Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2019 et le 4 juillet 2019, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1802921 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer le titre de séjour sollicité à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans ce délai d'un mois ;
4°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué que :
- le tribunal a omis de viser son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; les motifs de son jugement ne répondent pas non plus à ce moyen ;
- le tribunal a aussi omis de répondre audit moyen qui n'était pas inopérant.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- il n'est pas établi que le médecin que le tribunal mentionne comme étant celui qui a établi le rapport médical présenté devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait effectivement exercé cette mission ; par suite, le tribunal ne pouvait écarter le moyen tiré de ce que l'auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein de cette commission ;
- il n'est pas établi que le collège de médecins ait rendu son avis à l'issue d'une délibération collégiale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne pouvait estimer que les soins nécessaires au requérant sont disponibles dans son pays d'origine ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le requérant justifie en effet d'attaches privées et familiales stables en France ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :
- cette décision est illégale à raison de l'illégalité du refus de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par une ordonnance du 27 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2019 à 12h00.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant algérien né le 9 février 1985, est entré en France, selon ses déclarations, le 14 août 2015 en possession d'un visa de court séjour. Le 10 septembre 2015, il a déposé en préfecture du Tarn une demande de titre de séjour pour raison de santé ce qui lui a permis de bénéficier, pour l'instruction de sa demande, d'une autorisation provisoire de séjour renouvelée jusqu'au 11 octobre 2016. Le 12 octobre 2016, le préfet du Tarn a délivré à M. B... un certificat de résidence pour raison de santé d'un an sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 17 septembre 2017, M. B... a déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour mais par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet du Tarn a rejeté sa demande, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement rendu le 15 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 avril 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé par M. B..., les premiers juges ont répondu, dans les motifs de leur décision, que la décision attaquée " ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ". Ce faisant, le tribunal administratif a implicitement mais nécessairement répondu au moyen soulevé par le requérant dès lors que celui-ci ne faisait valoir aucune circonstance autre que celles qu'il avait invoquées par ailleurs à l'appui de son moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien: " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.
4. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) "
5. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation du médecin coordonateur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Zone sud-Ouest), que le Dr Ferjani, chargé d'établir les rapports médicaux transmis au collège des médecins dans la région Occitanie, n'est pas membre du collège des médecins conformément aux dispositions précitées. Si M. B... fait valoir qu'il n'est pas établi par le préfet qu'il aurait bien été examiné par le Dr Ferjani alors que le Dr Da-Piédade est aussi chargé de la rédaction des rapports médicaux en zone sud-ouest, il ressort néanmoins des mentions contenues dans l'avis émis le 5 janvier 2018 par le collège des médecins que ni le Dr Ferjani ni le Dr Da-Piedade n'ont siégé au cours de cette réunion. Par suite, le moyen tiré de ce que l'auteur du rapport médical concernant M. B... aurait siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en méconnaissance des dispositions précitées, manque en fait.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 5 janvier 2018 porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant cet organisme. Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas apportée par M. B.... Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de délibération du collège de médecins doit être écarté.
8. En troisième lieu, il résulte des motifs de l'arrêté préfectoral du 23 avril 2018, qui sont énoncés de façon circonstanciée, que le préfet a examiné la situation personnelle de M. B... avant de prendre sa décision.
9. En quatrième lieu, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 5 janvier 2018, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, d'un traitement approprié. Dans son avis, le collège des médecins a précisé également que l'état de santé de M. B... lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'appréciation du préfet, éclairée par l'avis du collège des médecins, n'est pas remise en cause par M. B... qui a seulement produit au dossier un certificat d'un médecin du centre hospitalier d'Albi indiquant, sans autre précision, qu'il " bénéficie d'un suivi au long cours en oncologie dans le cadre d'une pathologie ". Quant à la circonstance que M. B... ait bénéficié, en 2016, d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé lui ayant permis d'obtenir alors un certificat de résidence d'un an, elle ne permet pas, à elle seule, de regarder le préfet comme ayant commis, à la date de sa décision, une erreur d'appréciation en estimant qu'il existe en Algérie un traitement approprié à la maladie du requérant. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de lui renouveler son titre de séjour.
10. En cinquième lieu, il est vrai que les parents de M. B... et son frère mineur vivent en France et qu'ils possèdent la nationalité française tandis qu'un autre de ses frères vit aussi en France sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., depuis son arrivée en France et jusqu'à la date de la décision attaquée, a entretenu des relations régulières et durables avec sa famille vivant en France, les seuls virements bancaires dont le requérant a bénéficié de la part de son père en 2012 et 2013 et les attestations produites au dossier ne suffisant pas à corroborer l'existence de telles relations. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille, est entré en France en 2015 à l'âge de 30 ans et avait ainsi passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où réside l'un de ses frères. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces mêmes circonstances, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités invoquées, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En second lieu, il résulte des circonstances exposées au point 10 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités invoquées, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 avril 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 19BX01235 de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur,
Frédéric A...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01235