Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2020 et le 18 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Bonnan, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801250 du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2018 rejetant son recours gracieux formé le 16 janvier 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre à la directrice de l'INAO, à titre principal, de l'inscrire sur la liste des opérateurs habilités pour ses activités de producteur de raisins ou de moûts, éleveur, vinificateur-
élaborateur, conditionneur-donneur d'ordre en AOC Lalande-de-Pomerol, à titre subsidiaire, de
réexaminer sa demande d'habilitation, dans un délai d'un mois, à compter de la date de
notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'INAO une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'INAO n'a pas respecté la procédure du contradictoire et a méconnu les droits de la défense dès lors que, dans sa décision du 30 janvier 2018, il s'est fondé sur un nouveau motif sans le mettre en mesure de présenter ses observations ; l'article L. 642-33 prévoit une telle procédure contradictoire ;
- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors que la déclaration d'identification ainsi que le cahier des charges applicable à l'AOC Lalande-de-Pomerol n'indiquent aucune date limite de dépôt des demandes d'habilitation ; la date de dépôt fixée au 15 septembre par le plan d'inspection de l'AOC est arbitraire dès lors que seules doivent être prises en compte les qualités intrinsèques du vin et, en tout état de cause, n'a pas vocation à imposer des contraintes supplémentaires par rapport au cahier des charges ; en ne prévoyant pas de dérogation pour le cas où un opérateur ne serait pas en mesure de régulariser sa demande à la date prévue, le plan d'inspection méconnaît les dispositions de l'article R. 642-39 du code rural et de la pêche maritime ; l'organisme de défense et de gestion ne s'est pas opposé à la déclaration d'identification ;
- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation dès lors qu'un contrôle a pu être effectué le 18 décembre 2017 par l'organisme Quali-Bordeaux et que ce contrôle a validé le respect de l'ensemble des conditions posées par le cahier des charges de l'AOC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2021, l'INAO, représenté par Me Didier et Me Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2011-1354 du 24 octobre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michaël Kauffmann,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a conclu le 26 septembre 2017 avec la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Aquitaine-Atlantique un bail, valable jusqu'au 30 novembre 2017, portant sur un ensemble de parcelles de vignes d'une superficie totale de 5,38 hectares sur le territoire de la commune de Néac. Le 12 décembre 2017, M. A... a déposé auprès de l'organisme de défense et de gestion de l'AOC Lalande-de-Pomerol une déclaration d'identification valant demande d'habilitation pour ses activités de producteur de raisins ou de moûts, éleveur, vinificateur-élaborateur, conditionneur-donneur d'ordre dans l'appellation concernée. Par une décision du 19 décembre 2017, confirmée par une décision du 30 janvier 2018, la directrice de l'INAO lui a refusé cette habilitation pour sa récolte de l'année 2017. L'intéressé relève appel du jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux en tant que ce dernier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2018 rejetant son recours gracieux.
Sur l'étendue du litige :
2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui demande l'annulation de la décision du 30 janvier 2018 rejetant son recours gracieux contre la décision de l'INAO du 19 décembre 2017 portant rejet de sa demande d'homologation, doit être regardé comme sollicitant également l'annulation de cette dernière décision.
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".
5. M. A... soutient que la directrice de l'INAO ne pouvait fonder sa décision du 30 janvier 2018 sur un motif différent de celui sur lequel elle avait fondé celle du 19 décembre 2017 sans l'avoir mis à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif. Toutefois, les décisions litigieuses refusant l'habilitation de l'intéressé en AOC Lalande-de-Pomerol ont été prises sur sa demande. Ainsi, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, la directrice de l'INAO n'était pas tenue de mettre en œuvre une procédure contradictoire. A cet égard, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 642-33 du code rural et de la pêche maritime qui organise une telle procédure uniquement lorsque le directeur de l'INAO envisage de sanctionner un opérateur pour manquements au cahier des charges.
6. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 642-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'utilisation d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine est subordonnée à l'identification des opérateurs auprès de l'organisme de défense et de gestion en vue de leur habilitation, au respect du plan de contrôle ou du plan d'inspection approuvé par l'Institut national de l'origine et de la qualité, et aux résultats des contrôles effectués. Ces contrôles peuvent être réalisés hors de l'aire géographique de production. ". Aux termes de l'article L. 642-2 du même code : " Au cahier des charges d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique concernant un produit vitivinicole, un produit vinicole aromatisé ou une boisson spiritueuse est associé soit un plan de contrôle, soit un plan d'inspection. / (...) / Un plan de contrôle ou d'inspection peut être constitué : / - de dispositions de contrôle communes à plusieurs cahiers des charges ou à plusieurs organismes de contrôle ; / - de dispositions de contrôle spécifiques. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 642-39 du même code : " Le contrôle du respect du cahier des charges d'un produit sollicitant le bénéfice d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine est organisé par le plan de contrôle ou d'inspection prévu à l'article L. 642-2. / Ce plan de contrôle ou d'inspection rappelle les autocontrôles réalisés par les opérateurs sur leur propre activité et les contrôles internes réalisés sous la responsabilité de l'organisme de défense et de gestion ; il indique les contrôles externes réalisés par l'organisme de contrôle, notamment ceux qui ont été effectués sur les autocontrôles et les contrôles internes. Il prévoit les modalités de délivrance de l'habilitation reconnaissant l'aptitude de l'opérateur à satisfaire aux exigences du cahier des charges du signe dont il revendique le bénéfice. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. A... son habilitation pour ses activités réalisées sur les parcelles prises à bail entre le 26 septembre et le 30 novembre 2017, la directrice de l'INAO, aux termes de la décision du 30 janvier 2018, s'est fondée sur le motif tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions du plan d'inspection approuvée pour l'appellation AOC Lalande-de-Pomerol, dans sa rédaction alors en vigueur, M. A... n'avait pas déposé sa déclaration d'identification avant la date limite prévue pour les producteurs de raisin, soit le 15 septembre 2017. Si le requérant conteste ce motif dès lors que la déclaration d'identification ainsi que le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée Lalande-de-Pomerol, homologué par le décret susvisé du 24 octobre 2011, ne mentionnent aucune date limite de dépôt des demandes d'habilitation, il résulte des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime que l'utilisation d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine est subordonnée, notamment, au respect du plan d'inspection dont les prescriptions, qui ont un objet distinct de celles du cahier des charges de l'appellation, lui étaient ainsi également opposables. Contrairement à ce qu'allègue l'intéressé, la fixation d'une date limite de dépôt des demandes d'habilitation ne présente pas un caractère arbitraire dans la mesure où elle permet à l'INAO de mettre en œuvre, en temps utile au regard du processus de production, les vérifications préalables à la délivrance des habilitations pour les millésimes concernés. A cet égard, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment celles précitées de l'article R. 642-39 du code rural et de la pêche maritime, que le plan d'inspection aurait dû prévoir une dérogation dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, un opérateur ne serait pas en mesure de régulariser sa demande à la date limite de dépôt des demandes d'habilitation en raison d'une prise à bail tardive de parcelles de vignes. Par ailleurs, la circonstance que l'organisme de défense et de gestion ne s'est pas opposé à la déclaration d'identification déposée par M. A... ne faisait pas obstacle à ce que la directrice de l'INAO, seule autorité compétente pour accorder ou refuser une habilitation, rejette la demande de l'intéressé. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision du 30 janvier 2018 est entachée d'erreur de droit.
8. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision du 30 janvier 2018 qu'ainsi qu'il a été exposé, la directrice de l'INAO a rejeté la demande d'homologation de M. A... au motif, notamment, qu'il n'avait pas respecté la date limite de dépôt de la déclaration d'identification prévue par le plan d'inspection, dans sa version approuvée le 28 septembre 2016. La circonstance que la directrice de l'INAO a, de manière surabondante, indiqué que le non-respect de cette date avait rendu " tout contrôle impossible " est sans influence sur la légalité de cette décision. Dès lors, le moyen tiré par le requérant de l'erreur de fait, tenant à ce que qu'un contrôle documentaire a pu être effectué sur son exploitation le 18 décembre 2017 par l'organisme Quali-Bordeaux, doit être écarté.
9. En dernier lieu, en raison du dépôt tardif de sa déclaration d'identification, M. A... ne remplit pas l'ensemble des conditions pour bénéficier d'une homologation pour l'AOC Lalande-de-Pomerol. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur d'appréciation au regard des qualités intrinsèques du vin qu'il produit, qui respecterait l'ensemble des conditions posées par le cahier des charges de l'AOC Lalande-de-Pomerol, ne peut qu'être écarté
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'INAO, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par l'INAO au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Institut national de l'origine et de la qualité tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
Le rapporteur,
Michaël Kauffmann La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00642
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