Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2015, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bertrand Riou a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité arménienne, née le 9 septembre 1984, est entrée en France avec son compagnon le 23 juillet 2011 selon ses déclarations. Sa demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 27 novembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 10 décembre 2013. Sa nouvelle demande d'asile, examinée dans le cadre de la procédure prioritaire, a été refusée par une décision du 26 février 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Le 14 mai 2014, Mme C...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Après avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé Aquitaine, le préfet de la Gironde a pris à l'encontre de la requérante, le 9 décembre 2014, un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. MmeC... relève appel du jugement du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général.(...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en a fait la demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
3. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à MmeC..., le préfet de la Gironde s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 14 octobre 2014 qui indique que l'état de santé de MmeC..., qui souffre d'un état dépressif, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié en Arménie et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Mme C...soutient que les troubles psychologiques dont elle est atteinte ne peuvent faire l'objet d'un traitement approprié en Arménie, compte tenu du lien entre sa pathologie et les persécutions subies dans son pays. Toutefois, les trois certificats médicaux produits, dont l'un établi le 18 septembre 2014 par son médecin généraliste, le docteur Taveaux, affirme que " son état de santé est incompatible avec un retour dans son pays d'origine " sans plus de précision, l'autre, rédigé le 19 septembre 2014, par le docteur Finckh, psychiatre, signale qu'il " est difficile de démêler ce qui est occasionné par les difficultés dans son pays et ce qui se rajoute depuis son séjour en France avec deux accouchements rapprochés " et le dernier, daté du 26 mars 2015, émanant du docteur Lagabrielle, praticien hospitalier, postérieur à la décision en litige, conclut à la nécessité de la " poursuite d'un accompagnement psychiatrique et psychothérapeutique régulier " sans aucune indication sur la possibilité d'un suivi spécialisé dans le pays d'origine, ne font pas ressortir que, contrairement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, les soins adaptés à l'état de santé de la requérante ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine, ni que les événements subis dans ce pays ne permettraient pas à la date de l'arrêté litigieux d'y envisager un traitement approprié. Ainsi, ni ces documents, ni les autres pièces produites par l'intéressée, qui n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des événements traumatisants qu'elle aurait vécus, ne sont suffisants pour démontrer qu'elle ne pourrait pas faire soigner sa pathologie et disposer du suivi médical nécessaire en Arménie. Par suite, Mme C...ne justifiant pas de circonstances humanitaires exceptionnelles, le préfet de la Gironde n'a, en refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, ni méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et spécialement de la rédaction de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Gironde se soit cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande dont il était saisi, par le simple rappel du sens de l'avis technique du médecin de l'agence régionale de santé dont rien ne lui interdisait d'adopter les termes. Le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence ne peut donc être accueilli.
5. La saisine du directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétent est subordonnée, en application de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, au fait que le demandeur fasse valoir des circonstances humanitaires exceptionnelles auprès de l'administration. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C...aurait, au moment du dépôt de sa demande de titre de séjour ou au cours de l'instruction de celle-ci, présenté de tels éléments auprès du préfet de la Gironde. Aucune des pièces médicales produites n'est de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé Aquitaine, aux termes duquel le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée ne devrait pas générer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure en ne saisissant pas le directeur général de l'agence régionale de santé Aquitaine de la demande de la requérante.
6. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...). ". Pour l'application des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que MmeC..., est entrée sur le territoire français en juillet 2011, à l'âge de vingt-sept ans. Elle ne justifie pas d'une entrée régulière en France et n'a été admise à y séjourner que le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile, dont la demande de réexamen a, comme il a été dit, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 26 février 2014. Elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française et n'établit pas y avoir tissé des liens personnels et familiaux en dehors de ses enfants et de son compagnon, de même nationalité, qui fait l'objet d'une mesure identique et concomitante. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales ou personnelles en Arménie où réside à tout le moins sa mère. Dans ces conditions, et dès lors qu'aucune circonstance particulière avérée ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Arménie où elle ne démontre pas ne pas avoir la possibilité de bénéficier du traitement approprié nécessité par son état de santé, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Le refus de séjour litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de Mme C...de leurs parents. Ainsi qu'il a été dit, le dossier ne fait pas ressortir l'impossibilité pour la cellule familiale de se reconstituer dans le pays d'origine des parents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de la Gironde des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés respectivement aux points 3, 7 et 9, il y a lieu d'écarter les moyens tirés par la requérante de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée dont serait entachée la décision contestée ainsi que de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. La décision contestée vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que Mme C...n'établit pas être exposée à des peines ou des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée ainsi que l'a considéré à bon droit le tribunal administratif.
13. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de Mme C...avant d'édicter la décision fixant le pays de renvoi.
14. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. MmeC..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant de tenir pour établis la réalité et le caractère personnel et actuel à la date de l'arrêté attaqué des risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine en raison des faits allégués ou de son état de santé. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Il résulte de tout de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
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N°15BX02966