conséquence de faire droit à sa demande de remboursement de la CVAE sur le terrain contractuel.
3. D'une part, aux termes de l'article 2 de l'acte de prorogation du contrat d'exploitation provisoire du service public de transports urbains du 13 avril 2011 : " Le contrat d'exploitation provisoire, ainsi prorogé, s'exécute selon les dispositions contractuelles en vigueur résultant du contrat initial et de ses avenants ". Aux termes de l'article 3 du contrat initial d'exploitation provisoire : " 3.1. En contrepartie de l'exécution de l'engagement d'assurer la continuité du service public pris par la CFTU, la CACEM s'engage à indemniser cette dernière des dépenses utiles exposées par la Compagnie pour fournir les services visés à l'article 1er et décrits en annexe 1 du présent contrat, pour toute la durée de ce dernier, déduction faite des recettes de toute nature encaissées par la Compagnie en sa qualité d'exploitant de réseau. Lesdites dépenses utiles sont précisées en annexe 2 du présent contrat. 3.2. Le règlement desdites dépenses interviendra après service fait, sur présentation des pièces justificatives (...) ". Aux termes de l'article 4 du même contrat : " 4.1. Pendant la durée du présent contrat, les droits et obligations des parties sont déterminés par ses dispositions et les annexes 1 et 2, qui s'y incorporent, ainsi que par l'annexe 3, qui en constitue les clauses particulières. Afin d'assurer la continuité du service public dans les conditions optimales ladite annexe 3 reprend pour partie le dispositif rédactionnel de la convention résolue de délégation de service public, amendé pour tirer les conséquences de l'économie et des principes posés par le présent contrat et ses annexes 1 et 2. Toute difficulté particulière d'interprétation de l'annexe 3 sera réglée au regard du dispositif du présent contrat et de ses annexes 1 et 2 qui prévalent sur les clauses particulières de ladite annexe 3. Toutes les dispositions du cahier des clauses particulières contraires aux dispositions du présent contrat et de ses annexes 1 et 2 et des principes qu'il détermine sont réputées non écrites et inopposables entre les parties ".
4. D'autre part, aux termes de l'article IV-4 de l'annexe 3 portant cahier des clauses particulières pour l'exploitation de réseau de transports urbains de voyageurs, relatif aux impôts et taxes : " Tous les impôts et taxes et notamment ceux établis par l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics de coopération intercommunale, y compris les impôts relatifs aux immeubles du service, sont à la charge de l'Exploitant quel qu'en soit le redevable. Sauf spécification contraire, tous les prix et montants cités dans le présent contrat sont réputés correspondre aux impôts et taxes en vigueur à l'origine du contrat, ou lors de l'adoption de nouveaux tarifs de base établis en application de l'article IV-13 ci-après mais hors TVA ". La taxe professionnelle est inscrite dans le " Descriptif des dépenses utiles éligibles à l'indemnisation " de l'annexe 2 au contrat d'exploitation provisoire initial.
5. Il résulte de ces stipulations invoquées par la société requérante, qui ne soulèvent pas de difficultés particulières d'interprétation et qui ne sont pas entachées de contradictions, que la CFTU supporte tous les impôts et taxes, y compris les impôts relatifs aux immeubles du service de transports urbains de voyageurs, à l'exception de ceux énoncés dans l'annexe 2 décrivant les dépenses utiles dont l'exploitant peut demander l'indemnisation sur justification des dépenses. Il résulte de l'article 2 de l'acte de prorogation du 13 avril 2011 précité que la commune intention des parties a été d'exécuter les dispositions contractuelles en vigueur résultant du contrat initial et de ses avenants et non d'intégrer dans le descriptif des dépenses utiles ouvrant droit à indemnisation du délégant, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui avec la cotisation foncière des entreprises sont les deux éléments constitutifs de la contribution économique territoriale créée par l'article 1447-0 du code général des impôts, laquelle a remplacé la taxe professionnelle, qui était calculée sur la valeur locative des immobilisations corporelles des entreprises, à compter du 1er janvier 2010.
6. Il résulte de ce qui précède qu'en tout état de cause, la société CFTU n'est pas fondée à demander, par application du contrat qu'elle invoque et sans qu'il soit besoin de rechercher s'il couvrait encore sa situation en 2011, la somme de 202 509 euros correspondant à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qu'elle a dû acquitter au titre de l'année 2011.
Sur la responsabilité extracontractuelle :
7. La CFTU soutient que la CVAE qu'elle a acquittée au titre de l'année 2011 constitue une dépense utile pour la CACEM dont elle est fondée à demander le remboursement sur le terrain de l'enrichissement sans cause à défaut d'entrer dans une situation contractuelle.
8. Toutefois, la CVAE, complétée de la cotisation foncière des entreprises, a été substituée à la taxe professionnelle pour former la contribution économique territoriale, est assise sur la valeur ajoutée produite par les entreprises. Si cette taxe a été acquittée pour les besoins de l'exécution de la prestation assurée par le CFTU, elle constitue seulement pour la société une charge fiscale, liée à son statut juridique et non une charge d'exploitation. Elle n'a présenté, pour la CACEM, aucune utilité et donc elle ne s'est pas enrichie. Par suite, la demande de la CFTU tendant à ce que la CACEM soit condamnée à lui rembourser la somme de 202 509 euros correspondant à la CVAE acquittée au titre de l'année 2011 augmentée des frais de gestion, ne peut également, et en tout état de cause, qu'être rejetée sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non- recevoir opposées en défense par la CACEM, que la société CFTU n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la CACEM la somme que demande la société CFTU au titre de ses frais d'instance. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de cette société la somme demandée par la CACEM sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CFTU et les conclusions présentées par la CACEM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CFTU et à la CACEM.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme F... H..., présidente,
Mme G... J..., présidente-assesseur,
Mme C... A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
La présidente,
Brigitte PHEMOLANT
A...H...La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04453