Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 avril 2015, la société Midreth France, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de prononcer l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 27 janvier 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 2 octobre 2013 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Gers a rejeté l'opposition à poursuites qu'elle a formée contre le commandement de payer valant saisie délivré le 21 mars 2013 et les actes visés dans cet acte de poursuite ;
3°) d'annuler ces actes de poursuite ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le Trésor public a signifié le 21 mars 2013 à la société Midreth France un commandement de payer valant saisie immobilière, pour avoir paiement de sommes dont cette société était redevable et correspondant aux taxes foncières relatives aux années 2010 et 2011 et aux majorations de 10 % y afférentes, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période de janvier 2007 à mars 2010, à des rappels de taxe sur les véhicules de société, à la contribution foncière des entreprises mise à la charge de la société au titre de l'année 2011, aux pénalités correspondant à ces dettes fiscales et à des sommes dues au titre des salaires du conservateur des hypothèques. La société Midreth France a présenté une réclamation le 5 septembre 2013 contre ce commandement de payer, à laquelle l'administration a opposé le 2 octobre 2013 une décision de rejet pour tardiveté, en application des dispositions de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales. La société Midreth France relève appel du jugement du 27 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de ce commandement de payer et des actes " visés dans ce dernier ".
Sur la compétence de la cour :
2. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 222-13 5° et R. 811-1 du code de justice administrative, dans leur rédaction applicable en l'espèce, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les recours relatifs au recouvrement des impôts locaux autres que la taxe professionnelle. En vertu de l'article R. 351-2 du même code, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions qu'elle estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. Il s'ensuit que les conclusions de la société Midreth France tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation du commandement de payer du 21 mars 2013 pour avoir paiement des taxes foncières des années 2010 et 2011 et de la majoration de 10 % afférente à ces taxes ont le caractère d'un pourvoi en cassation qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de transmettre au Conseil d'Etat.
Sur la régularité du jugement :
3. Le tribunal a rejeté la demande comme étant irrecevable en indiquant dans ses motifs que la réclamation en recouvrement formée par la société requérante le 5 septembre 2013 était tardive en application des dispositions du b) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, il n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de l'absence de notification régulière des mises en demeure qui ont été adressées à la société par l'administration, ce moyen tendant à remettre en cause l'exigibilité des impositions en litige et relevant par suite des dispositions du c) de cet article dont les premiers juges n'ont pas fait application.
4. En revanche, si le tribunal a bien relevé, au point 1 du jugement attaqué, qu'il n'entre pas dans la compétence de la juridiction administrative de connaître du bien-fondé du commandement de payer du 21 mars 2013 en tant qu'il poursuit le recouvrement des sommes dues par la société Midreth France au titre du salaire perçu par le conservateur des hypothèques, dès lors que cette imposition relève de la catégorie des droits d'enregistrement dont le contentieux relève du juge judiciaire en vertu de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales, il a omis d'en tirer les conséquences dans le dispositif de ce jugement en rejetant ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement dans cette mesure et, par la voie de l'évocation, de rejeter immédiatement comme telle la demande présentée à ce titre devant le tribunal.
Sur le surplus de la contestation de l'obligation de payer :
6. Aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : a) Le directeur départemental des finances publiques ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même code : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, au directeur départemental des finances publiques, au responsable du service à compétence nationale ou au directeur régional des douanes et droits indirects dans un délai de deux mois à partir de la notification : a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; c) du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif (...) " ;
7. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Lorsqu'un recours administratif préalable conditionne la possibilité de saisir le juge, ces dernières dispositions s'appliquent non seulement à la décision susceptible de lui être déférée, mais aussi, nécessairement, à l'acte à l'encontre duquel ce recours administratif doit être préalablement formé. L'absence de mention sur l'acte de poursuite que l'administration adresse au contribuable de l'existence et du caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la demande préalable prévue à l'article L. 281-1, précité, du livre des procédures fiscales, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit présenter cette demande, prévus notamment par l'article R. 281-3-1 ci-dessus mentionné, du même livre, fait obstacle à ce que ces délais soient opposables au contribuable.
8. La société requérante se prévaut de l'absence d'exigibilité des sommes litigieuses, faute d'avoir été rendue régulièrement destinataire d'actes de poursuite comportant la mention des voies et délais de recours ouverts à leur encontre.
9. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'administration a notifié à la société Midreth France, à l'adresse de son siège social situé " château du Barbet ", à Lombez, deux mises en demeure en date des 31 janvier 2012 et 29 février 2012 valant commandement de payer, délivrées respectivement en vue du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rappels de taxe sur les véhicules de société. La société ayant déposé auprès des services postaux un ordre de réexpédition de courrier comprenant la période d'envoi de ces plis, les courriers ont été adressés à la société requérante à l'adresse " SOGEXCO, 14 rue du Commandant Yves Coustaud - 32600 L'Isle Jourdain " mais ont été retournés à l'administration portant la mention " refusé ". Dans ces conditions, les mises en demeure en cause doivent être regardées comme ayant été notifiées le jour où en a été faite la première présentation, soit le 14 février 2012 pour la mise en demeure relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et le 15 mars 2012 pour la mise en demeure se rapportant à la taxe sur les véhicules de société. Par ailleurs, elles comportent, au verso, la citation des articles L. 281, R. 281-1 et R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales. Ainsi, la société Midreth France a été informée du caractère obligatoire et du délai de la réclamation préalable. Par suite, et sans que la société Midreth France puisse utilement invoquer les conditions de notification d'un avis de mise en recouvrement antérieur du 26 janvier 2012, la réclamation en recouvrement qu'elle a formée le 5 septembre 2013 alors que les actes qui constituaient les premiers actes de poursuite lui permettant d'invoquer le moyen tiré de l'exigibilité du paiement des dettes litigieuses lui ont été notifiés le 14 février 2012 et le 15 mars 2012, était tardive en application des dispositions du c) précité de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales.
10. Si par ailleurs la société requérante a contesté dans sa réclamation que M. B..., auquel a été signifié le commandement de payer du 21 mars 2013, avait la qualité de mandataire de la société, il résulte en tout état de cause de l'instruction que l'acte de poursuite litigieux, qui mentionnait les voies et délais de recours ouverts à son encontre, a été signifié le 21 mars 2013 par voie d'huissier à l'adresse du siège social de la requérante mentionnée au point 9, et la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir, ainsi qu'il lui incombe de le faire, que M.B..., qui a réceptionné l'acte à cette adresse, n'aurait pas eu qualité pour ce faire.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Midreth France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande comme étant irrecevable.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Midreth France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de la société Midreth France tendant à la décharge de l'obligation de payer les cotisations de taxe foncière au titre des années 2010 et 2011 et la majoration de 10 % y afférente sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 27 janvier 2015 est annulé en tant qu'il omet de rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la société Midreth France tendant à la décharge de l'obligation de payer le salaire du conservateur des hypothèques.
Article 3 : Les conclusions de la société Midreth France présentées devant le tribunal tendant à la décharge de l'obligation de payer le salaire du conservateur des hypothèques sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et le surplus de ses conclusions présentées en appel est rejeté.
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N° 15BX01095