Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer, un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 1988 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité tunisienne, est entré en France le 2 septembre 2008 muni d'un visa de long séjour " étudiant " et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an régulièrement renouvelée jusqu'au 30 septembre 2015 en vue de poursuivre ses études. Le 24 septembre 2015, il a sollicité un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour en qualité de " salarié ". Par un arrêté du 23 décembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a opposé un refus à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient M.B..., le tribunal administratif a visé dans le jugement attaqué son mémoire complémentaire du 1er avril 2016. Par ailleurs, les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur les moyens, qui n'étaient pas opérants en l'absence d'avis formel de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, tirés, d'une part, de ce que le refus de séjour serait entaché d'illégalité en raison du caractère partiel de cet avis, d'autre part, de ce que le préfet n'a pas fait pleinement usage de son pouvoir de régularisation dès lors qu'il ne s'est fondé que sur des éléments incomplets.
3. L'intéressé conteste avoir soulevé devant les premiers juges le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Toutefois, et en tout état de cause, eu égard à la teneur des écritures de M.B..., le tribunal administratif a pu à bon droit considérer qu'il avait exposé ce moyen.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d' un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ". En vertu du point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'accord du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / (...) 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ". Il résulte des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien qui prévoient que le titre de séjour " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 23.3 du protocole du 28 avril 2008 n'ayant pour effet que d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail.
5. Il ressort, d'une part, des termes du courrier de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) adressé le 12 novembre 2015 à la préfecture de la Haute-Garonne que ce service, s'il a formulé quelques observations relatives à l'instruction du dossier de M.B..., n'a pas souhaité émettre d'avis sur la demande de changement de statut présentée par celui-ci. Aussi, et alors même que l'arrêté litigieux évoque un avis défavorable de la DIRECCTE, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait estimé lié par le courrier du 12 novembre 2015.
6. M. B...ne peut, d'autre part, à l'appui de sa contestation de la légalité de l'arrêté du 23 décembre 2015, invoquer utilement le caractère incomplet de " l'avis " émis par la DIRECCTE en ce qu'il ne se serait pas prononcé sur la situation de l'emploi en application du 1° de l'article L. 5221-20 précité du code du travail, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les fonctions de cadre technique et technico-commercial qu'il exerçait auprès de la société Derichebourg figurent dans la liste de métiers énumérés à l'Annexe I du protocole du 28 avril 2008.
7. Si, enfin, l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En l'espèce, M.B..., qui rappelle qu'il a suivi le cursus de l'Institut polytechnique des sciences avancées de Paris (IPSA), fait valoir qu'il a été embauché le 18 novembre 2013 par la société Derichebourg sous contrat à durée déterminée en qualité de cadre aéronautique spécialisé dans la gestion et le suivi de la navigabilité des avions, et que sa qualification, son expérience et ses diplômes sont en parfaite adéquation avec les caractéristiques de son emploi, ainsi qu'en atteste d'ailleurs son employeur, lequel loue ses compétences et ses relations de travail privilégiées avec un client libyen. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant travaille à temps complet depuis son embauche, ce que son titre de séjour " étudiant " ne l'autorisait pas à faire, et qu'il s'est non seulement abstenu de toute démarche en vue de sa régularisation en 2013, mais a présenté aux services de la préfecture, au titre de l'année 2014/2015 une fausse attestation d'inscription en qualité d'étudiant auprès de l'IPSA. Dans ces conditions, et sans que M. B...puisse utilement se prévaloir des erreurs commises par les services préfectoraux dans le traitement de son dossier, le préfet de la Haute-Garonne a pu, au motif de ces constatations, refuser de régulariser la situation administrative de l'intéressé sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. B...soutient que le centre de ses intérêts se trouve en France, où il réside depuis l'année 2008, où il a suivi des études supérieures durant cinq ans et où il bénéficie désormais d'un contrat à durée indéterminée en qualité de cadre spécialisé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant a séjourné sur le territoire français de septembre 2008 à septembre 2015 sous couvert de cartes de séjour mention " étudiant ", lesquelles ne lui donnaient pas vocation à s'installer durablement sur le sol national. Il n'est pas fondé à se prévaloir de son insertion professionnelle dès lors que, ainsi qu'il a été dit, les titres de séjour qui lui ont été délivrés en sa qualité d'étudiant ne l'autorisaient pas à occuper un emploi à temps plein. L'intéressé est par ailleurs célibataire, sans enfant et ne démontre pas avoir noué en France des liens d'une intensité particulière. Il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Tunisie, où vivent à tout le moins ses parents et deux membres de sa fratrie et où il a lui-même séjourné jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M.B.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 2
10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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N° 16BX02422