Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2017, MmeA..., représentée par la S.E.L.A.F.A. Cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 8 mars 2017 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 28 octobre 2015, d'un montant de 33 356,65 euros, ainsi que la lettre de relance du 25 novembre 2015 émise par le comptable public de Maubourguet pour un montant de 2 208,40 euros ;
3°) d'enjoindre à l'EHPAD " Panorama de Bigorre " de " prononcer la décharge " de la créance en litige ;
4°) de mettre à la charge de l'EHPAD " Panorama de Bigorre " la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance de l'EHPAD était prescrite à la date à laquelle celui-ci lui en a demandé le remboursement ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- les titres exécutoires en litige sont mal fondés dès lors qu'elle était en droit de percevoir un demi-traitement pendant toute la durée de sa mise en disponibilité ;
- à supposer même que les versements aient été indus, la décision ayant créé cet avantage financier ne pouvait être retirée au-delà d'un délai de quatre mois ;
- l'erreur et la négligence de l'administration constituent une faute de nature à engager sa responsabilité ; elle a subi un préjudice qui peut être évalué aux sommes ayant donné lieu aux titres exécutoires en litige.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2018, représenté par MeB..., l'EHPAD " Panorama de Bigorre " conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de Mme A...de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. A titre subsidiaire, il demande que le jugement soit réformé partiellement et que le quantum de la créance soit ramené à la somme de 15 575,83 euros.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la prescription n'a pas été soulevé devant le tribunal administratif ;
- la demande de répétition de l'indu adressée à Mme A...le 2 juillet 2015 a interrompu la prescription, laquelle n'était alors acquise que pour les sommes versées préalablement au mois de juillet 2013 ;
- le paiement d'un demi-traitement à Mme A...découle d'une simple erreur et la jurisprudence Ternon ne trouve pas à s'appliquer ;
- le moyen tiré du défaut de motivation est irrecevable ; il est en tout état de cause infondé ;
- il était tenu de placer l'intéressée en disponibilité à compter du 15 janvier 2011, date à partir de laquelle elle ne pouvait plus percevoir de demi-traitement ;
- les conclusions de plein contentieux présentées par la requérante pour la première fois en appel sont irrecevable.
Par ordonnance du 15 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 décembre 2018 à 12:00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 88-33 du 9 janvier 1986, notamment son article 41 ;
- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988, notamment son article 29 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Fonctionnaire hospitalier, MmeA..., a bénéficié de congés de maladie ordinaire du 15 janvier 2010 au 14 janvier 2011. Ses droits à congés maladie ordinaire étant épuisés, elle a été placée en disponibilité d'office à compter du 15 janvier 2011, position dans laquelle elle est restée jusqu'à son licenciement pour inaptitude, prononcé à compter du 28 mars 2015, par la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Panorama de Bigorre ". Le 28 octobre 2015, la directrice a émis un titre exécutoire à son encontre, en vue du recouvrement de la somme de 33 356,65 euros correspondant à des rémunérations perçues de 2011 à 2014. Par un courrier du 14 décembre 2015, Mme A...a contesté sa mesure de licenciement, ainsi que le titre exécutoire émis à son encontre. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 8 mars 2017, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire émis le 28 octobre 2015. Elle demande également en appel l'annulation du " titre exécutoire " en date du 25 novembre 2015 portant sur une somme de 2 208,40 euros correspondant à des rémunérations perçues en 2015, ainsi que la mise à la charge de l'EHPAD " Panorama de Bigorre " d'une somme égale au montant de la créance détenue par celui-ci, au titre du préjudice subi.
Sur les conclusions en annulation :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A...n'a invoqué devant les premiers juges, avant l'expiration du délai de recours contentieux, qui courrait en l'espèce au plus tard à compter de la saisine du tribunal administratif de Pau, le 22 janvier 2016, aucun moyen de légalité externe. Ainsi, elle n'est pas recevable, en appel, à soutenir que l'acte qu'elle attaque serait entaché d'un défaut de motivation, ce moyen reposant sur une cause juridique différente de celle qui fondait ses moyens de première instance.
3. En deuxième lieu, l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, dispose que : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du délai de retrait de quatre mois, comme étant inopérant.
5. Il résulte de l'instruction qu'entre le 15 janvier 2011 et le 27 mars 2015, Mme A... a été placée en disponibilité d'office et qu'elle a perçu durant cette période la moitié du traitement de base et des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles attachées à l'exercice de la fonction. Le délai de deux ans, à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement de ces traitements et indemnités, a ainsi commencé à courir, pour chaque versement mensuel, à compter du 1er du mois suivant. Il est par ailleurs constant que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2015, distribuée le 7 juillet suivant, l'EHPAD " Panorama de Bigorre " a informé l'intéressée de son intention de répéter les sommes indûment versées, cette lettre ayant interrompu la prescription à la date de sa notification. Or, à cette date, la prescription était acquise en ce qui concerne les traitements et indemnités correspondant au mois de janvier 2011 à juin 2013 inclus et ayant fait l'objet du titre exécutoire contesté, soit la somme totale de 19 989, 22 euros. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la créance était atteinte par la prescription biennale prévue à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 doit, dans cette mesure, être accueilli.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction résultant du décret du 5 octobre 2011 relatif à l'extension du bénéfice du maintien du demi-traitement à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée des agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur sa situation. Il ressort des pièces du dossier que par une décision n° 976, l'EHPAD " Panorama de Bigorre " a décidé la mise en disponibilité d'office de Mme A...à compter du 15 janvier 2011. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, le demi-traitement et les indemnités accessoires ne lui étaient dus que jusqu'à la date de cette décision qui est intervenue, en tout état de cause, au cours de l'année 2011. Par suite, s'agissant des sommes qui lui ont été versées à ce titre entre les mois de juillet 2013 et mars 2015, l'EHPAD " Panorama de Bigorre " est fondé à en solliciter la répétition.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à demander l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 28 octobre 2015 par l'EHPAD " Panorama de Bigorre " en tant qu'il porte sur le reversement de la somme de 19 989,22 euros et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a, dans cette mesure, rejeté sa demande. En revanche, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions de la requête dirigées contre le " titre exécutoire " en date du 25 novembre 2015, qui porte sur le reversement de traitements et indemnités versés entre le 1er janvier 2015 et le 27 mars 2015, ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Les conclusions de Mme A...tendant à la condamnation de l'EHPAD " Panorama de Bigorre " à l'indemniser du préjudice ayant résulté du retard mis par cet établissement à exercer son droit à répétition, fixé au montant des titres exécutoires la concernant, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise au titre de ces dispositions à la charge de MmeA..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de mettre à la charge de l'EHPAD " Panorama de Bigorre " une somme de 1 500 euros, au titre de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le titre du 28 octobre 2015 de l'EHPAD " Panorama de Bigorre " est annulé en tant qu'il rend Mme A...redevable d'une somme de 19 989,22 euros au titre d'un trop-perçu de rémunération et d'indemnités accessoires. Mme A...est déchargée de l'obligation de payer cette somme.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 8 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'EHPAD " Panorama de Bigorre " versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'EHPAD " Panorama de Bigorre " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à l'EHPAD " Panorama de Bigorre ".
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIERLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01425