Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son auteur ; ne sont en effet justifiées ni l'existence, ni la publication, ni la validité d'une délégation de signature ; il n'est pas davantage établi que les décisions prises en matière de séjour et d'éloignement des étrangers entraient dans le champ de cette délégation ; l'empêchement du préfet n'est pas non plus démontré ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; la décision est rédigée de manière stéréotypée, ne fait pas apparaître la balance entre les attaches en France et celles conservées au Brésil ; le refus du préfet de faire usage de son pouvoir de régularisation n'est pas davantage motivé ;
- l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour révèle l'absence d'examen particulier de sa situation ;
- le refus de séjour est entaché d'un vice de procédure tenant au défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; elle justifie en effet résider en France depuis le 24 février 2006, soit plus de dix ans à la date de l'arrêté ; le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé sur ce point ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour " salarié " aurait dû être précédé d'une instruction par les services de la DIRECCTE aux fins de délivrance d'une autorisation de travail ; le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de production d'un contrat visé sans que cette instruction n'ait été préalablement menée ;
- le refus de titre de séjour " vie privée et familiale " a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, elle justifie d'une ancienneté de résidence sur le territoire français, où elle est entrée pour la première fois en 1994, a vécu de 1997 à 2006 puis depuis 2006 ; elle a entretenu une relation de seize années avec un ressortissant français, qu'elle a épousé en 2006 ; ses quatre enfants qui vivent au Brésil sont âgés de 26 à 33 ans, et elle ne les a pas tous élevés ; elle a fui le Brésil en raison des violences conjugales subies de la part du père de sa dernière fille ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée ; elle a en effet produit deux promesses d'embauche comme agent de nettoyage, et justifie de dix années de résidence en France ;
- elle remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié prévues par la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
- elle aurait dû bénéficier d'une carte de résident en qualité de conjoint de Français ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale et contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé et s'en rapporte à ses écritures produites devant le tribunal.
Par une décision du 30 décembre 2016, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme A...C....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...C..., ressortissante brésilienne née le 2 novembre 1961, est entrée pour la dernière fois en France le 24 février 2006 selon ses dires. Elle a épousé le 18 mars 2006 M.E..., de nationalité française, et s'est vue délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français, titre dont le renouvellement ne lui a plus été accordé à la suite du divorce prononcé le 4 juillet 2012. Elle a sollicité le 24 octobre 2014 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 29 février 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A...C...relève appel du jugement n° 1601683 du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté en date du 5 février 2016, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du même jour, abrogé son précédent arrêté de délégation de signature du 1er janvier 2016 et donné délégation à M. Stéphane Daguin, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté litigieux, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflit. En outre, cette délégation n'est pas subordonnée à l'absence ou l'empêchement du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
Sur la légalité du refus de séjour :
3. En premier lieu, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la décision de refus de séjour, qui n'avait pas à comporter une description exhaustive de la situation personnelle et familiale de Mme A...C..., comporte l'ensemble des éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, la rédaction de l'arrêté révèle que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de Mme A...C....
5. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.
6. Si Mme A...C...affirme qu'elle réside en France depuis le 24 février 2006, date de sa dernière entrée sur le territoire français, elle ne l'établit pas. En effet, la requérante se borne à produire le visa d'entrée en France qui lui a été délivré pour la période du 21 février 2006 au 21 avril suivant, sans produire aucune pièce établissant sa date exacte d'entrée sur le territoire. Ni l'attestation d'accueil établie le 3 janvier 2006 par M. E...en vue d'accueillir Mme A...C..." à partir du 22 février 2006 ", ni la convocation du service d'état civil de la mairie de Castelnaudary du 20 février 2006 invitant M. E...et Mme A...C...à " confirmer leur projet de mariage " et à " déposer un dossier " ne permettent d'établir la date à laquelle la requérante est entrée en France. La requérante ne peut davantage sérieusement se prévaloir d'un bail de location conclu le 20 janvier 2006, sur lequel figure effectivement sa signature, alors qu'elle affirme elle-même qu'elle résidait au Brésil à cette date. Ainsi, faute de démontrer sa présence en France avant le 18 mars 2006, date à laquelle elle a épousé M. E..., Mme A...C...n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle résidait en France depuis plus de dix ans à la date du 29 février 2016 d'édiction du refus de séjour attaqué. Le tribunal, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, a donc écarté à bon droit le moyen tiré du vice de procédure soulevé par l'intéressée.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
8. D'une part, si Mme A...C...fait valoir l'ancienneté de sa résidence en France et la relation de seize années qu'elle a entretenue avec un ressortissant français, qu'elle a épousé le 18 mars 2006, il résulte cependant de l'instruction que le couple, qui n'a pas eu d'enfant, a divorcé en 2012. La requérante n'établit pas par ailleurs avoir noué des liens particuliers sur le territoire national, et dispose d'attaches familiales fortes au Brésil où résident ses quatre enfants. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle ne faisait pas état de motifs exceptionnels justifiant la régularisation de sa situation en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale ".
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'insertion professionnelle dont se prévaut Mme A...C...se borne à l'occupation d'emplois à temps partiel dans le secteur de l'entretien et à deux promesses d'embauche à temps partiel en qualité d'agent d'entretien. Malgré l'ancienneté de sa présence sur le territoire français, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée.
10. En cinquième lieu, Mme A...C...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, qui ne présente pas de caractère réglementaire.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".
12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire renseigné par l'intéressée, que Mme A...C...a sollicité uniquement son admission exceptionnelle au séjour. Le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande au motif que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans se prononcer sur d'autre fondement que celui de la demande, ce qu'il n'était au demeurant pas tenu de faire. Si l'un des employeurs de Mme A...C...a rempli le formulaire d'autorisation de travail prévu à l'article R. 5221-11 du code du travail, l'intéressée n'a cependant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais uniquement sur celui de l'article L. 313-14 du même code. Or, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 dudit code n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à l'article L. 5221-2 du code du travail. De plus, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas opposé à la requérante l'absence de production d'un contrat de travail visé, et ne s'est pas prononcé sur son droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article R. 5221-17 du code du travail ne peuvent qu'être écartés.
13. En septième lieu, Mme A...C...n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le préfet ne s'étant pas prononcé sur son droit au séjour sur le fondement de ces dispositions, le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant.
14. En huitième lieu, compte tenu de la situation familiale et personnelle de Mme A...C...telle que décrite au point 8, le refus de séjour litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Enfin, en neuvième lieu, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si Mme A...C...soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'une carte de résident de dix ans, en qualité de conjoint de ressortissant français, elle n'établit pas ni même n'allègue avoir sollicité la délivrance d'un tel titre.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
16. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme A...C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
17. Eu égard à la situation personnelle et familiale de Mme A...C...telle que susdécrite, en édictant une mesure d'éloignement à l'encontre de l'intéressée, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 avril 2017.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard DE MALAFOSSELe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX04032