Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2017, M. et Mme B...C..., représentés par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2017 ;
2°) de faire droit à leur demande de décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a omis d'adresser une proposition de rectification à l'associé de la société Sopitenia ; la procédure contradictoire a donc été viciée ;
- les propositions de rectification ne sont pas correctement motivées, l'administration se fondant avec mauvaise foi sur une simple proposition de retrait d'agrément, qui n'a pas eu lieu ; ces propositions de rectification ont donc été faites sans réel motif et à seule fin d'interrompre le délai de prescription à titre conservatoire ; il en résulte une insuffisance de motivation de ces propositions de rectification ;
- le droit de reprise applicable en l'espèce n'est pas celui de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales mais celui applicable en matière de retrait d'agrément, soit six ans à compter de la date de construction des navires, en 2000, en vertu de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 ; ainsi, en 2011, l'administration ne pouvait prononcer le retrait d'agrément ;
- par conséquent, la remise en cause des quote-parts de déficits de la société Armag Invest sur les revenus globaux de l'année 2007 n'était pas possible ;
- le retrait d'agrément effectué par le bureau des agréments le 22 décembre 2011 était illégal, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nantes ; l'administration a donc dû procéder à une substitution de motif ; or, le nouveau motif est erroné puisque l'agrément fiscal n'autorise pas l'imputation sur le revenu global des seuls déficits résultant de l'acquisition des bateaux mais également ceux provenant de leur exploitation, ainsi que cela résulte de l'article 3 de l'agrément ; en l'occurrence, la somme de 185 202 euros, qui provient des déficits de la société Armag Invest, a pu être imputée à bon droit sur les revenus de l'année 2007 ;
- l'administration a prononcé un dégrèvement en ce qui concerne les années 2008 et 2009 et, dès lors que la problématique est la même pour 2007, rien ne justifie le maintien des rappels pour ladite année.
Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics (direction de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- dès lors que M. C...était à la fois gérant et associé unique de la société Sopitenia, l'administration n'était pas tenue de lui adresser à titre personnel une proposition de rectification distincte de celle dont l'EURL a été destinataire ;
- la proposition de rectification était suffisamment motivée ; l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été respecté ;
- les dégrèvements intervenus au titre des années 2008 et 2009 ne constituent pas une prise de position formelle dont le requérant pourrait se prévaloir pour l'année 2007, dans la mesure où les rehaussements en cause n'ont pas les mêmes fondements ;
- le déficit industriel et commercial de la société Sopitenia généré par sa propre activité de gestion patrimoniale et qui ne résulte pas de la prise en compte, pour la détermination de son résultat imposable, de la quote-part lui revenant dans le déficit de la SNC, demeure soumis aux règles de droit commun organisant l'imputation des déficits industriels et commerciaux non professionnels ; un tel déficit, à le supposer justifié dans toutes ses composantes, ne peut être imputé que sur les bénéfices de même nature déclarés au titre de la même année ou des six années suivantes ; dans la mesure où le déficit 2007 n'est pas lié à la constatation d'un déficit par la SNC au titre de la même période, le bien-fondé du rehaussement est parfaitement indépendant du sort réservé à l'agrément ; dès lors que le rehaussement opéré au titre de l'année 2007 ne résulte pas de la remise en cause d'un avantage attaché à un agrément fiscal, il n'y a pas lieu de mettre en oeuvre les règles de prescription applicables en un tel cas ; conformément aux dispositions de l'article 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts pouvait donc s'exercer jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; il en résulte que la rectification 2007 pouvait être régulièrement notifiée jusqu'au 31 décembre 2010 ; la proposition de rectification a été notifiée le 23 décembre 2010, soit dans les limites du délai de reprise.
- le déficit imputé par les requérants au titre de l'année 2007 provient des opérations réalisées par l'EURL elle-même, notamment de la décision de gestion conduisant à l'abandon de créance, la société Armag Invest n'ayant dégagé aucun déficit au titre de cette même période ; par suite, c'est à bon droit que le vérificateur, constatant, à titre principal, l'origine de ce déficit et, à titre secondaire, l'absence de justification de l'abandon de créance, a remis en cause l'imputation, sur le revenu global des requérants, du déficit de la société Sopitenia.
Par une ordonnance du 4 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...était le gérant et associé unique de l'EURL Sopitenia, dissoute en 2016, société de gestion de patrimoine qui détenait notamment une participation de 8,81 % dans le capital de la société en nom collectif (SNC) Armag Invest, dont l'activité consistait en l'acquisition et l'exploitation de bateaux. A l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société Sopitenia portant sur les années 2007 à 2009, l'administration a notamment remis en cause l'imputation, sur le revenu global de l'associé, d'une part, du déficit industriel et commercial déclaré par cette société Sopitenia au titre des mêmes années provenant de l'acquisition par la SNC Armag Invest de cinq navires de pêches et de leur exploitation en Guyane, d'autre part, d'un abandon de créance consenti à cette société. Il en est résulté pour M. et Mme C...des rappels d'impôt sur le revenu au titre des trois années concernées, qui ont été contestés par le contribuable. Dans le cadre de l'instance ouverte par ce dernier devant le tribunal administratif de Pau, l'administration a prononcé le dégrèvement total des impositions supplémentaires réclamées au titre des années 2008 et 2009. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du tribunal administratif en date du 6 avril 2017, dont ils doivent être regardés comme sollicitant l'annulation en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge du rehaussement d'impôt sur le revenu maintenu au titre de l'année 2007.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondants à leurs droits dans la société. D'après l'article 60 de ce code, les sociétés de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels. En vertu de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci. Les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles, d'une part, les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une proposition de rectification motivée et, d'autre part, le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur le redressement notifié, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
3. Il résulte de ces dispositions que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des résultats sociaux régulièrement déclarés par cette société, au regard de la comptabilité qu'elle doit tenir en vertu de l'article 60 du code général des impôts. La proposition de rectification adressée à la société à l'issue de cette vérification implique directement certains effets pour l'imposition personnelle des associés, tels que l'interruption du délai de prescription à leur égard ou l'inversion de la charge de prouver le mal fondé des redressements auxquels la société aurait acquiescé. Seule la société peut soumettre à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le désaccord persistant sur les redressements qui lui ont été notifiés. L'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés. Toutefois, dans le cas d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le gérant était l'unique associé, l'administration n'a pas à réitérer à son égard la notification précédemment adressée à la société. Ainsi, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que la procédure contradictoire aurait été en l'espèce méconnue, dans la mesure où il est constant que M. C...a été destinataire, en sa qualité de " Monsieur le gérant de la [société] unipersonnelle Sopitenia ", de la proposition de rectification établie le 21 décembre 2010 dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société.
4. En second lieu, si M. et Mme C...contestent la sincérité des motifs de redressement énoncés dans la proposition de rectification, il ne saurait en soi en résulter une insuffisance de motivation au regard des prescriptions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. En l'espèce, la proposition de rectification du 21 décembre 2010 comportait l'énoncé de toutes les mentions requises par ces articles aux fins de permettre au contribuable de formuler ses observations sur la nature et les motifs des rectifications envisagées.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 186 du même livre : " Dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant six ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt. ". Et selon l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que le rehaussement d'impôt sur le revenu litigieux est fondé sur le refus par l'administration d'admettre la déductibilité d'un abandon de créances d'un montant de 185 202 euros consenti par la société Sopitenia à la société Armag Invest et non, comme le suggèrent les requérants, sur la remise en cause d'un déficit d'exploitation déclaré par cette dernière et dont une quote-part aurait été imputée par l'associé de l'EURL sur son revenu global en vertu d'un agrément délivré à la SNC le 30 avril 2001 sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts. Si la proposition de rectification du 21 décembre 2010 indiquait que cet agrément faisait l'objet d'une proposition de retrait en date du 16 décembre 2010, cette précision présentait ainsi, eu égard à la rectification envisagée, un caractère informatif, voire superfétatoire, mais ne saurait en aucun cas être regardée comme constituant le motif du rehaussement prononcé au titre de l'année 2007. Par suite, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que le droit de reprise de l'administration ne pouvait, en vertu des dispositions de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales combinées avec celles de l'article 1756 du code général des impôts, s'exercer que dans le délai de six ans à compter du 31 décembre de l'année d'acquisition des navires objet de l'avantage fiscal prévu par l'article 238 bis HA du code général des impôts, compte tenu du retrait de l'agrément survenu le 22 décembre 2011, au demeurant annulé ensuite par un jugement définitif du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2014. Aussi, en application des dispositions précitées des articles L. 169 et L. 189 du livre des procédures fiscales, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le délai de reprise applicable à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2007, prorogé par la notification de la proposition de rectification du 21 décembre 2010, n'était pas expiré à la date de mise en recouvrement du rappel litigieux, le 30 janvier 2012.
7. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) ". Aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...) Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 1° bis des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. Il en est ainsi, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention (...) ". Et en vertu de l'article 39-1 du code général des impôts, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors qu'il n'est pas justifié que cette entreprise a bénéficié en retour de contreparties.
8. Comme il a déjà été dit, et contrairement à ce que soutient le requérant, le rappel d'impôt litigieux ne procède pas de la remise en cause de l'imputation sur son revenu global de l'année 2007, en application de l'agrément fiscal délivré en 2001, d'un déficit provenant de la SNC Armag Invest, celle-ci n'ayant en tout état de cause déclaré aucun déficit d'exploitation pour ladite année, mais de l'imputation d'un déficit correspondant à un abandon de créances d'un montant de 185 202 euros inscrit au compte courant de la société Armag Invest ouvert auprès de la société Sopitenia, sans qu'il soit établi que ledit abandon de créance pouvait être déduit des bénéfices de cette société. Alors que le service a ainsi constaté qu'il n'a pas été justifié du caractère irrécouvrable des créances considérées, correspondant à trois chèques de banque, ni même que ceux-ci constituaient des dépenses engagées dans l'intérêt de la société et conformes à une gestion commerciale normale, les requérants n'apportent à cet égard devant la cour aucun élément nouveau.
9. Enfin, à la différence du motif susmentionné du rappel d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 2007, il résulte de l'instruction que les rappels assignés aux contribuables pour les années 2008 et 2009 procédaient en revanche de la remise en cause de l'imputation sur leur revenu global desdites années d'une quote-part des déficits d'exploitation de la société Armag Invest. Dans ces conditions, les dégrèvements de ces rappels accordés par l'administration à M. et Mme C...en cours d'instance devant le tribunal administratif ne sauraient constituer une prise de position formelle de l'administration sur les faits ayant motivé le rehaussement restant en litige, dont les requérants pourraient utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. et Mme C... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01735