Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2014, des pièces complémentaires enregistrées le 9 décembre 2014 et un mémoire en réplique enregistré le 4 septembre 2015, le syndicat intercommunal de la Baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, représenté par Me Cambot, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2014 ;
2°) de rejeter les demandes indemnitaires présentées par le département des Pyrénées-Atlantiques et la CCI de Bayonne et du Pays Basque ;
3°) subsidiairement, d'accueillir ses appels en garanties dirigés contre la société EMCC et la société Idra Environnement ;
4°) de mettre les dépens, et notamment les frais d'expertise, à la charge solidaire de ces sociétés ;
5°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques, de la CCI de Bayonne et du Pays Basque, de la société EMCC et de la société Idra Environnement la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville,
- et les observations de MeB..., représentant le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure et de MeA..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne et du Pays Basque et le département des Pyrénées-Atlantiques.
Considérant ce qui suit :
1. Le département des Pyrénées-Atlantiques, le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure et la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Bayonne et du Pays Basque ont constitué à la fin de l'année 2011 un groupement de commandes aux fins de procéder à des travaux de désenvasement du port de Saint-Jean-de-Luz. A la suite d'un appel d'offres, la réalisation du lot A relatif au dragage des sédiments du plan d'eau de la zone de plaisance du port a été confiée par acte d'engagement du 30 novembre 2011 à la société EMCC. Le maître d'ouvrage pour cette tranche de travaux était le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, le contrôle et la direction du chantier étant confiés à la société Idra Environnement. Les travaux de dragage, objet du lot A, ont débuté le 17 janvier 2012. Le 13 février 2012, alors que la société EMCC intervenait le long de la cale de hissage de Larraldenia, en bordure du plan d'eau du port de plaisance, le rideau de palplanches protégeant cette cale a été accroché par un engin de cette société et s'est dégrafé sur une longueur de 15 mètres, avec un début de déversement en tête. Après qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé par l'autorité portuaire et qu'un dispositif provisoire a été installé pour maintenir le rideau en place, les opérations de dragage ont repris. Le sinistre s'est toutefois aggravé le 22 février suivant en raison des remous occasionnés par la barge de dragage, qui ont achevé de décoller le rideau de palplanches, provoquant ensuite l'effondrement partiel de la cale de hissage et rendant celle-ci inutilisable. Les travaux de réparation, qui ont eu lieu en juin et juillet 2012, ont été pris en charge intégralement par le département des Pyrénées-Atlantiques, lequel a saisi le tribunal administratif de Pau, après expertise judiciaire, d'une demande tendant à l'indemnisation de son préjudice financier par le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, la société EMCC et la société Idra Environnement. Conjointement, la CCI de Bayonne et du Pays Basque a recherché devant le tribunal la condamnation des mêmes à l'indemniser du préjudice, qu'elle a évalué à 10 236,56 euros, résultant pour elle de l'impossibilité d'utiliser durant plusieurs mois les installations de hissage lui permettant d'assurer son activité de réparation navale. Le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure relève appel du jugement du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser la somme de 332 236,18 euros au département des Pyrénées-Atlantiques et, solidairement avec les sociétés EMCC et Idra Environnement, la somme de 7 937 euros à la CCI de Bayonne et du Pays Basque.
Sur la régularité du jugement :
2. La demande présentée devant le tribunal administratif de Pau par le département des Pyrénées-Atlantiques et par la CCI de Bayonne et du Pays Basque tendait à la condamnation solidaire du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure et des sociétés EMCC et Idra Environnement à réparer leurs préjudices respectifs. Les conclusions présentées en défense le 5 août 2014 par le syndicat intercommunal aux fins de rejet des conclusions dirigées contre lui au motif qu'il n'avait commis aucune faute, et de condamnation exclusive en conséquence des sociétés EMCC et Idra Environnement à indemniser les demandeurs, s'analysent non pas en un appel en garantie dirigé contre ces sociétés, comme le prétend le syndicat intercommunal, mais en une demande de mise hors de cause en ce qui le concerne. Par suite, ce syndicat n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur la demande d'appel en garantie qu'il dit avoir formulée. Par ailleurs, le tribunal n'a pas davantage omis, par le jugement attaqué, de statuer sur la charge des frais d'expertise et n'a pas insuffisamment motivé son jugement sur ce point.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
3. Les conclusions d'une requête collective sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant. Contrairement à ce que soutient le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, il existait en l'espèce, entre les demandes indemnitaires présentées dans une même requête devant le tribunal administratif de Pau par le département des Pyrénées-Atlantiques et par la CCI de Bayonne et du Pays Basque, un lien suffisant dès lors que les préjudices invoqués ont eu pour origine un même fait générateur et que la cale de hissage endommagée fait partie des ouvrages concédés par le département à la chambre de commerce et d'industrie en vertu d'une convention signée le 20 décembre 2006. La fin de non-recevoir opposée par le syndicat intercommunal à la demande de première instance doit, par suite, être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le préjudice causé au département des Pyrénées-Atlantiques :
4. Le département des Pyrénées-Atlantiques a recherché la responsabilité du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, concessionnaire du port de plaisance, à raison du dommage causé à la cale de hissage de Larraldenia en conséquence d'un défaut d'entretien des ouvrages de ce port contraire aux obligations contractuelles de ce syndicat.
5. Aux termes de l'article 1er du cahier des charges de la convention du 14 octobre 1970 par laquelle le département des Pyrénées-Atlantiques a concédé au syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure l'établissement et l'exploitation d'installations pour la navigation de plaisance, lesdites installations comprennent " (...) les ouvrages et installations suivants dont le concessionnaire assurera la création, l'entretien et l'exploitation : a - zone portuaire de Larraldenia : plan d'eau / ouvrages de protection et d'accostage / terre-pleins (...) ". Le cahier des charges de la concession précise par ailleurs en son article 5 que " Les ouvrages de la concession seront entretenus en bon état par les soins du concessionnaire de façon à toujours convenir parfaitement à l'usage auquel ils sont destinés (...) " et, selon son article 6, " Tous les frais de premier établissement, de modification et d'entretien seront à la charge du concessionnaire ".
6. Le syndicat intercommunal soutient que le rideau de palplanches est un accessoire de la cale de hissage, laquelle est une installation du port de pêche relevant de la compétence et de la responsabilité du département des Pyrénées-Atlantiques, et en déduit que l'entretien de ce rideau ne lui incombait pas. Toutefois, il résulte de l'instruction que, si la cale de hissage est au nombre des ouvrages inclus dans la concession d'outillage portuaire consentie par le département à la chambre de commerce et d'industrie, le rideau de palplanches, dont le syndicat intercommunal a entrepris spontanément la rénovation dans le passé et qui est implanté en pleines eaux en bordure de l'accès au port de plaisance, est compris dans l'emprise de ce port. Dès lors, et même s'il remplit une fonction de protection de la cale, ce rideau de palplanches constitue un ouvrage de protection au sens et pour l'application de la convention de concession précitée, intégré à la zone du port de plaisance de Larraldenia. Son entretien échoit par suite au syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure auquel il appartient, en vertu de ses obligations contractuelles, de prendre en charge les frais de sa réparation ou de son remplacement pour vétusté lorsque celui-ci s'avère inexorable.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport remis le 15 octobre 2012 par l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Pau, dont les constatations ne sont pas sérieusement remises en cause par les parties, que le rideau de palplanches, posé en 1965, d'une part, était largement sous-dimensionné, la longueur très insuffisante des palplanches ne leur assurant pas une stabilité suffisante, d'autre part, se trouvait dans un état de vétusté avancé, caractérisé par un début de dégrafage des palplanches avant même les travaux de dragage, qui a permis la réalisation du dommage. Selon le rapport, les vices inhérents à la conception et à l'état d'entretien du rideau de palplanches, qualifié d'ouvrage " en fin de vie ", ont ainsi été sans aucun doute le facteur déterminant de son effondrement. C'est par suite à bon droit, nonobstant la circonstance que les sociétés EMCC et Idra Environnement ont également, selon le rapport d'expertise, contribué dans une moindre mesure au dommage considéré, que le tribunal administratif a condamné le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure à réparer ce dommage, dont le montant s'est établi à la somme non contestée de 332 236,18 euros hors taxe. Il n'y a pas lieu d'affecter cette somme d'un coefficient de vétusté dès lors qu'il est constant qu'elle correspond au coût strictement indispensable à la remise en état de l'ouvrage afin qu'il réponde à sa destination, sans qu'il en résulte un quelconque enrichissement pour le département des Pyrénées-Atlantiques.
En ce qui concerne le préjudice causé à la CCI de Bayonne et du Pays Basque :
8. Il résulte de l'instruction que, dans les jours qui ont suivi l'affaissement du rideau de palplanches, le plan incliné de la cale de hissage de Larraldenia, constitué d'une dalle bétonnée, s'est rompu en plusieurs endroits et s'est effondré en raison de l'entraînement des graves et sables d'assise déstabilisés par la décompression due à la disparition des palplanches, et qu'à la suite de cet effondrement, la cale n'a pu être remise en service avant la fin du mois de juillet 2012. La CCI de Bayonne et de la Côte Basque a ainsi subi un préjudice correspondant à la perte d'exploitation liée à la mise hors service de la cale, à l'indemnisation de trois propriétaires de bateaux et à la location d'un dispositif de sécurisation des lieux.
9. En vertu de la convention de délégation de service public d'établissement et d'exploitation de l'outillage public du port de pêche et de commerce de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure conclue entre le département des Pyrénées-Atlantiques et la CCI de Bayonne et du Pays Basque, la cale de hissage constitue, comme il a été dit, une installation du port de pêche entrant dans le champ de cette délégation. Le rideau de palplanches est, comme il a été dit au point 6, compris dans l'emprise du port de plaisance de Larraldenia dont il constitue un ouvrage de protection. Pour autant, et dès lors qu'il assure également la protection de la cale de hissage, il s'analyse, vis-à-vis de la CCI de Bayonne et du Pays Basque, utilisatrice de ladite cale, comme un accessoire de celle-ci. Il en résulte que la CCI doit être regardée comme ayant la qualité d'usager de l'ouvrage public que constitue le rideau de palplanches.
10. Le responsable d'un ouvrage public ne peut être déchargé de la responsabilité qui pèse sur lui à l'égard des usagers qu'en établissant l'aménagement et l'entretien normaux de l'ouvrage. Le syndicat intercommunal, qui ne peut utilement soutenir qu'il n'a commis aucune faute, n'apporte pas la preuve de l'entretien normal du rideau de palplanches, alors au contraire que le mauvais aménagement et le mauvais état de cet ouvrage ressortent, ainsi qu'il a été dit, de l'instruction. Dès lors, il n'est pas fondé à contester sa condamnation par le jugement attaqué à réparer le préjudice subi par la CCI de Bayonne et de la Côte Basque, qui s'est élevé au montant non contesté de 7 937 euros.
En ce qui concerne les appels en garantie formés par le syndicat intercommunal à l'encontre des sociétés EMCC et Idra Environnement :
11. Les conclusions du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure demandant à être garanti des condamnations prononcées à son encontre par les sociétés EMCC et Idra Environnement étant nouvelles en appel, elles ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser une indemnité de 332 236,18 euros au département des Pyrénées-Atlantiques ainsi que, solidairement avec les sociétés EMCC et Idra Environnement, une somme de 7 937 euros à la CCI de Bayonne et de la Côte Basque.
Sur l'appel incident relatif aux intérêts :
13. Le département des Pyrénées-Atlantiques et la CCI de Bayonne et de la Côte Basque ont droit au paiement des intérêts au taux légal correspondant aux indemnités respectives de 332 236,18 euros et de 7 937 euros à compter du 5 février 2013, date d'enregistrement de leurs demandes devant le tribunal administratif de Pau. Le département et la CCI ont demandé la capitalisation des intérêts le 28 avril 2015. A cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande au 28 avril 2015, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais d'expertise :
14. Les frais de l'expertise ordonnée par le juge administratif des référés ont été taxés et liquidés par ordonnance du président du tribunal administratif de Pau à la somme de 10 846,82 euros. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a mis ces frais à la charge du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, solidairement avec la société Idra Environnement et la société EMCC.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques et de la CCI de Bayonne et du Pays Basque, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que sollicite le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées en application des mêmes dispositions par la société EMCC mais de mettre en revanche à la charge du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure des sommes de 1 000 euros à verser respectivement au département des Pyrénées-Atlantiques et à la CCI de Bayonne et du Pays Basque.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure est rejetée.
Article 2 : Les sommes que le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure a été condamné à payer au département des Pyrénées-Atlantiques et à la CCI de Bayonne et du pays Basque par le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2014 porteront intérêts au taux légal à compter du 5 février 2013. Ces intérêts seront capitalisés au 28 avril 2015 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Les frais d'expertise sont maintenus à la charge du syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, de la société Idra Environnement et de la société EMCC.
Article 4 : Le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure versera les sommes de 1 000 euros respectivement au département des Pyrénées-Atlantiques et à la CCI de Bayonne et du Pays Basque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société EMCC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14BX03405