Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19BX04271 le 26 octobre 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 27 mai 2019 en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Creuse de lui délivrer un titre de séjour et de travail ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 920 euros pour la première instance et 2 400 euros pour l'appel en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est irrégulière car la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'erreur de fait et d'un défaut de motivation notamment sur l'admission exceptionnelle au séjour ;
- la préfète n'a pas examiné sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, les autres décisions sont elles-mêmes illégales ;
- la décision de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'assignation à résidence est illégale car non motivée, disproportionnée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.
Par un mémoire, enregistré le 2 octobre 2020, la préfète de la Creuse conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2019.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19BX04311 le 26 octobre 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 27 mai 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 920 euros pour la première instance et de 1 920 euros pour l'appel en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est irrégulière car la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'erreur de fait et d'un défaut de motivation notamment sur l'admission exceptionnelle au séjour ;
- la préfète n'a pas examiné sa demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, les autres décisions sont elles-mêmes illégales ;
- la décision de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'assignation à résidence est illégale car non motivée, disproportionnée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.
Par un mémoire, enregistré le 27 octobre 2020, la préfète de la Creuse conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant congolais, a sollicité le 28 mars 2019 la délivrance d'un titre de séjour. Par deux arrêtés du 19 avril 2019, la préfète de la Creuse, d'une part, a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence à Guéret pour une durée de quarante-cinq jours et l'a astreint à se présenter deux fois par semaine au commissariat. M. E... a demandé l'annulation de ces arrêtés au tribunal administratif de Limoges lequel a annulé la décision lui interdisant le retour en France et a rejeté le surplus des conclusions. M. E... relève appel de ce jugement du 27 mai 2019 en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction et sollicite son sursis à exécution.
2. Les requêtes nos 19BX04271 et 19BX04311 présentées par M. E... sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
3. En premier lieu, si M. E... fait valoir que la décision contestée serait insuffisamment motivée, il ressort de sa seule lecture qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, la préfète a visé l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a indiqué que M. E... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au regard des dispositions de cet article. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision de refus de séjour et de l'insuffisance de motivation de cette décision au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ne peuvent qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
5. En l'espèce, il ressort de la demande de titre de séjour de M. E... que l'intéressé a sollicité le " renouvellement de titre de séjour " et n'a coché aucune des cases précisant la nature du titre demandé. Cependant, le formulaire de demande de titre était accompagné d'un courrier de l'intéressé dans lequel il invoquait son intégration et sa vie familiale et privée sur le territoire français. M. E... fait valoir que sa demande aurait dû être examinée par la préfète en tant que demande de titre salarié. Toutefois la seule allusion à un souhait d'intégrer la vie professionnelle par une formation qualifiante, ne saurait être regardée comme étant de nature à révéler une demande de titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, la préfète n'étant saisie d'aucune demande de titre de séjour " salarié ", elle n'a pas commis d'erreur de droit en n'examinant pas la demande au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, M. E... se prévaut de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français, de ce que son frère et sa soeur y résideraient et de son intégration dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, s'il est entré en France en 2012 à l'âge de 34 ans, l'intéressé a fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français du 31 octobre 2017 qu'il n'a pas exécuté. Il ne justifie pas de l'intensité de ses liens avec son frère et sa soeur, avec lesquels il n'établit d'ailleurs pas de lien de parenté. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la compagne de M. E..., ses trois enfants et sa mère vivent en République Démocratique du Congo. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.
7. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations. M. E... n'entre dans aucune des catégories d'étrangers pouvant prétendre à l'obtention d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, la préfète de la Creuse n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de ce vice de procédure doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 19 avril 2019 par laquelle la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
En ce qui concerne les autres décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et refusant un délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour pour soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français fixant le pays de renvoi et refusant un délai de départ volontaire prises à son encontre seraient illégales.
10. En deuxième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences et la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de la décision contestée sur la situation du requérant ne peuvent qu'être écartés.
11. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet d'une précédente décision d'obligation de quitter le territoire français le 31 octobre 2017, qu'il a n'a pas exécutée. Dans ces conditions, la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En quatrième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. E... allègue que son retour en République Démocratique du Congo l'exposerait personnellement à des risques pour sa vie, il n'apporte pas d'élément de nature à établir la réalité de ces risques alors en outre que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 19 avril 2019 par lesquelles la préfète de la Creuse l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a fixé son pays de destination.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
15. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux décisions d'assignation à résidence prononcées sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-2 du même code : " La décision d'assignation à résidence est motivée ".
16. En l'espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté portant assignation à résidence comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
17. En second lieu, M. E... fait valoir qu'il résiderait depuis sept ans en France, serait intégré et disposerait d'une promesse d'embauche. Toutefois ces éléments ne sont pas de nature à établir que la décision d'assignation à résidence, dans sa ville de résidence, porterait une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.
18. Il résulte de tout ce qui précède, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 19 avril 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination, et l'assignant à résidence.
Sur les autres conclusions :
19. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 27 mai 2019, les conclusions de la requête n° 19BX04311 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
20. Le présent arrêt qui rejette les conclusions en annulation de M. E... n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et ses celles présentées au titre de ses frais d'instance doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19BX04311 de M. E....
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. E... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme B... D..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.
La rapporteure,
Fabienne D... Le président,
Didier ARTUS Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 19BX04271, 19BX04311