Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2015, M. C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 août 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre la somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la perception de cette somme par son conseil valant renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté du préfet viole les articles 4 et 24 de la loi du 12 avril 2000 et méconnaît l'article 41-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 21 de la convention de Schengen du 19 juin 1990 ;
- dès lors qu'il est titulaire d'une carte de résident longue durée - CE délivrée par les autorités italiennes, le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur le défaut de production du visa exigé par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision viole également les dispositions de l'article L. 511-4 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 2.3. de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur l'atteinte à sa vie privée et familiale ;
- la décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants.
Par courrier du 30 juin 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Héry.
1. Considérant que M. C..., ressortissant algérien, a fait l'objet le 22 août 2014 d'un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ou d'un pays dans lequel il justifierait être réadmissible ; qu'il relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants:/ (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...)/ L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (...) " ; que l'article L. 531-1 du même code dispose : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourner en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) " ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article L. 531-2 du même code, les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables à l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée - CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ; qu'aux termes de l'article R. 531-10 dudit code : " Les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 531-2 sont applicables à l'étranger titulaire du statut de résident longue durée - CE accordé par un autre Etat membre de l'Union européenne qui aura soit séjourné sur le territoire français plus de trois mois consécutifs sans se conformer aux dispositions de l'article L. 313-4-1, soit fait l'objet d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour temporaire en application de l'article L. 313-4-1 ou du retrait d'une carte de séjour temporaire délivrée en application de l'article L. 313-4-1 (...) " ; que les dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à un étranger titulaire d'une carte de résident de longue durée - CE accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne justifiant de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie, de se voir délivrer une carte de séjour temporaire sans justifier de la possession d'un visa de long séjour, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois suivant son entrée en France ;
3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de cet article : " Ce droit comporte notamment:/ - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; que si ces dispositions ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée ; que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., titulaire d'une carte de résident longue durée - CE délivrée le 13 avril 2013 par les autorités italiennes, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, s'agissant d'une décision portant, indépendamment de toute décision de refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, il n'apparaît pas que M. C...aurait été mis à même par les services préfectoraux de présenter des observations écrites ou de faire valoir des observations orales avant que ne soit décidée la mesure en litige ;
5. Considérant, toutefois, que selon le droit de l'Union, dont l'un des objectifs est l'éloignement de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier, lorsqu'une mesure d'éloignement a été décidée dans le cadre d'une procédure administrative en méconnaissance du droit d'être entendu, le juge chargé de l'appréciation de la légalité de cette décision ne saurait annuler ladite mesure que s'il considère, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit de chaque espèce, que cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;
6. Considérant que M. C...se prévaut de ce qu'il vit et travaille habituellement en France où demeurent... ; que M. C...pouvait, dans la mesure où il est en possession d'une carte de résident de longue durée - CE, demander à être remis aux autorités italiennes en application des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments dont plusieurs, relatifs notamment à sa vie familiale et à sa vie professionnelle, n'ont pas été portés à la connaissance du préfet, lequel ignorait également si l'intéressé souhaitait être remis aux autorités italiennes, M. C..., qui n'a pas été informé de ce que le préfet des Alpes-Maritimes envisageait de prendre à son encontre cette décision, doit être regardé comme ayant été privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ; qu'ainsi, l'arrêté du 22 août 2014 est entaché d'illégalité et doit, dès lors, être annulé ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...). " ;
9. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes munisse M. C...d'une autorisation provisoire de séjour et procède à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la perception de cette somme valant renonciation de Me A...à percevoir l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1404677 du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 août 2014 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. C...et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à MeA..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
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N° 15MA01628