Procédure devant la cour :
1°/ Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2016, sous le n° 16BX03589, et trois mémoires en réplique enregistrés respectivement les 27 mars 2018, 4 mai 2018 et 11 mai 2018, l'association Axe, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 septembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre respectivement des années 2009 et 2010 et de la période correspondant à l'année 2010, ainsi que des intérêts de retard et majorations en lien avec ces rappels.
Elle soutient que :
- la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était irrégulièrement composée dès lors qu'un de ses membres avait participé aux opérations de contrôle, au cours desquelles il était intervenu en qualité d'interlocuteur départemental ; cette irrégularité a pour effet de vicier l'ensemble de la procédure d'imposition ;
- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, sa gestion présente bien un caractère désintéressé.
Par quatre mémoires en défense enregistrés respectivement les 23 mai 2017, 11 avril 2018, 9 mai 2018 et 15 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 11 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mai 2018 à 12h00.
2°/ Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2016, sous le n° 16BX03629, et un mémoire en réplique enregistré le 27 mars 2018, l'association Axe, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 septembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises, auxquels elle a été assujettie au titre respectivement de l'année 2009 et de l'année 2010.
Elle soutient que :
- la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était irrégulièrement composée dès lors qu'un de ses membres avait participé aux opérations de contrôle, au cours desquelles il était intervenu en qualité d'interlocuteur départemental ; cette irrégularité a pour effet de vicier l'ensemble de la procédure d'imposition ;
- dès lors qu'elle n'était pas tenue aux obligations prévues aux articles 242 sexies de l'annexe II au code général des impôts et 223 de ce code, elle a été irrégulièrement taxée d'office en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ;
- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, sa gestion présente bien un caractère désintéressé.
Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 23 mai 2017 et 11 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 14 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2018 à 12h00.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Axe, créée en 1987, gère, dans le département de la Creuse, un lieu de vie et d'accueil tel que prévu par le III de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. A ce titre, elle prend en charge, au travers d'un accompagnement continu, des jeunes en difficultés sociales afin d'assurer leur insertion sociale et exerce à cette fin une mission d'éducation, de protection et de surveillance. A la suite d'une vérification de comptabilité réalisée au début de l'année 2012, l'administration fiscale a estimé que, compte tenu de son mode de gestion, l'association devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés en application du 1 de l'article 206 du code général des impôts, et que les recettes qu'elle percevait ne pouvaient pas bénéficier de l'exonération prévue au 1° du 7 de l'article 261 de ce code. Ayant par ailleurs considéré qu'elle exerçait à titre habituel une activité professionnelle non salariée, l'administration fiscale en a déduit qu'elle devait acquitter la taxe professionnelle pour l'année 2009 et la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2010. Par la présente requête, l'Association Axe relève appel du jugement n° 1401056, 1401678 du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes à fin de décharge, d'une part, des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre respectivement des années 2009 et 2010 et de la période correspondant à l'année 2010, ainsi que des intérêts et pénalités en lien avec ces rappels, et, d'autre part, des rappels de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été réclamés au titre respectivement de l'année 2009 et de l'année 2010.
2. Bien que dirigées contre des impositions distinctes, les requêtes n°s 16BX03589 et 16BX03629 présentent à juger des questions de droit communes. Il convient dès lors de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.
Sur la régularité de la procédure :
3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".
4. Il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires du département de la Creuse aurait siégé dans une composition irrégulière lorsqu'elle a émis, le 7 juin 2013, un avis sur les questions de fait qui déterminent le caractère lucratif ou non de l'activité de l'association requérante, est inopérant au soutien de sa demande en décharge des impositions supplémentaires en litige.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) ". Aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7-1°, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 261 de ce code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 7. (Organismes d'utilité générale) :/ 1° a. Les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée ". Enfin, l'article 1447 dudit code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, dispose que : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) ", le même article, dans sa rédaction issue de cette loi, énonçant que : " I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales ou par les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) ".
6. Pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle, devenue cotisation foncière des entreprises, et de la taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique.
7. Il résulte de l'instruction que M. E... C...a été, depuis la création de l'association Axe et jusqu'au 1er janvier 2012, son président fondateur et son principal animateur. Au cours des années en litige, son épouse, Mme D...C..., et son fils, M. B... C..., étaient tous deux salariés de l'association, et percevaient une rémunération brute annuelle de 19 588 euros chacun. Par ailleurs, M. E... C..., qui exerce l'activité d'artiste, a facturé des honoraires à l'association, pour un montant de 8 200 euros en 2009 et de 2 000 euros en 2010, en rémunération des cours de dessin, poterie et taille de pierre dispensés au jeunes de l'association, son épouse, qui exerce une activité agricole, ayant par ailleurs facturé à l'association des produits issus de son exploitation pour un montant de 2 500 euros en 2009 et 5 100 euros en 2010. Les locaux dans lesquels s'exercent les activités de l'association lui sont loués par deux SCI dont M. et Mme C...ou leurs enfants sont les seuls associés, pour un montant annuel global de 15 600 euros, les époux C...mettant par ailleurs à la disposition de l'association un terrain situé à Montauroux, dans le Var, en contrepartie du versement d'un loyer annuel de 7 800 euros. Enfin, le vérificateur a constaté l'existence de prélèvements en espèces sur le compte bancaire de l'association, sans aucun justificatif, pour un montant total de 26 000 euros en 2009 et 16 000 euros en 2010.
8. Si l'association Axe fait valoir que les rémunérations versées mensuellement à Mme D... C...et M. B... C...sont modestes, " compte tenu des importantes charges de responsabilité " en contrepartie desquelles elles sont versées, elle ne donne toutefois aucune précision sur les fonctions qui seraient ainsi assumées par les deux intéressés, étant précisé que, parallèlement à son action auprès de l'association, Mme C...exerce une activité agricole et exploite une ferme auberge. L'association requérante ne donne pas davantage de précisions sur la rémunération horaire versée à M. C...en contrepartie des cours dispensés aux jeunes de l'association et il ne résulte pas des pièces du dossier que celui-ci lui aurait versé, au cours de la période en litige, une redevance en contrepartie de l'utilisation de ses installations et locaux. De la même façon, la circonstance, invoquée par l'association, que les " activités agricoles " entreraient " dans le cadre de la réinsertion des jeunes ", n'est pas de nature à établir que Mme C... n'aurait pas tiré profit de la vente, à l'association, des produits de son exploitation agricole. S'agissant des biens immobiliers loués à l'association par des SCI détenues par les époux C...ou leurs enfants, il n'est pas établi, ni même allégué, que les loyers consentis seraient inférieurs aux prix du marché, la requérante ne donnant par ailleurs aucune précision quant à l'utilisation, pour les besoins de ses activités, du terrain qu'elle loue dans le Var, pour un loyer annuel de 7 800 euros. Enfin, en l'absence de toute précision ou justification apportées sur les prélèvements en espèce opérés sur le compte bancaire de l'association, sans aucun justificatif, pour un montant de 26 000 euros en 2009 et 16 000 euros en 2010, lesdites sommes doivent être regardées comme des prélèvements opérés sans contrepartie par M. C.... Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'association Axe avait consenti, au profit de personnes autres que celles en faveur desquelles son activité est exercée, des rémunérations et divers avantages financiers, directement ou par l'intermédiaire de SCI, dans des conditions qui ne permettaient pas de regarder sa gestion comme présentant un caractère désintéressé au sens des dispositions précitées du code général des impôts. Par suite, l'association Axe, qui s'est ainsi livrée, au cours des années 2009 et 2010, à des opérations à caractère lucratif, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas passible de la taxe sur la valeur ajoutée, de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises.
9. Comme l'a indiqué le tribunal administratif, l'instruction du 18 décembre 2006, publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts sous les références 4H-5-06, ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application, et l'association Axe ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir.
10. Enfin, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 8, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que l'association Axe devait acquitter l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2009 et 2010. L'association n'ayant déposé ses déclarations en vue de l'établissement de ces impositions, ni dans le délai légal prévu aux articles 242 sexies de l'annexe II au code général des impôts, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et 223 de ce code, en matière d'impôt sur les sociétés, ni, pour ce qui concerne cet impôt, dans le délai laissé par l'administration qui a mis en oeuvre la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a pu à bon droit, concernant cet impôt et cette taxe, recourir à la procédure de taxation d'office.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Axe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge, d'une part des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre respectivement des années 2009 et 2010 et de la période correspondant à l'année 2010, ainsi que des intérêts et pénalités en lien avec ces rappels, et, d'autre part, des rappels de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été réclamés au titre respectivement de l'année 2009 et de l'année 2010.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Axe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Axe et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIER
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° s 16BX03589, 16BX03629