Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2017, la SNC Chamoux-Lagorce, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1500363 du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'autorisation de transfert contestée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 97 140 euros avec intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorisation de transfert litigieuse méconnaît la chose jugée par le tribunal administratif de Toulouse qui a annulé, par un jugement du 3 avril 2014, une précédente autorisation de transfert identique du 25 mai 2011 ;
- cette autorisation a été prise en méconnaissance des conditions posées par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : ni le fait que le local d'origine soit devenu mal adapté, ni celui que le nouveau local permette un meilleur accès à l'officine et des conditions d'accueil optimisées ne sont de nature à justifier légalement le transfert autorisé ; ce transfert compromet l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine de l'officine (IRIS 4805), ainsi que l'a relevé le rapport du pharmacien inspecteur de santé publique ; il n'apporte pas d'amélioration de la distribution de médicaments mais, au contraire, en aboutissant à installer une officine à proximité d'une officine existante, détériore la situation, en créant une perturbation et un déséquilibre dans une situation déjà désordonnée.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2018, la SARL Pharmacie des Facs, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige ne méconnaît pas la chose jugée puisque, contrairement au précédent jugé, l'autorité administrative s'est prononcée sur la conformité de la demande d'autorisation de transfert au regard des critères définis par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ;
- le transfert autorisé satisfait aux conditions définies par cet article : ce transfert s'effectue au sein d'un même quartier comprenant les IRIS 4801, 4802, 4803, 4804, 4805 et 4901 dans lequel sont implantées quatre pharmacies et permet une meilleure desserte de la population de ce quartier en la rapprochant de zones résidentielles ; contrairement à ce qu'indique le rapport du pharmacien inspecteur de santé publique, entaché de nombreuses erreurs, la desserte en médicaments de la population du quartier d'origine n'est pas compromise.
Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2018, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le transfert litigieux s'effectue au sein du même quartier et ne compromet pas l'approvisionnement de la population résidente de ce quartier ; il améliore la desserte de cette population en termes de proximité et d'accessibilité ;
- l'arrêté de transfert ne méconnaît pas la chose jugée ;
- la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée en l'absence de faute ;
- en tout état de cause, la SNC Chamoux-Lagorce ne démontre pas l'existence d'un préjudice.
Par ordonnance du 18 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de M. B...C...de la SARL Pharmacie des Facs.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Pharmacie des Facs, qui exploitait une officine de pharmacie dans un local situé au n° 54 du chemin de la Salade Ponsan, à Toulouse, a demandé l'autorisation de transférer son officine dans un local situé au n° 84 de la route de Narbonne, dans la même commune. Cette autorisation lui a été délivrée par une décision de la directrice générale de l'Agence régionale de santé Midi-Pyrénées du 7 juillet 2014. La SNC Chamoux-Lagorce a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision et de condamner l'Etat à lui verser des dommages et intérêts. Elle fait appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions d'excès de pouvoir :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine ".
4. Pour apprécier, conformément aux dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans quelle mesure un projet de transfert satisfait de façon optimale les besoins en médicaments de la population du quartier d'accueil, l'autorité administrative doit prendre en compte l'ensemble des éléments de fait pertinents et connus à la date de sa décision. Il lui appartient d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. Lorsque la nouvelle implantation autorisée par l'autorité administrative se situe dans le même quartier que la précédente implantation, le transfert ne peut être autorisé que si la nouvelle implantation répond de façon optimale aux besoins en médicaments de la population du quartier d'accueil. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée.dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'emplacement autorisé par l'arrêté litigieux, qui est à environ 500 mètres de l'ancien emplacement, se situe dans le même quartier d'accueil que ce dernier, correspondant aux IRIS 4801, 4802, 4803, 4804 et 4805. L'ancien emplacement se situait entre une vaste zone sportive et récréative à l'ouest (Pech David), une zone universitaire à l'est (IUT, faculté de médecine...) et l'hôpital de Rangueil au sud, relativement à l'écart des parties les plus résidentielles du quartier. Même s'il implique un léger éloignement de l'officine par rapport aux parties habitées qui étaient immédiatement proches de l'ancien emplacement, situées essentiellement au nord de ce dernier, l'emplacement autorisé ne compromet pas la desserte de cette partie du quartier et se situe davantage dans les parties les plus résidentielles de celui-ci, sur un axe central d'accès aisé le structurant, permettant ainsi une desserte optimale en médicaments de la population résidente du quartier, sans que sa situation par rapport à l'officine exploitée par la société requérante au n° 46 de la route de Narbonne, soit à environ 400 mètres sur le même axe routier, soit de nature à remettre en cause ce constat.
6. L'annulation de l'arrêté du 25 mai 2011, qui avait autorisé le transfert de l'officine exploitée par la SARL Pharmacie des Facs au même emplacement, par le jugement du tribunal administratif du 3 avril 2014, confirmé par un arrêt de la cour du 3 février 2015, n'était pas fondée sur le motif tiré de ce que ce transfert méconnaissait les dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, mais sur ce que l'ARS avait commis une erreur de droit en ayant autorisé ce transfert sans avoir préalablement vérifié que l'emplacement autorisé répondait de façon optimale aux besoins en médicaments de la population du quartier. L'arrêté litigieux, qui procède à l'analyse dont le défaut avait justifié l'annulation ainsi prononcée, n'est, dès lors, contrairement à ce que soutient la SNC Chamoux-Lagorce, pas entaché d'une violation de la chose jugée le 3 avril 2014 par le tribunal administratif.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. La SNC Chamoux-Lagorce demande réparation de la " perte de revenus " qu'elle évalue à 97 140 euros et qu'elle impute aux deux arrêtés de transfert du 25 mai 2011 et du 7 juillet 2014.
8. En premier lieu, l'arrêté du 7 juillet 2014 n'étant pas entaché d'illégalité, comme il a été dit ci-dessus, la SNC Chamoux-Lagorce ne saurait réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il lui aurait causé.
9. En second lieu, si l'illégalité dont était entaché l'arrêté du 25 mai 2011 constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, la SNC Chamoux-Lagorce, qui se borne à se référer à une attestation de son expert-comptable faisant état d'une baisse de chiffre d'affaires en 2012, ne fournit pas d'élément de nature à établir qu'elle aurait subi, du fait de cette illégalité, un manque à gagner lui ouvrant droit à réparation.
10. Il résulte de ce qui précède que la SNC Chamoux-Lagorce n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. La SARL Pharmacie des Facs et l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la SNC Chamoux-Lagorce tendant à sa condamnation sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SNC Chamoux-Lagorce le versement de la somme de 2 000 euros à la SARL Pharmacie des Facs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Chamoux-Lagorce est rejetée.
Article 2 : La SNC Chamoux-Lagorce versera la somme de 2 000 euros à la SARL Pharmacie des Facs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Chamoux-Lagorce, à la SARL Pharmacie des Facs et à la ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
5
N° 17BX01609