Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 mai 2019, 15 avril 2020 et 23 avril, 18 juin et 24 septembre 2020, M. A... et Mme B... épouse A..., représentés par Me F...,
demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou, à défaut, de réexaminer la demande de visa, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la régularité de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa n'est pas établie ;
- la décision de l'autorité consulaire et celle de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'ont été méconnues les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une décision du 22 juillet 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme B... épouse A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 3 septembre 1988 à Sidi Bouzid (Tunisie), a épousé, le 21 avril 2017, à Fiennes (Pas-de-Calais), Mme B..., ressortissante française née le 9 septembre 1943. Il a déposé, le 10 avril 2018, auprès de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie), une demande de visa d'entrée et de long séjour pour établissement familial en qualité de conjoint de français, qui a été rejetée par une décision du 5 juin 2018. M. A... a formé un recours contre cette décision auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, enregistré le 31 août 2018. Le silence gardé sur ce recours par la commission a fait naître une décision implicite de rejet dont les requérants ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes. Ils relèvent appel du jugement du 22 mars 2019 du tribunal administratif rejetant leur demande.
2. En premier lieu, la décision contestée est une décision implicite née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours formé par M. A.... Par suite, les requérants ne peuvent utilement invoquer, à l'encontre de cette décision implicite, l'irrégularité de la composition de cette commission.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Selon l'article L. 211-2 du même code, " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'un visa a été initialement accordé à M. A... le 24 mai 2018 par les autorités consulaires françaises à Tunis avant d'être " annulé " par ces mêmes autorités. M. A... soutient que ce retrait n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France " aurait également dû solliciter les observations de M. A... avant de confirmer le retrait du visa initialement accordé ". En tout état de cause, l'illégalité alléguée de la décision de retrait, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, seule contestée par M. A... et Mme B... devant la cour.
5. En troisième lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
6. Pour établir que le mariage de M. A... avec Mme B..., de 43 ans son aînée, a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, le ministre de l'intérieur fait valoir que celui-ci a été conclu, le 21 avril 2017, alors que M. A... résidait en situation irrégulière sur le territoire français depuis 2016, après qu'un refus de visa lui a été opposé en 2015, et qu'aucun élément probant ne vient étayer l'existence d'une vie commune avant ou après le mariage. Les requérants soutiennent, sans autre précision, qu'ils se sont rencontrés en 2010, lors d'un voyage en Tunisie de Mme B..., que celle-ci s'est rendue à plusieurs reprises en Tunisie pour y retrouver M. A... et que ce dernier a résidé chez sa future épouse sept mois avant le mariage. Cependant, à l'exception de justificatifs des voyages effectués par Mme B... en Tunisie, aucun des éléments versés au dossier ne vient attester d'une vie commune avant ou après le mariage, jusqu'au retour de M. A... dans son pays d'origine, ni de la réalité d'un projet de vie commune. En particulier, les quelques photos produites, attestant seulement de la présence de Mme B... auprès de M. A... et de la famille de ce dernier, et l'unique témoignage d'un tiers attestant d'une relation d'" amitié " entre M. A... et Mme B..., ne suffisent pas à attester de la réalité de l'intention matrimoniale des époux. Les justificatifs de communications et de messages téléphoniques entre les requérants versés au dossier ne suffisent pas davantage à attester de la réalité d'une telle intention. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que le mariage de M. A... et Mme B... a été conclu à des fins étrangères à l'union matrimoniale. Dès lors, c'est par une exacte appréciation des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande dont elle était saisie.
7. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point précédent, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale.
8. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Dès lors, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme G... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente,
- M. Frank, premier conseiller,
- M. E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.
Le rapporteur,
F.-X. E...Le président,
C. D...
Le greffier,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT01915