Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 27 460 euros ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme totale de 27 460 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de son licenciement illégal ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à défaut, à verser à Me A...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'État pour l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- en ce qui concerne le principe de la responsabilité de l'administration, la cour devra confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu une faute de l'administration, dès lors que par jugement du 8 novembre 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de licenciement prise à son encontre pour défaut de motivation ;
- en ce qui concerne le lien de causalité, la cour devra infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a refusé de reconnaître tout lien de causalité entre la faute retenue et les préjudices allégués ; en effet, le jugement attaqué ne pouvait rejeter sa demande indemnitaire, comme il l'a fait, en considérant que le licenciement était justifié au fond au vu d'une attestation datée du 16 février 2012, alors que le précédent jugement du 8 novembre 2012 a relevé que cette même attestation, de pure complaisance et postérieure à la décision litigieuse de plus d'un an, ne pouvait servir de motivation par référence ; qu'en se fondant ainsi sur les éléments factuels énoncés dans l'attestation du 16 février 2012, alors que le jugement du 8 novembre 2012 a refusé d'y voir une motivation formelle de la décision litigieuse, le jugement attaqué du 12 mai 2016 a violé le principe du " non bis in idem " ; que les éléments énoncés dans l'attestation du 16 février 2012 sont entachés d'erreur matérielle ; que, d'ailleurs, si ces faits été avérés, l'administration aurait dû engager une procédure disciplinaire ; qu'en outre, les faits qui lui ont été reprochés étaient discriminatoires et vexatoires ;
- en ce qui concerne l'évaluation de ses préjudices, l'annulation de la décision de licenciement litigieuse imposait, pour l'administration, de procéder à la reconstitution de sa carrière ; le préjudice résultant d'une absence de rémunération pendant sa période d'éviction du service du 27 novembre 2010 au 31 août 2011 s'élève à la somme de 12 460 euros ; la décision de licenciement litigieuse lui a aussi causé un important préjudice matériel et des troubles dans ses conditions d'existence, qu'il convient d'évaluer à la somme forfaitaire de 5000 euros ; enfin, cette même décision lui a causé un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2017, la ministre de l'Éducation nationale, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- une illégalité externe entachant une mesure d'éviction du service prise à l'égard d'un agent public n'entraine réparation des préjudices liés à cette éviction que pour autant que la mesure n'était pas justifiée au fond ; tel n'était pas le cas en l'espèce, dès lors que la décision de licenciement était justifiée au vu des insuffisances professionnelles dont a fait preuve M. B... ; ces insuffisances ont été attestées dans un document du 16 février 2012 signé de trois conseillers principaux d'éducation et leur réalité n'est remise en cause par aucun élément versé aux débats par le requérant ; à cet égard, le requérant, en soutenant que le jugement attaqué ne pouvait se fonder sur les faits énoncés dans l'attestation du 16 février 2012, confond la question de la motivation d'un acte administratif, laquelle a été jugée dans un précédent jugement du 8 novembre 2012, et la question de son bien-fondé ;
- la décision de licenciement étant justifiée au fond, les conclusions indemnitaires devront être rejetées ;
- en tout état de cause, la réalité des préjudices allégués n'est pas justifiée.
Par ordonnance du 5 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 2 août 2018 à 12h00.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2016 du Tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 37 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Katz,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été recruté en qualité d'assistant d'éducation au lycée Raymond Loewy de La Souterraine par contrat à durée déterminée à compter du 3 novembre 2010. Par une décision du 24 novembre 2010, le proviseur du lycée a prononcé son licenciement. Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1100186 du 8 novembre 2012 en raison d'un défaut de motivation. M. B...a demandé au tribunal de condamner l'État à lui verser, d'une part, une somme totale de 27 460 euros en réparation des préjudices qu'il a estimé avoir subis du fait de son licenciement illégal et, d'autre part, une somme de 274,49 euros au titre d'heures de travail non rémunérées. Par jugement n° 1301607 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes. Par sa requête, M. B... relève appel de ce jugement seulement en tant qu'il a rejeté ses demandes de condamnation à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son licenciement.
2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la mesure d'éviction, la même mesure, ou une mesure emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration.
3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation en date du 16 février 2012 signée de trois conseillers principaux d'éducation de l'établissement dans lequel était employé M. B..., que ce dernier est arrivé plusieurs fois en retard sur son lieu de travail au cours du mois de novembre 2011, laissant les lycéens sans surveillance, ou encore n'a pas respecté les consignes lors d'une opération de sécurité routière. Cette même attestation fait aussi état d'un " manque flagrant d'investissement " de l'intéressé au cours de sa période d'essai et d'un comportement qui n'a pas changé malgré différents rappels à l'ordre. Même si elle a été établie postérieurement à la décision de licenciement litigieuse, cette attestation circonstanciée énonce des faits dont la réalité n'est remise en cause par aucun élément versé aux débats par M. B.... En outre, comme l'a fait le tribunal administratif, il appartient à la cour de prendre en compte les faits relatés dans cette attestation pour apprécier les motifs ayant fondé la décision de licenciement, sans que ne s'y oppose la circonstance que, dans le cadre de l'instance n° 1100186, le tribunal administratif de Limoges ait jugé que la production de cette attestation dans le cadre du débat contentieux qui se déroulait devant lui ne permettait pas à l'administration de satisfaire son obligation de motivation de la mesure de licenciement et sans que ne s'y oppose, non plus, le principe " non bis in idem " invoqué par M.B.... Contrairement à ce qui est soutenu, la mesure litigieuse n'est donc entachée d'aucune erreur dans la matérialité des faits, et les éléments reprochés par l'administration justifiaient la décision de licenciement.
4. Compte tenu de l'importance respective de l'illégalité ayant entaché la décision de licenciement, qui a seulement consisté en une absence de communication à M. B...des motifs de cette décision au moment où elle lui a été notifiée, et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, qui ont été indiquées au point 3, il n'existe aucun lien de causalité entre la faute de l'administration et les préjudices allégués résultant de l'éviction de l'agent.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'État à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son licenciement.
6. Les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que M. B...et Me A...demandent respectivement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... B..., à Me A...et au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée au lycée Raymond Loewy.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 11 octobre 2018.
Le rapporteur,
David KATZLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02255