Par un jugement du 15 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2015, et des mémoires, enregistrés les 21 mai 2015 et 25 septembre 2015, M. H... D...et M. E...D..., représentés par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune d'Anor à leur verser la somme de 11 692,85 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils n'ont pas reçu communication du mémoire en défense de la commune enregistré le 22 novembre 2014 en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- leur préjudice ne résulte pas du tarissement de leur source mais de l'absence de raccordement de leur habitation au réseau :
- ce raccordement constitue une obligation pour la commune à partir du moment où un réseau a été aménagé ;
- la responsabilité de la commune est engagée sur le terrain de la rupture d'égalité devant les charges publiques, leur préjudice présentant en l'espèce un caractère anormal et spécial.
Par des mémoires, enregistrés les 30 mars 2015 et 16 septembre 2015, la régie Noréade, représentée par la SELARL Landot et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des consorts D...d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-la demande est mal dirigée en ce qui la concerne ;
- elle n'avait pas compétence pour établir le tracé du réseau ;
-les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2015, MM. D...concluent aux mêmes fins que leur requête et demandent, en outre, à la cour :
1°) de ne pas admettre l'intervention de la régie Noréade ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la régie Noréade à leur verser la somme de 11 692,85 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de la régie Noréade la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en outre, que :
- leur requête ne tendant pas, à titre principal, à la condamnation de la régie Noréade, celle-ci ne justifie pas d'un intérêt à intervenir dans l'instance d'appel ;
- sa responsabilité est engagée à titre subsidiaire.
Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2015, la commune d'Anor, représentée par la SCP Savoye et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de MM. D...de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande est mal dirigée, la compétence en matière de tracé ayant été confiée au syndicat intercommunal SIDEN ;
- elle oppose la prescription quadriennale à la demande indemnitaire dont le fait générateur remonte à la date d'installation du réseau d'eau public en 1968.
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par mémoire, enregistré le 26 septembre 2016, M. E...D...a informé la cour du décès de son frère M. H...D..., et de la reprise de l'instance en ce qu'elle le concernait par sa veuve Mme L...C...et ses filles Cécile et Alexandra.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 octobre 2016.
Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de la tardiveté des conclusions d'appel de MM. D...dirigés contre la société Noréade.
Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2016, M. D...et autres ont pris acte du moyen d'ordre public qui avait été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...I... représentant MMD..., J...K...représentant la commune d'Anor, et de Me M...F..., représentant la régie Noréade.
Sur les conclusions dirigées contre la commune d'Anor :
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant que si le mémoire en réplique de la commune d'Anor, enregistré au greffe du tribunal administratif, le 22 novembre 2014, qui comportait pour la première fois la production de la décision par laquelle le maire opposait la déchéance quadriennale et une contestation du montant total de l'indemnité réclamée, n'a pas été communiqué aux demandeurs, cette absence de communication n'a pas, en l'espèce, porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure dès lors que le tribunal administratif de Lille ne s'est pas fondé sur des faits, pièces, conclusions ou moyens dont les demandeurs n'auraient pas eu connaissance pour rejeter la demande indemnitaire sur le terrain d'un défaut de lien de causalité entre le préjudice et le fait générateur invoqué ;
Sur la demande indemnitaire :
2. Considérant que, pour écarter la demande indemnitaire présentée par MM. D...sur le fondement de la responsabilité sans faute, le tribunal administratif de Lille a estimé que la cause adéquate de leur préjudice consistant dans une indemnité représentative des frais occasionnés par le raccordement de leur maison au réseau d'eau potable communal, ne se trouvait pas dans le choix du tracé de la canalisation d'eau par la commune mais dans le tarissement de la source ayant alimenté en eau pendant de nombreuses années la propriété des intéressés ; que, toutefois, la demande de raccordement à un réseau d'eau potable ne dépend pas du point de savoir si le terrain sur lequel la maison à raccorder dispose ou non d'une source en eau autonome ; que, par suite, MM. D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur cette circonstance pour rejeter leur demande ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande présentée par MM. D... ;
4. Considérant qu'un requérant est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il estime avoir subi du fait d'une décision légale prise par une collectivité publique en se fondant sur la rupture d'égalité des contribuables devant les charges publiques lorsque ce dommage revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MM. D...ont fait construire dans les années 1950 une maison située ruelle Vitou à Anor dans un quartier alors non desservi par le réseau d'eau potable ; qu'en l'absence de ce réseau, MM. D...qui n'occupaient qu'occasionnellement leur maison, s'approvisionnaient en eau potable par jerrycans ou puisaient l'eau dans un puits situé dans leur propriété ; qu'en 1968, une adduction en eau potable a été posée le long de la rue du Revin par la commune et à ses frais, sans que soit assurée la desserte de la maison de MM. D...située à une centaine de mètres de cette voie et à l'écart des autres constructions alimentées en eau courante ; que ce n'est qu'en 2011 que MM. D...ont sollicité le raccordement de leur maison au réseau existant ; qu'ils ont alors dû régler à la régie Noréade le montant de 11 692,85 euros correspondant aux frais d'extension de l'ouvrage public ; que tout en admettant la légalité de la décision par laquelle il leur a été réclamé le montant de ces frais du fait de leur demande de raccordement, ils estiment que le tracé du réseau ayant conduit à une absence de desserte de leur maison révèle, à la date à laquelle ils ont sollicité l'extension, une rupture d'égalité entre les contribuables devant les charges publiques, justifiant l'octroi d'une indemnité correspondant au montant des frais d'extension du réseau qu'ils ont dû supporter ;
6. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'imposent qu'une commune doive assumer à ses frais le raccordement au réseau d'eau public de toutes les constructions situées sur son territoire ; que, compte tenu du caractère isolé de la construction de MM.D..., même en 2011, et de son éloignement suffisamment important des autres constructions raccordées au réseau d'eau potable, notamment celles de la rue du Revin, l'habitation de MM. D...ne se trouve pas placée dans la même situation que les maisons desservies à partir de la fin des années 60 ; que l'extension sollicitée consistait alors un service rendu aux intéressés conformément à leur demande ; que, dans ces conditions, la participation financière qui leur a été réclamée pour la réalisation de l'extension de la canalisation du réseau public d'eau sur environ 100 mètres afin d'assurer la desserte de leur habitation, n'a pas révélé une rupture d'égalité devant les charges publiques ; que, dès lors, les frais de raccordement supportés par MM. D...et acquittés auprès de la régie Noréade, doivent être regardés comme une charge leur incombant normalement ; que, par suite, ils ne sauraient rechercher la responsabilité sans faute de la commune d'Anor ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin pour la cour de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune d'Anor ou d'admettre une intervention de la société Noréade qui a été appelée en observations par la cour, MM. D...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions subsidiaires présentées par MM. D...contre la régie Noréade :
8. Considérant que le tribunal administratif de Lille, à l'article 1er de son jugement du 15 décembre 2014, a d'une part rejeté la requête n° 1204196 par laquelle MM. D...demandaient que la commune d'Anor soit condamnée à lui verser une indemnité de 11 692,85 euros, d'autre part rejeté la requête n° 1300403 par laquelle ils demandaient que la régie Noréade soit condamnée à leur verser la même somme ; que dans leur requête, enregistrée le 2 février 2015, les appelants n'ont contesté ce jugement qu'en tant qu'il avait rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Anor ; que, dans ces conditions, les conclusions tendant, à titre subsidiaire, à ce que la cour condamne la régie Noréade à leur verser une indemnité doivent être regardées comme un appel principal dirigé contre l'autre demande dont le tribunal administratif avait été saisi et qu'il a jointe à la précédente pour y statuer par un même jugement ; que ce jugement a été notifié à MM. D...le 19 décembre 2015 ; que leurs conclusions d'appel dirigées contre la région Noréade n'ont été présentées que le 22 avril 2015, soit au-delà du délai d'appel de deux mois ; qu'elles sont, par suite, tardives et doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par MM.D... ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. E...D...et aux ayants-droit de M. H...D..., qui ont repris l'instance à la suite du décès de leur père, qui ont la qualité de partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Anor ;
10. Considérant que si la société Noréade, appelée en observation par la cour, n'avait pas la qualité de partie dans l'instance introduite par MM. D...à l'encontre de la commune d'Anor, les intéressés ont, en cours d'instance, également présentées, ainsi qu'il a été dit, des conclusions d'appel à l'encontre de la société Noréade sur lesquelles la cour a d'ailleurs dû statuer ; que, dans les circonstances de l'espèce, M. E...D...et les ayants-droit de M. H... D..., qui ont la qualité de partie perdante vis-à-vis de la société Noréade, lui verseront une somme de 750 euros sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de MM. D...est rejetée.
Article 2 : M. E...D...et les ayants-droit de M. H...D...verseront la somme de 1 500 euros à la commune d'Anor sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. E...D...et les ayants-droit de M. H...D...verseront la somme de 750 euros à la régie Noréade sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D..., à Mme L...C..., à Mme B...D...et Mme G...D..., à la commune d'Anor et à la régie Noréade.
Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 novembre 2016.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du logement et de l'habitat durable, chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
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N°15DA00165