Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2020, le préfet des Deux-Sèvres demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 mars 2020 ;
2°) de prononcer un non-lieu à statuer au regard de la délivrance certaine du titre de séjour " vie privée et familiale " de l'intéressé.
Il soutient que :
- en raison du défaut de complétude du dossier par l'intéressé, il n'était pas tenu de renouveler l'autorisation provisoire de séjour ; il ne pouvait légitimement procéder à la demande de mise en fabrication du titre de séjour sans nouvelle instruction des documents fournis ; cette demande de fabrication de titre de séjour étant intervenue postérieurement au refus de titre de séjour, elle a pour effet de se substituer à ce refus. En conséquence, ayant respecté la procédure d'instruction d'un dossier de demande de titre de séjour et ayant accompli les diligences nécessaires, c'est à tort que le tribunal administratif, par le jugement attaqué, l'a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2020, M. E... G..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle. Il fait valoir que le préfet ne justifie pas avoir pris un arrêté abrogeant ou retirant l'arrêté en litige et que les conclusions aux fins d'annulation n'ont donc pas perdu leur objet.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... G..., ressortissant comorien né le 19 mai 1991, est entré en France le 1er octobre 2015 selon ses déclarations. Il a sollicité, par courrier daté du 30 juillet 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 juin 2019, qui s'est substitué à la décision implicite de rejet qui était née le 1er décembre 2018 du silence gardé sur la demande de l'intéressé, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer le titre sollicité. Par ordonnance du 2 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu cet arrêté et a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer à M. E... G... une autorisation provisoire de séjour autorisant l'intéressé à travailler dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. En exécution de cette décision, l'administration a délivré à M. E... G... une autorisation provisoire de séjour, datée du 9 juillet 2019 et renouvelée le 24 décembre 2019. Puis, par jugement n° 1901364 et 1901636 du 25 mars 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 21 juin 2019, enjoint au préfet de délivrer à M. E... G... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. E... G..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par la présente requête, le préfet des Deux-Sèvres relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. E... G....
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Au soutien de sa requête, le préfet des Deux-Sèvres se borne à faire valoir que postérieurement au refus de séjour attaqué et antérieurement à l'audience du tribunal du 11 mars 2020, il a sollicité le 10 mars 2020 la fabrication du titre de séjour de M. E... G... et qu'ainsi cette demande de fabrication ayant eu pour effet de se substituer au refus attaqué le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer au regard de la délivrance certaine du titre de séjour " vie privée et familiale " de l'intéressé. Toutefois, en l'absence de document au dossier permettant d'attester du retrait du refus de séjour opposé à M. E... G... et de la délivrance en conséquence dudit titre à l'intéressé, les conclusions à fin d'annulation de cette décision n'avaient pas perdu leur objet.
4. Par ailleurs, il est constant qu'à la date du jugement attaqué, comme cela a déjà été mentionné au point 3, aucun titre de séjour n'avait été délivré à M. E... G.... Dans ces conditions, le préfet des Deux-Sèvres n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Deux-Sèvres n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 juin 2019.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me A..., conseil de M. E... G..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Deux-Sèvres est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me A..., conseil de M. E... G..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. H... E... G....
Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme C... B..., présidente,
M. F... D..., président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.
Le rapporteur,
Dominique D... La présidente,
Evelyne B... Le greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°20BX01413