Procédure devant la cour :
1°) Par une requête enregistrée le 18 mars 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 21 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2019 par lequel le préfet du Lot l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile et les dispositions de l'article 47 du code civil ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de la présomption de minorité ;
Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2019, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mai 2019.
Par ordonnance du 14 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 juillet 2019 à 12:00.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991, sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui déclare être né le 27 décembre 2002 et se nommer Hussain A..., est entré irrégulièrement en France le 17 décembre 2018. Le 14 janvier 2019, à 19h05, son identité a été contrôlée à la gare de Cahors. L'intéressé a alors présenté aux fonctionnaires de police un acte de naissance bangladais au nom d'Hussain A..., né le 27 décembre 2002 à Sylhet. Puis il a présenté deux documents supplémentaires, à savoir un courrier du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse et un courrier du conseil départemental de la Haute-Garonne, datés du 11 janvier 2019, faisant état de ce qu'il était majeur. Par arrêté du 15 janvier 2019, le préfet du Lot a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Bangladesh, ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible, comme pays de destination de son éloignement. M. A... relève appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Selon l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité posant une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour établir sa minorité, M. A... a produit un extrait d'acte de naissance établi par les autorités bangladaises, daté du 25 octobre 2018, et revêtu de plusieurs tampons émanant d'administrations diverses. Outre que rien ne permettait de présumer, en l'absence de tout autre élément ou document, que ce document, qui ne comportait pas d'éléments d'identification tels qu'une photographie ou des empreintes digitales, était bien relatif à la personne du requérant, le préfet a retenu, pour estimer que M. A... était majeur, l'évaluation effectuée dans le cadre du dispositif d'évaluation et d'orientation des mineurs du département de la Haute-Garonne, qui concluait à la majorité du requérant, et la décision du procureur de la République en date du 11 janvier 2019 décidant le classement sans suite de la demande de prise en charge de M. A... par l'aide sociale à l'enfance au motif de la majorité de celui-ci.
5. Toutefois, M. A... produit en appel un document de voyage délivré par les autorités consulaires du Bangladesh, confirmant sa nationalité bangladaise, son identité et sa date de naissance le 27 décembre 2002, et assorti de sa photographie et d'une empreinte digitale. Ce document, dont le préfet du Lot ne conteste pas l'authenticité, n'apparaît ni irrégulier ni falsifié. S'il est postérieur à l'arrêté contesté, les faits qui y sont déclarés, en l'occurrence la date de naissance de M. A..., sont antérieurs à cet arrêté. Il ressort des mentions de ce document que le requérant était mineur à la date de l'arrêté du 15 janvier 2019. M. A... est, dès lors, fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit, pour ce motif, être annulé.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme de correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me D..., sous réserve de renonciation de celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 21 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau ayant rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... contre l'arrêté du 15 janvier 2019 du préfet de Lot, et cet arrêté, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me D..., sous réserve de renonciation de celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
Mme B... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le rapporteur,
Sylvie E...
Le président,
Philippe Pouzoulet La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01123