Procédure devant la cour :
Par une requête régularisée par un mémoire, enregistrés respectivement les 29 avril et 6 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2000627 du 21 janvier 2021 ;
2°) d'annuler, l'arrêté préfectoral du 10 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour dans le délai qu'il déterminera, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans les soixante-douze heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a rejeté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne se fonde que sur les avis défavorables rendus par le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Guadeloupe (Direccte) et non sur la vie personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par ordonnance du 7 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12h00.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2021 après la clôture d'instruction et qui n'a pas été communiqué, le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021, modifiée le 31 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,
- et les observations de Me Saint-Martin représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien, déclare être entré en France le 30 octobre 2013. Il a déposé le 21 novembre 2013 une demande d'asile, définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 3 février 2016. Par un premier arrêté du 20 mai 2016, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un second arrêté du 13 juin 2017 le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle, lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 27 novembre 2017, pour défaut d'examen réel de sa situation, et le tribunal a enjoint à l'autorité compétente de réexaminer sa situation. Le 14 décembre 2019, M. A... a sollicité sa régularisation en qualité de salarié. Par un arrêté du 10 juillet 2020, le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'un an et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 21 janvier 2021, par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige précise les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et notamment les éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., contrairement à ce qu'il soutient. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
5. D'une part, M. A... fait valoir qu'il est entré en France en 2013, soit depuis sept ans au jour de l'arrêté contesté, et qu'il a désormais fixé l'ensemble de ses intérêts personnels et professionnels en France, comme en attesterait l'ensemble de ses démarches visant à obtenir l'asile, un titre de séjour et une autorisation de travail, et les procédures contentieuses engagées à l'encontre de chacune des décisions prises à son encontre. Toutefois, la seule durée de sa présence en France n'est pas suffisante pour attester de la reconstitution de sa vie privée et familiale en France. De plus, M. A... ne produit pas plus en première instance qu'en appel d'élément relatif à sa vie privée et familiale en France depuis son arrivée et ne conteste pas être célibataire, sans charge de famille ou membre de sa famille sur le territoire, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où résident son frère, sa sœur et ses deux enfants, et où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Dès lors, la durée de sa présence en France et la circonstance qu'il ait entrepris des démarches pour être régularisé, ne constituent pas un motif exceptionnel ou une considération humanitaire de nature à justifier la régularisation de sa situation en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
6. D'autre part, comme précédemment exposé, M. A... est entré en France en 2013 ; il fait valoir qu'il dispose d'une promesse d'embauche et produit un contrat de travail à durée indéterminée pour le poste de vendeur-caissier polyvalent au sein de l'entreprise " Libre Service Ismaël " signé le 17 août 2018. Il ressort des pièces du dossier qu'il travaille à ce poste depuis le 14 août 2017 sans autorisation, et qu'il a donc acquis une expérience de plus de trois ans. Il ressort de même des pièces du dossier que M. A... a suivi des études en génie civil en Haïti, ainsi qu'une formation en évaluation détaillée des bâtiments et contrôle de qualité des réparations, et qu'il a travaillé huit ans en qualité de professeur de mathématiques au collège. Toutefois, ces qualifications et expériences professionnelles ne sont pas en lien avec le poste qu'il occupe à présent. Ainsi, bien que M. A... témoigne d'une expérience professionnelle pour le poste de vendeur-caissier polyvalent, qu'il résidait en France depuis sept ans au jour de l'arrêté contesté et qu'avant son arrivée en France, il avait une carrière professionnelle dans un autre domaine d'activité, ces éléments ne suffisent pas à caractériser une circonstance humanitaire ou un motif exceptionnel de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. En troisième et dernier lieu, comme précédemment exposé au point 6, M. A... ne justifie pas, depuis son entrée sur le territoire français en 2013, de l'existence de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables en France, alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans en Haïti où il n'est pas dépourvu de toute attache familiale. M. A... n'établit ni même n'allègue ne pouvoir poursuivre sa vie hors de France. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A..., ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition le 16 février 2022.
Le président-assesseur,
Dominique FerrariLa présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier
André Gauchon
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02160