Par une décision n° 380277 du 24 février 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de la société Compagnie de Transport Maritime et de M.A..., a annulé l'arrêt n° 12BX02011 du 11 février 2014 en tant qu'il a rejeté les conclusions des requérants tendant à l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité pour faute, d'un préjudice pour perte d'exploitation et il a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2012, un mémoire complémentaire enregistré le 23 août 2012, et des mémoires enregistrés les 29 juin 2016 et 8 juillet 2016, la société Compagnie de Transport Maritime, M. B...A...et M. D...A...venant aux droits de M. C... A..., leur père décédé, représentés par la SCP Potier de la Varde - Buk Lament, avocat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1000716 du 30 avril 2012 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de condamner le département de la Guadeloupe à leur verser une indemnité globale de 11 121 411 euros au titre de leurs préjudices d'exploitation ou, subsidiairement, à leur verser une somme de 7 784 988 euros au titre de la perte de chance d'échapper aux préjudices d'exploitations, augmentée de 215 336 euros correspondant à un mois de préjudice d'exploitation, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande indemnitaire préalable, avec capitalisation ; très subsidiairement, ils demandent que soit ordonnée, avant dire droit, une expertise aux fins de déterminer le préjudice d'exploitation résultant de l'illégalité de l'arrêté du 10 décembre 1999 ;
3°) de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des ports maritimes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Compagnie de Transport Maritime, qui exploite des vedettes de transport de passagers et qui appartenait alors au Groupe d'armement maritimeA..., a conclu le 23 novembre 1989 avec le département de la Guadeloupe une convention lui réservant, ainsi qu'a une autre société du groupe, l'exclusivité de l'utilisation des appontements de Trois-Rivières et Terre-de-Haut entre 7h30 et 9h30. Par un arrêté du 10 décembre 1999 portant règlement particulier de police des ports maritimes départementaux de Trois-Rivières, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, le président du conseil général de la Guadeloupe a fixé de nouveaux créneaux horaires d'utilisation des appontements, ouvrant les dessertes à de nouveaux opérateurs et limitant les créneaux d'accostage de la Compagnie de Transport Maritime. Saisi par cette dernière, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé, par un jugement du 19 juin 2003, l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 1999, laquelle a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 6 juin 2006, au motif du défaut de la consultation préalable du conseil portuaire prévue par l'article R. 623-2 du code des ports maritimes. La Compagnie de Transport Maritime et M. C...A...ont alors recherché devant le juge du plein contentieux l'indemnisation par le département de la Guadeloupe du préjudice qu'ils estiment avoir subi à raison de l'arrêté illégalement édicté. Le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande par un jugement du 30 avril 2012, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 12BX02011 du 11 février 2014. Saisi par la société Compagnie de Transport Maritime et par MM. B...et D...A..., venant aux droits de M. C...A..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par sa décision n° 380277 du 24 février 2016, annulé l'arrêt du 11 février 2014 en tant qu'il a rejeté les conclusions des requérants tendant à l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité pour faute, d'un préjudice pour perte d'exploitation et il a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour.
Sur l'indemnisation d'un préjudice de perte d'exploitation :
2. A l'appui de leurs conclusions tendant à la réparation du préjudice commercial ayant résulté pour la Compagnie de Transport Maritime et M. A...de la mise en oeuvre d'une nouvelle grille d'horaires d'accostage aux pontons de Trois-Rivières, les requérants invoquent l'illégalité entachant l'arrêté du président du conseil général de la Guadeloupe en date du 10 décembre 1999, définitivement constatée par le juge de l'excès de pouvoir.
3. Il résulte toutefois tant des écritures de la Compagnie de Transport Maritime et autres devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et en appel que des termes du rapport d'expertise comptable du 17 octobre 2007 qu'ils produisent à l'appui de leurs conclusions relatives au préjudice considéré, que les pertes d'exploitation dont ils demandent réparation, qu'ils chiffrent à 11 121 411 euros, sont exclusivement celles, consistant en un manque à gagner et des dettes, qui résultent des immobilisations de navires sur saisies judiciaires et des interdictions d'appontement prononcées par le juge judiciaire à compter de l'année 2000. Or, ces immobilisations et interdictions résultent, non pas de l'application de l'arrêté du 10 décembre 1999, mais du comportement des requérants eux-mêmes, ayant consisté à méconnaître sciemment les prescriptions dudit arrêté, dont les dispositions étaient pourtant dépourvues d'ambigüité, et en persistant, en dépit même des condamnations judiciaires sous astreintes prononcées à leur encontre, à faire apponter leurs navires dans leurs anciens créneaux horaires. Ce faisant, et alors par ailleurs que les requérants, qui se sont vus réserver par l'arrêté litigieux deux des cinq créneaux horaires d'exploitation des lignes maritimes, n'indiquent pas dans quelle mesure l'application correcte par eux de cet arrêté aurait pu affecter leurs recettes commerciales, ils n'établissent pas l'existence d'un lien direct de causalité entre le préjudice d'exploitation qu'ils invoquent et l'arrêté du 10 décembre 1999, lequel a été annulé pour un simple vice de forme. Il en va de même, en tout état de cause, s'agissant de la perte de chance d'échapper à la réalisation de ce même préjudice d'exploitation, également invoqué par la Compagnie de Transport Maritime et autres.
4. Enfin, les conclusions subsidiaires de la Compagnie de Transport Maritime et autres tendant à l'indemnisation d'un préjudice d'exploitation résultant, sur une période d'un mois, du non-respect par le département de la Guadeloupe du délai de préavis de résiliation prévu par la convention d'exploitation du 23 novembre 1989, sont fondées sur cause juridique nouvelle en appel et ne peuvent en tout état de cause être accueillies.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire à droit à la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par les requérants, que la Compagnie de Transport Maritime et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande tendant à être indemnisés d'un préjudice d'exploitation.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
6. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de la Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Compagnie de Transport Maritime et autres le versement au département de la Guadeloupe d'une somme globale de 1500 euros au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Compagnie de Transport Maritime et autres est rejetée.
Article 2 : La société Compagnie de Transport Maritime, M. D...A...et M. B...A...verseront au département de la Guadeloupe une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16BX00991