Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 16 et 31 août 2021, M. B..., représenté par la SCPA Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 de la préfète de la Vienne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- il a été signé par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu le 10 décembre 2021 à 12h00.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dominique Ferrari, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 13 février 1991, est entré régulièrement sur le territoire français le 12 février 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 avril 2019 et ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), par décision du 20 août 2019. Puis, par un arrêté du 16 septembre 2019, la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 4 décembre 2019, a rejeté la requête en annulation de cet arrêté présentée par M. B... et ce rejet a été confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 8 juin 2020. Cependant, M. B... n'a pas exécuté cet arrêté et le 30 décembre 2020, il a déposé une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 16 mars 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 16 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Par une décision n° 2021/019737 du 14 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. M. B... soutient en appel que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'autorité signataire de l'arrêté contesté était compétente, dès lors que la délégation de signature produite au dossier est extrêmement large et ne permet pas de déterminer quelles attributions ont été accordées au secrétaire général de la préfecture, notamment pour signer de tels arrêtés. Toutefois il ressort des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 27 novembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne, que M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer l'ensemble des décisions et actes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient M. B..., une telle délégation n'est ni trop générale, ni trop imprécise. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, M. B... reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Toutefois, il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ces moyens auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Vienne, qui s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 25 février 2021, a considéré que M. B... ne justifiait pas que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
8. Pour contredire la décision attaquée, M. B... fait valoir qu'il est atteint du syndrome de Hailey-Hayley, maladie génétique rare de la peau, chronique et récidivante, et qu'il doit suivre un traitement médicamenteux adapté à sa pathologie avec une surveillance trimestrielle du bilan hépatique et du bilan lipidique. Il produit à cet égard, notamment, un certificat médical établi le 1er décembre 2020 par un praticien hospitalier du service de dermatologie du CHU de Poitiers, indiquant que la pathologie de M. B... nécessite un traitement au long cours par des rétinoïdes (soriatane) associé à des injections de toxine botulique (1séance / 6 mois). Or, M. B... fait valoir que la soriatane, dont la substance est l'acitrétine ne serait pas disponible en Géorgie selon la liste des médicaments essentiels de l'OMS. Cependant, les éléments apportés par le requérant ne remettent pas en cause l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, la préfète fait valoir, sans être contredite sur ce point, que, à supposer que la molécule " soriatane " soit indisponible en Géorgie, il n'est pas démontré que M. B... ne pourrait recevoir les soins que sa pathologie nécessite dans son pays d'origine, où existent de nombreux centres spécialisés en dermatologie, et que l'indisponibilité de cette molécule l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, être écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle est fondée doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de cette convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 14 de ladite convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
11. M. B... soutient que la décision d'éloignement porte une atteinte grave à son droit à mener une vie privée et familiale normale en ce qu'elle le prive de la possibilité de bénéficier de soins indispensables à son état de santé et qu'il est présent en France depuis 2019, qu'il dispose d'un appartement et a commencé à prendre des cours de français afin de pouvoir travailler. Cependant, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que la circonstance que M. B... ne pourrait bénéficier en cas de retour dans son pays d'origine de la prise en charge dont il bénéficie en France ne devrait pas l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. B... en France, qui a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécuté et du fait qu'il dispose encore d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident ses deux parents, le moyen tiré d'une méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 7 et 8, la décision portant obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi ne serait pas motivée et celui tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Vienne du 16 mars 2021. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.
Le rapporteur,
Dominique Ferrari
La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
André Gauchon
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03418