Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2016, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 28 octobre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Pau.
Il soutient que :
- il a été donné connaissance à M. B...A...de l'intégralité des informations prévues par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ainsi que le démontre l'ensemble des pièces versées au dossier ;
- les autres moyens invoqués en première instance par l'intéressé ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2017 à 12h00.
M. B...A...s'est vu maintenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 30 décembre 2016.
Par le mémoire en défense, enregistré le 1er février 2017, soit après la clôture de l'instruction, M. B...A...conclut au rejet de la requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 19911 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement n° 604/2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sylvie Cherrier, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., de nationalité soudanaise, né le 3 février 1996, est entré irrégulièrement en France le 1er juin 2016 selon ses déclarations. Il a déposé, le 6 juillet 2016, une demande d'asile. Il est ressorti du système Eurodac que ses empreintes digitales avaient été relevées en Allemagne et qu'il avait déjà déposé une demande d'asile dans ce pays. Le préfet a adressé aux autorités allemandes, le 15 juillet 2016, une demande de reprise en charge de l'intéressé, laquelle a été acceptée implicitement le 31 juillet suivant. Par un arrêté du 8 septembre 2016, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de remettre M. B...A...aux autorités allemandes. Par un jugement du 28 octobre 2016, le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Le préfet soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge auquel il n'avait pu transmettre les justificatifs requis, il a respecté l'obligation d'information à laquelle il était tenu à l'égard de M. B...A...en sa qualité de demandeur d'asile, en application de la réglementation communautaire en vigueur.
3. L'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux autorités compétentes des Etats membres d'informer le demandeur d'asile sur l'application du règlement, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il la comprend, en utilisant la brochure commune rédigée par la Commission européenne.
5. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, que M. B...A..., qui a bénéficié d'un entretien individuel le 6 juillet 2016, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture de la Gironde, a signé le compte rendu de cet entretien accompagné de son résumé en certifiant qu'il lui a été remis le jour même. Il est précisé sur ce document que l'intéressé a été assisté d'un interprète en langue arabe, " langue déclarée comprise par l'intéressé ". Il a, en outre, attesté avoir reçu à la même date le guide du demandeur d'asile, ainsi que les brochures d'information " Les empreintes digitales et Eurodac ", " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " et figurant en annexe au règlement (UE) du 30 janvier 2014, rédigées en langue arabe, qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir que M. B...A...n'a pas été privé des garanties d'information prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le motif sur lequel s'est fondé le président du tribunal administratif de Pau pour prononcer l'annulation de l'arrêté attaqué ne peut qu'être infirmé.
6. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...A...à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté du 8 septembre 2016.
7. L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que tout étranger présent en France et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement du 26 juin 2013. Aux termes de l'article L. 742-1 : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L.741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Aux termes de l'article L. 742-3 : " Sous réserve du second alinéa de l'article L.742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".
8. En premier lieu, Mme Marie Aubert, secrétaire générale de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, signataire de la décision contestée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet en date du 4 avril 2016, régulièrement publiée à la même date au recueil spécial n° 18 des actes administratifs de la préfecture et disponible en particulier sous sa forme électronique, à l'effet notamment de signer au nom du préfet tous arrêtés, décisions, déférés, contrats, circulaires, rapports, documents et correspondances, relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées-Atlantiques, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
9. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application. Il indique la date d'entrée en France de M. B...A...et la raison pour laquelle, après avoir consulté le relevé des empreintes décadactylaires, le préfet a considéré que l'Allemagne était responsable du traitement de sa demande d'asile. Il précise que les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge. Cet arrêté indique également que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les dispositions des articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Il mentionne que le requérant n'établit pas qu'il subirait une atteinte grave à son droit d'asile en cas de remise aux autorités allemandes et, enfin, que cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté.
10. En troisième lieu, à supposer que le requérant ait entendu soulever le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation de M. B... A..., avant d'édicter la décision en litige.
11. En quatrième lieu, aucune disposition du règlement précité n'impose aux autorités d'un Etat membre d'informer le demandeur d'asile, présent sur son territoire, de la demande de prise en charge qu'elles ont adressée à l'Etat membre qu'elles estiment responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. B...A...ne peut dès lors utilement faire valoir que le défaut de communication du courrier du 15 juillet 2016 par lequel les autorités allemandes ont été saisies serait de nature à faire regarder l'arrêté litigieux comme entaché d'un vice de procédure.
12. En cinquième lieu, la faculté offerte à chaque Etat membre par le 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, transposé par les articles L. 742-1 et L. 742-3 du code précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, ne constitue pas un droit. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a considéré que la situation de M. B...A...ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 eu égard à " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation " de l'intéressé. D'autre part, celui-ci ne se prévaut d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une dérogation. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit et entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du même règlement.
13. En sixième lieu, la mise en oeuvre du droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, implique la possibilité, par les autorités françaises, d'assurer le traitement d'une demande d'asile même lorsque le droit international ou communautaire lui permet de confier cet examen à un autre Etat. Il appartient en particulier à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette possibilité, prévue par le règlement susmentionné, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, en particulier ceux d'être admis au séjour pendant le temps nécessaire à un examen individuel de la demande, de pouvoir présenter un recours suspensif, et, une fois reconnue la qualité de réfugié, d'être effectivement protégé, notamment, comme le prévoit l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, sans pouvoir être éloigné vers un pays dans lequel la vie ou la liberté de la personne est menacée.
14. Il est constant que l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B...A...ne fait état d'aucun élément précis et circonstancié de nature à établir que les conditions dans lesquelles son dossier sera traité par les autorités allemandes ne répondraient pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit international.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 8 septembre 2016.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B...A...au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1602002 du 28 octobre 2016 du président du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...A...au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIERLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03725