Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juin 2019, 14 janvier, 14 février,
15 mars et 3 septembre 2021, les consorts C..., représentés par Me Garcia, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler, le certificat d'urbanisme du 8 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Meillon de leur délivrer un certificat d'urbanisme positif, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur demande dans les plus brefs délais ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Meillon la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de supprimer les passages du mémoire présenté pour la Commune de Meillon du 12
février 2021 commençant par les mots " qui est rédigé " et se terminant par les mots
" juridiquement inepte " en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision et le jugement sont entachés d'une erreur de droit, dès lors que la gravité des conséquences en cas d'inondation n'a pas été prise en compte ;
- la décision et le jugement sont entachés d'une erreur d'appréciation, dès lors que le projet ne porte pas atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique tels que définis à l'article
R. 111-2 du code de l'urbanisme :
. le risque d'inondation sur leur parcelle n'est pas un risque réel et certain : la commune, qui invoque une crue en juin 2013 n'apporte aucun élément quant à l'inondation de leur parcelle ; en tout état de cause, cette crue ne serait que centennale ; les photos, postérieures à la demande ne peuvent être prises en compte ; elles sont trompeuses, n'étant pas toutes prises sur leur terrain ; l'étude de sol montre que l'eau en surface n'est pas liée à un phénomène d'inondation ;
. les règles d'urbanisme issues du plan local d'urbanisme et du plan de prévention des risques d'inondation, n'excluent pas les constructions ;
. une parcelle proche, cadastrée section AB n° 592, a obtenu en 2013 un permis de construire un immeuble de six logements ;
. la comparaison avec la parcelle cadastrée section ZC n° 43 ne peut s'appliquer, sa parcelle étant plus exposée aux risques d'inondation que la leur ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors que la commune s'est fondée sur une modification future du plan local d'urbanisme déclassant la parcelle en zone agricole ;
- la substitution de motif au regard des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme n'est pas fondée :
. il n'y a aucun problème de desserte de réseau : l'assainissement autonome est possible, le réseau d'eau potable est accessible, la parcelle est desservie par une voie d'accès suffisante et concernant l'électricité, il est seulement indiqué qu'une extension est à prévoir ; ils ont obtenu un permis d'aménager un lotissement sur une parcelle contiguë ;
. la lettre du maire, adressée au conseil évoquant la question de la distribution d'électricité sur cette parcelle ne justifie pas une décision identique sur une autre parcelle ; cette lettre est postérieure à la demande de certificat d'urbanisme litigieuse.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 novembre 2020 et 12 février 2021, la commune de Meillon, représentée par la SCP Coudevylle Labat Bernal, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par les consorts C... ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, la décision se justifie sur le fondement de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, car des travaux d'extension du réseau électrique sont nécessaires pour alimenter cette parcelle et que la commune n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public les travaux de desserte de la parcelle seront réalisés ; la réponse apportée est pertinente car elle concerne la parcelle contiguë et que de fait, si l'extension du réseau électrique n'existait pas au jour de cette lettre, elle n'existait pas plus trois mois plus tôt, au jour de la demande de certificat d'urbanisme des consorts C....
Des pièces ont été enregistrées le 6 juillet 2021 au greffe de la cour, en réponse à une demande de pièces adressée à la commune de Meillon, le 2 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Garcia, représentant M. et Mme C..., et D..., représentant la commune de Meillon.
Considérant ce qui suit :
1. Les consorts C... sont propriétaires d'un terrain d'une surface de 9 824 mètres carrés, situé chemin de Peyrousse à Meillon, cadastré ZC n° 45. Le 12 janvier 2017, ils ont déposé une demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel en vue de la création de quatre lots à usage industriel, artisanal ou commercial. Par lettre du 8 mars 2017, le maire de Meillon leur a délivré un certificat d'urbanisme négatif. Les consorts C... relèvent appel du jugement du
15 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de ce certificat d'urbanisme.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : (...) b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. ". Aux termes de l'article R. 111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour apprécier si les risques d'atteinte à la sécurité publique justifient la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif par application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier compte tenu des données scientifiques disponibles, tant la probabilité de réalisation de ces risques que la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de certificat d'urbanisme porte sur un projet de création de quatre lots à usage industriel, artisanal ou commercial sur un terrain classé en zone UY du plan local d'urbanisme de Meillon. Pour prendre la décision en litige au motif d'un risque d'inondation du terrain, le maire de Meillon s'est fondé sur le fait que le terrain aurait été inondé en 2013 ainsi que sur l'avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) rendu le 15 février 2017 selon lequel le terrain classé en zone blanche du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de Meillon devrait être préservé comme zone d'expansion des crues. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du PPRI que le terrain d'assiette du projet est situé dans un secteur qui n'est pas exposé aux risques de la crue de référence et non dans une zone d'aléa recensée par le plan de prévention des risques d'inondation, celui-ci ne comprenant pas de zone blanche. Si la commune fait état d'une inondation de ce terrain lors d'une crue du Lagoin qui serait survenue en 2013, elle n'apporte aucun élément probant sur l'existence et l'importance de cet évènement dont les services de l'Etat précisent dans leur avis n'avoir pas eu connaissance. Si cet avis mentionne que " les données topographiques ne contredisent pas la possibilité que la parcelle soit inondable en cas de crue centennale de ce cours d'eau " et que la parcelle doit être préservée comme zone d'expansion de crues, il ressort du PPRI que le terrain d'assiette du projet n'est pour l'essentiel pas couvert par ce plan, seule une bande d'environ trois mètres située sur son côté nord-est étant classée en zone jaune du PPRI où les constructions sont cependant possibles. Ces données ne sont pas remises en cause par l'étude hydraulique en cours du syndicat mixte du bassin du gave de Pau, produite en appel par la commune, qui précise que le terrain d'assiette du projet, classé en zone bleu très clair, n'est que partiellement inondable sans dépasser 0,5 mètre en cas de submersion. Ne démontrent pas davantage la réalité de l'atteinte à la sécurité publique du projet décrit dans la demande de certificat d'urbanisme, les photographies du terrain détrempé à la suite de fortes pluies, prises en février 2018 et février 2019. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, les requérants sont fondés à soutenir que le maire de Meillon a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet n'était pas réalisable au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
4. En deuxième lieu, les prévisions de classement en zone agricole de la parcelle cadastrée section ZC n° 45 envisagées par une délibération du conseil municipal de Meillon en date du 25 janvier 2017, ne sont pas de nature à fonder légalement le certificat d'urbanisme en litige, la commune ne le contestant d'ailleurs plus en appel.
5. En troisième lieu, la commune de Meillon demande en appel, par un mémoire communiqué aux appelants, que soit substitué un nouveau motif tiré de ce que le certificat d'urbanisme négatif se justifie en application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé ou qu'un certificat d'urbanisme négatif doit être délivré lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
8. Il ressort de l'avis d'Enedis du 30 janvier 2017 rendu sur la demande de certificat d'urbanisme en litige, que " la distance entre le réseau existant et la parcelle ne permet pas un raccordement au réseau public de distribution d'électricité avec un simple branchement conforme NF C-14-100. Dans ces conditions des travaux d'extension de réseau électrique sont nécessaires pour alimenter la parcelle ". Il est constant que la norme NF C-14-100 visée dans cet avis traite de la conception et de la réalisation des installations de branchement du domaine de basse tension comprises entre le point de raccordement et le point de livraison. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le terrain des requérants est contigu au nord, à des parcelles construites desservies par le réseau basse tension et selon le plan joint à l'avis d'Enedis ce réseau se prolonge vers un terrain situé en face sur lequel un permis de construire une résidence collective d'habitations a été délivré. Ainsi, eu égard à la distance minime, inférieure à 100 mètres, séparant ces différentes parcelles, et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce, et notamment pas de l'avis d'Enedis, qu'un renforcement de la capacité du réseau serait nécessaire, les travaux projetés ne nécessitent aucune extension du réseau au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Par suite, la commune de Meillon n'est pas fondée à invoquer l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme au soutien de la décision attaquée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune de Meillon a délivré un certificat d'urbanisme déclarant l'opération projetée non réalisable.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
11. En application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, il y a lieu de prescrire au maire de Meillon de procéder au réexamen et de se prononcer à nouveau sur la demande de certificat d'urbanisme présentée par les consorts C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
12. En vertu des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
13. Le passage du mémoire présenté pour la Commune de Meillon le 12 février 2021, commençant par les mots " qui est rédigé " et se terminant par les mots " juridiquement inepte ", n'excède pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des consorts C... qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Meillon le versement d'une somme de 1 500 euros aux consorts C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 janvier 2019 et le certificat d'urbanisme du 8 mars 2017 délivré par le maire de Meillon aux consorts C... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Meillon de procéder au réexamen et de se prononcer à nouveau sur la demande de certificat d'urbanisme des consorts C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Meillon versera aux consorts C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... C..., Mme E... C... et à la commune de Meillon.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
Le président-assesseur,
Dominique FerrariLa présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02698