Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2020, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale ;
- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2020, la préfète du Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante marocaine, déclare être entrée en France le 2 mai 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 20 mars 2017, elle a sollicité le bénéfice de l'asile, qui a été rejeté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 septembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mars 2018. Par un arrêté du 9 avril 2018, la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 juillet 2018, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 décembre 2018, cet arrêté a été annulé et il a été enjoint à la préfète de Lot-et-Garonne de procéder au réexamen de la situation de Mme E... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen. Par un arrêté du 1er avril 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme E... et a prononcé à son égard une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité. Mme E... a demandé l'annulation de cet arrêté et elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2019 rejetant sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la durée de présence sur le territoire français de Mme E... est justifiée par l'examen de sa demande tendant au bénéfice de l'asile puis le réexamen de sa demande de titre de séjour. Si l'intéressée soutient que ses centres d'intérêt privés et familiaux sont en France cela ne ressort pas des éléments du dossier et il n'existe aucun obstacle à ce qu'elle reconstruise sa cellule familiale dans son pays d'origine avec son époux, un compatriote, faisant également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, et ses deux enfants qui peuvent poursuivre leur scolarité hors de France. La requérante ne justifie pas non plus avoir rompu tout lien avec son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et où résident ses parents. Par ailleurs, l'intéressée ne démontre pas l'intensité de son intégration durable dans la société française. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde doit être écarté.
5. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er avril 2019 de la préfète de Lot-et-Garonne.
Sur les autres conclusions :
7. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
8. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée à la préfète de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme D... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 février 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01325