Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 mars, 2 juin, 7 et 25 août 2020 sous le numéro 20BX00833, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement en date du 13 février 2020 et de rejeter les conclusions présentées par M. E... devant les premiers juges.
Il soutient que les premiers juges ont retenu à tort que la prise en charge médicale dont M. E... a besoin est indisponible dans son pays d'origine.
Par des mémoires en défense et des pièces nouvelles , enregistrés les 25 mai , 30 juillet et 25 août 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire
2°) de rejeter la requête de préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;
4°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité et/ou un certificat de résidence algérien au regard de ses attaches en France, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- le moyen soulevé n'est pas fondé ;
- le Dr Chandelier a aliéné son indépendance professionnelle contrairement aux règles déontologiques qui lui sont applicables ; le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait solliciter le Dr Chandelier qui devait rester indépendant ; l'avis de l'OFII est donné par trois médecins mais le préfet fonde son argumentation sur le seul avis du Dr Chandelier ; le courrier produit doit être rejeté des débats ;
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le principe du contradictoire a été méconnu ; il ignorait que le refus apporté à sa demande de titre pouvait le contraindre à quitter le territoire français ; il n'a jamais été informé de ce qu'il pouvait formuler des observations écrites ou orales ou solliciter un entretien ;
- le droit d'être entendu n'a pas été respecté ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration : il n'est pas établi que cet avis ait été rendu de manière collégiale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen personnel de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée par rapport à l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 (5°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- il justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le principe du contradictoire a été méconnu ; il ignorait que le refus apporté à sa demande de titre pouvait le contraindre à quitter le territoire français ;
- il n'a jamais été informé de ce qu'il pouvait formuler des observations écrites ou orales ou solliciter un entretien en méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle ne fixe pas un délai supérieur à un mois ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
II. Par une requête enregistrée le 5 mars 2020 sous le numéro 20BX00835, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement susvisé.
Il soutient que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2020, M. E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., ressortissant algérien né le 12 novembre 1964, est, selon ses déclarations, entré en France le 4 mars 2015 sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 10 octobre 2014 au 24 août 2015. Le 18 septembre 2018, il a sollicité son admission au séjour en France en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article 6 (5°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi qu'au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article 6 (7°) du même accord. Par un arrêté du 5 août 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement en date du 13 février 2020 le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. E.... Par une requête enregistrée sous le n° 20BX00833, le préfet de la Haute-Garonne fait appel de ce jugement dont il demande le sursis à exécution par une seconde requête enregistrée sous le n° 20BX00835. Ces deux requêtes présentant des questions identiques et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 11 juin 2020, M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet. En conséquence, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :
3. Aux termes du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.
4. Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). " Aux termes de l'article R. 31323 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".
5. Pour refuser de délivrer à M. E... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du 7 novembre 2018 rendu par le collège de médecins de l'OFII qui indique que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossiers et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., qui a perdu l'usage fonctionnel de son oeil droit, est également atteint d'une forte myopie de l'oeil gauche, dont l'acuité visuelle est limitée à 0,08/10ème, et présente un risque de décollement de la rétine qui nécessite un suivi régulier. Pour contester le refus opposé par le préfet de renouveler son titre de séjour, le requérant produit deux certificats médicaux, dont un n'est pas daté, établis par des praticiens exerçant en Algérie indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge qui n'est pas disponible en Algérie. Toutefois, et alors qu'aucun des autres certificats produits n'apporte de précisions sur la nature des traitements qui feraient défaut à l'intéressé ou sur les opérations chirurgicales qui ne pourraient être réalisées dans son pays d'origine, où l'intéressé a d'ailleurs été opéré à trois reprises, il résulte du courriel du Dr Candillier, membre du collège de médecins à l'origine de l'avis du 7 novembre 2018, que l'Algérie compte plusieurs établissements au sein desquels la prise en charge de M. E... pourra être assurée. Dans ces conditions, et alors que M. E... n'est pas fondé à soutenir que les observations du Dr Candillier ne pouvaient être régulièrement produites à l'instance, aucun élément ne permet de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la possibilité pour M. E... de bénéficier d'une prise en charge médicale de l'affection dont il souffre à l'oeil gauche.
7. De plus, M. E... n'apporte aucun élément pour contester l'appréciation du collège de médecins de l'OFII selon laquelle il pourra bénéficier dans son pays d'origine d'une prise en charge adaptée de la dépression d'intensité modérée à sévère dont il souffre depuis 2014. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le préfet avait méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 précité.
8. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 5 août 2019.
9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
10. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constitue le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention internationale des droits de l'enfant et notamment son article 3, les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 311-11, L. 511-1, L. 512-1, L. 513-2 et L. 711-4. L'arrêté précise ensuite les conditions de l'entrée et du séjour en France de M. E..., l'avis défavorable de la part de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont il pouvait bénéficier dans son pays d'origine. L'arrêté en litige précise également que l'intéressé est entré en France récemment à l'âge de 50 ans, que le seul de ses enfants encore mineur est à la charge de son ex-conjointe. L'arrêté en litige relève également que l'appelant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressé, a suffisamment motivé en droit et en fait son arrêté du 5 août 2019. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'un procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités du code des relations entre le public et l'administration avant de refuser à M. E... le renouvellement de son titre de séjour est inopérant. En outre, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu prévu par les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne est également inopérant.
12. En troisième lieu, il ressort des pièces versées au dossier, en particulier de l'avis du collège des médecins de l'OFII, que celui-ci mentionne le nom du médecin qui a établi le rapport médical sur l'état de santé de M. E... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être soumis au collège de médecins. Il résulte également des mentions de cet avis, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce collège au sein duquel ont siégé trois autres médecins dont les noms et signatures figurent sur l'avis, s'est réuni le 7 décembre 2018 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet de la Haute-Garonne. Enfin, l'avis médical porte la mention " après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. Par suite, l'avis du collège de médecins a bien été émis par délibération au vu d'un rapport médical, dans une composition qui ne méconnaît pas la règle fixée à l'article R. 313-23 précité du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Dès lors le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
13. En quatrième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait cru en situation de compétence liée, compte tenu de l'avis rendu par l'OFII, pour refuser à M. E... la délivrance d'un titre de séjour et aurait omis de procéder à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France en 2015 et n'a été autorisé à y séjourner que dans le cadre d'un visa de court séjour. S'il fait valoir qu'il est intégré dans la société française où résident trois de ses enfants et ses quatre petits-enfants de nationalité française, il demeure que deux de ces enfants sont majeurs et que seule son ex-conjointe s'est vu confier la garde de leur fille encore mineure. S'il n'est pas contesté qu'il a continué à accompagner son ex-épouse dans le suivi de la maladie grave et chronique dont elle est atteinte, il demeure qu'il a vécu en Algérie jusqu'à ses 50 ans où résident notamment un de ses enfants et ses parents. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions susvisées, le préfet n'a pas porté à son droit au respect à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de ce refus. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 5° de l'article 6 de la convention franco-algérienne ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a également pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation personnelle.
16. En sixième lieu, s'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation, en l'espèce le préfet a indiqué que l'intéressé ne justifiait d'aucune considération humanitaire ou circonstances exceptionnelles permettant une régularisation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... justifierait de circonstances exceptionnelles ou de considérations humanitaires permettant son admission au séjour en France. Ainsi, le préfet, qui a exercé la plénitude de ses pouvoirs de régularisation, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant au requérant la délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 16, que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ". Il résulte du point 10 que le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé en droit et en fait la décision par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. E.... La motivation de l'obligation de quitter le territoire français découlant de celle du refus de titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré du défaut de motivation cette dernière décision doit être écarté.
19. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire n'aurait pas été précédée de l'organisation de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme étant inopérant.
20. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) ".
21. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
22. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Ainsi, la seule circonstance que le requérant n'a pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu alors au surplus que l'intéressé ne peut pas utilement se prévaloir de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
23. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 15, la décision contestée ne méconnait pas les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....
En ce qui concerner la décision fixant le délai de départ volontaire :
24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
25. En deuxième lieu, les dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déterminent l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, ainsi que le délai qui lui est accordé pour se plier volontairement à cette obligation. Dès lors, les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables à ces décisions et leur méconnaissance ne peut être utilement invoquée à leur encontre.
26. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 5 août 2019 ni des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant ou que le préfet se soit cru à tort en situation de compétence liée.
27. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle de M. E... aurait justifié une prolongation du délai de départ volontaire. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerner la décision fixant le pays de renvoi :
28. La décision fixant le pays de destination, qui précise notamment que M. E... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne susvisée en cas de retour dans son pays d'origine, vu notamment l'absence de demande d'admission au bénéfice de l'asile, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
29. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 5 août 2019 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. E... et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions à fin d'injonction de M. E... et celles fondées sur les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées par voie de conséquence.
Sur la demande de sursis à exécution :
30. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne, sa requête aux fins de sursis à exécution est devenue sans objet.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de M. E....
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX00835 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1905592 du 13 février 2020 du tribunal administratif de Toulouse.
Article 3 : Le jugement n° 1905592 du 13 février 2020 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 4 : Les demandes présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse et les conclusions de la requête d'appel de ce dernier sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie sera communiquée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. C... B..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.
Le rapporteur,
Stéphane B... Le président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00833, 20BX00835